CHAPITRE DEUX - être quelqu'un d'autre.

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« Alors, c'est ça ?
Se lever tous les matins, plaquer un sourire factice sur son visage pour faire croire que tout va bien et faire semblant d'être heureuse ?
C'est tout ce qu'il me reste, maintenant ?
Cette fausse image pour cacher que mon être tout entier est brisé ?
Je ne suis pas certaine d'avoir assez de force...
»


Mentir était devenu comme une seconde nature chez Hermione.

Mentir, avoir un sourire en coin qui paraissait sincère et prétendre être heureuse.

Tel était devenu son quotidien depuis la fin de la guerre. Telle était devenue sa tâche habituelle. Telle était devenue la seule chose qu'elle était encore capable de faire.

Par chance, personne ne semblait s'en rendre compte. Personne ne semblait remarquer qu'il manquait cet éclat si particulier dans ses yeux. Personne ne semblait remarquer qu'elle avait perdu goût à tout, y compris à la lecture. Personne ne semblait comprendre que ses nuits étaient agitées par des cauchemars plus terrifiants les uns que les autres, et dans lesquels elle ne revivait qu'un seul et unique instant.

Personne, pas même Harry et Ron.
Ni Ginny.
Ni les parents Weasley.
Ni Bill, ni Charlie, ni Percy.
Et encore moins Fred. 

Personne, parce qu'elle avait appris à le cacher. 

Les autres étaient déjà si affectés par la mort de George, qu'elle ne voulait pas les inquiéter davantage en leur montrant combien elle avait mal.
Combien oublier, passer à autre chose, reprendre sa vie en main, lui était impossible. 

Se lever, sourire. Participer aux conversations, rire.
C'était déjà un supplice. 

Elle voyait bien les efforts des autres pour aller de l'avant, tirer un trait définitif sur toutes ces années de souffrance, de peur et de pertes, et tant de fois elle avait essayé de se caler sur le courage de Harry, sur la détermination de Ron et la force de Ginny... en vain. 

Quelque chose s'était éteint en elle cette fatidique journée. 
Et Hermione craignait de ne jamais retrouver l'étincelle qui l'avait toujours animée.

Un soupir lasse lui échappa, et elle détourna le regard de l'étendue qui s'offrait à elle. 

Fuir les quelques conversations qui égayaient les pièces du Terrier était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour s'éloigner. Pour se retrouver seule, envahie par les sombres pensées qu'elle ne parvenait plus à faire taire. Parfois, elle avait la désagréable sensation de vivre un cauchemar éveillé, de ne plus avoir le moindre contrôle sur son corps et, d'assister, impuissante, à une vie qui n'était pas la sienne. Qui y ressemblait en tout point, mais dont elle était absente, dans laquelle elle errait, vide, tel un fantôme. 

Le soleil brillait haut au-dessus de sa tête, en ce qui aurait du être une belle journée d'août. Les oiseaux piaffaient gaiement, sur les branches d'arbres, dans la forêt voisine. Pas un nuage à l'horizon, comme la promesse d'une vie future sans embûches.

Mais comment savoir ?
Qui pouvait prédire que l'avenir ne serait pas aussi difficile que le passé ?
La vie n'était pas faite que des hauts, Hermione avait apprit depuis toute petite, qu'il y avait un nombre incalculable de bas qu'il fallait affronter.

Autrefois, elle l'aurait accepté avec force, avec courage et bravoure, comme la digne Gryffondor qu'elle avait toujours été.
Mais aujourd'hui, elle n'avait plus tout ça.

Elle n'avait plus rien.

Hormis le souvenir de cette journée qui ne cessait de la hanter.

Inlassablement.

Elle avait plusieurs fois songé à consulter des psychologues, de se rendre à l'hôpital Ste Mangouste pour qu'on lui prescrive des potions de sommeil sans rêves, mais elle n'avait jamais eu la force de s'y résoudre.

Parce qu'elle trouvait ça lâche.

Indigne de tout ce qu'elle avait déjà affronté et dont elle n'était sortie que plus forte encore.

Et surtout, cela voudrait dire montrer aux autres combien elle souffrait au plus profond d'elle-même.

Nouveau soupir.

Soupirer était une chose qu'elle avait toujours détesté, mais désormais, cela comblait le silence qui l'entourait.

Certes, il y avait le bruit des conversations, les sons qui égayaient autrefois chaque seconde de ses journées, mais c'était comme si, du jour au lendemain, Hermione était devenue complètement hermétique à tout cet environnement. Elle déambulait, progressait dans cet univers dans lequel elle ne parvenait plus à trouver sa place. 

Et depuis quelques jours, alors que l'été s'était définitivement installé sur l'Angleterre, une seule idée lui venait à l'esprit :

Partir.

Fuir cet endroit, ce pays. S'échapper le plus loin possible, avec l'espoir vain et fragile que ses cauchemars ne la suivraient pas. Qu'ils resteraient ici et qu'elle pourrait se reconstruire sereinement ailleurs. Qu'elle trouverait enfin sa place quelque part. 

C'était une idée absurde, bien entendu, mais Hermione ne parvenait plus à réfléchir avec logique, depuis cette terrible journée. Elle évoluait, tel un automate dépourvu de pensées et d'émotions, se contentant de répéter inlassablement les mêmes tâches pour satisfaire ses besoins les plus élémentaires. 

Mais elle savait qu'il serait difficile de convaincre Harry et Ron. Ses amis ne la laisseraient pas partir ainsi, seule, sans raison valable. Même si elle prétendait vouloir s'éclipser pour aller chercher ses parents en Australie, il était fort probable que l'un des deux insiste pour l'accompagner, lui tenir compagnie. Peut-être... peut-être sans une situation différente aurait-elle accepté. Peut-être dans une vie différente serait-elle réellement aller chercher ses parents, leur aurait-elle rendu leurs souvenirs pour qu'ils forment de nouveau une famille heureuse. Pourtant, l'idée de leur imposer une fille brisée, et trop faible pour aller de l'avant, lui donnait la nausée. Non, elle ne pouvait pas leur faire ça. C'était une responsabilité trop lourde à porter, même pour des parents. Et elle voulait les préserver de toutes les horreurs qu'elle avait vues, entendues et subies. 

Une bourrasque de vent balaya ses mèches châtains, et son regard dériva vers la cime des arbres. Le soleil se couchait doucement à l'horizon, et elle sut précisément ce qu'elle devait faire.

Quand elle devait agir.

C'était lâche, bien sûr.
De partir sans prévenir qui que ce soit. 
Mais n'était-ce pas le mieux à faire ?

Bien entendu, Harry et Ron seraient furieux, ils ne comprendraient pas sa décision.
Ginny non plus et probablement que le reste des Weasley seraient surpris.

Mais ne représentait-elle pas un fardeau dans cette période de deuil qu'ils devaient tous gérer ?
Fred n'était plus que l'ombre de lui-même et ses parents se faisaient déjà bien trop de soucis pour lui, Hermione ne pouvait pas non plus leur imposer sa souffrance. 

Non, le seul moyen était de partir.
De s'en aller et de laisser derrière elle tous les mauvais souvenirs, tous les mauvais moments, les horreurs de la guerre.

La mort.

Les larmes lui montèrent aux yeux et elle s'empressa de les faire disparaître.

Même si Harry et Ron étaient trop loin pour les apercevoir, elle ne voulait pas que l'un ou l'autre s'interroge. Non, elle avait appris à leur masquer son mal-être.

C'était une épreuve quotidienne, mais elle tenait bon.

Parce que c'était tout ce qu'elle pouvait faire à présent.
Mentir.
Prétendre que tout allait bien.

Alors même qu'elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.




LA NUIT OÙ LES ÉTOILES SONT MONTÉES DANS LE CIEL [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant