CHAPITRE NEUF - regardez-moi.

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« Oh, Fred... »


Hermione ne sut combien de temps s'écoula entre le moment où elle trouva Fred en train de pleurer et l'instant où il n'eut plus la force de produire la moindre larme.
Ses larmes se tarirent lentement.
Son teint pâle et ses joues creuses l'inquiétèrent et elle s'efforça de masquer son tourment.

Elle s'écarta en le sentant bouger.
Son cœur se serra lorsque le garçon attrapa sa main pour nouer ses doigts aux siens.

De longues secondes, elle observa leurs mains entrelacées.
Si, autrefois, elle aurait pu être surprise d'un tel geste, et gênée aussi, puisqu'aucun garçon n'avait jamais eu un tel geste à son égard, ce n'était pas le cas à présent.
Ils avaient tous les deux traversé de tels tourments que l'autre était le seul à véritablement pouvoir le comprendre.
Ils avaient tous les deux traversé de telles épreuves qu'ils pouvaient comprendre la peine et la douleur incommensurable de l'autre sans éprouver ni pitié ni quelconque émotion factice.

Dans cette période sombre, Fred était devenu un pilier.
Une constante dans sa vie.
Une force protectrice qui l'aidait à tenir les ombres éloignées.

Cela ne suffisait pas toujours, certes.
Le cauchemar persistait, nuit après nuit.
Mais Hermione avait appris à y faire face.
A accepter la douleur causée par les cicatrices.
Voir la marque restait encore une torture, et elle s'efforçait de la cacher de la vue des autres par tous les moyens.

Son esprit avait finalement fini par comprendre que Lestrange ne pourrait pas revenir.
Que la sorcière ne pourrait plus lui faire le moindre mal.
Ni finir ce qu'elle avait commencé.
Elle était morte et son fantôme loin, très loin du havre de paix que représentait le Terrier.

Hermione était en sécurité.
Dans la maison.
Dans sa chambre.
Auprès de Fred.

En l'espace de quelques semaines, il avait pris une place si importante dans sa vie qu'elle parvenait désormais à reconnaître chacune des mimiques qui défiguraient son visage encore marqué par l'absence de son jumeau.
Elle savait interpréter ses froncements de sourcil, reconnaître l'émotion qui se cachait derrière ses soupirs. 
Elle sentait lorsqu'il était prêt à s'ouvrir aux autres, ou, au contraire, quand l'énergie, la joie et toute émotion lui échappaient.
Elle avait également remarqué la façon dont il détournait légèrement la tête lorsqu'il parlait, comme s'attendant à entendre George finir sa phrase, comme il le faisait autrefois. 
Parfois, elle apercevait l'ombre d'un sourire sur ses lèvres.
Mais c'était si fugace, si... Elle peinait même à croire que Fred soit capable de sourire de nouveau un jour.

Il se battait.
Il faisait des efforts.
Il avançait, un pas après l'autre.
Il se reconstruisait petit à petit.
De nouveau animé par une étincelle qui s'était éteinte à la seconde où le cœur de son frère avait cessé de battre.

L'espoir.

Il ne ressemblait que peu au garçon qu'elle avait trouvé cette nuit-là, caché dans la grange, prêt à tout pour rejoindre son frère.
Il ne ressemblait que peu au garçon hagard, vide, brisé qu'elle avait sauvé.
Il ne ressemblait que peu au garçon dont les prunelles avaient perdu tout éclat.

Certes, Fred n'en était qu'aux prémices de son deuil, mais Hermione gardait espoir.
Chaque jour, elle le voyait se battre contre lui-même, contre ses démons, contre cette douleur indescriptible qui le comprimait tout entier, pour essayer de s'en sortir.
Chaque matin, elle sentait son cœur bondir de joie lorsqu'elle l'apercevait assis autour de la table de la cuisine, en compagnie des autres. Quand il la voyait à son tour, il lui adressait un regard qui valait tous les sourires du monde.

LA NUIT OÙ LES ÉTOILES SONT MONTÉES DANS LE CIEL [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant