Chapitre 8 (1/2)

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Mardi 5 mai 2015

Si on oublie le baiser raté de la semaine dernière, ça fait quelques jours que je suis sur mon petit nuage.

A la maison, il flotte une légèreté que je n'avais pas ressenti depuis un moment. Je crois que ma mère va mieux. J'espère que ce n'est pas juste de la comédie. Mais depuis une ou deux semaines, j'ai l'impression que son regard s'est éclairci. Il n'est plus gris et terne, il y a de lumière. J'espère qu'elle va rester.

Là où il y a de l'espoir aussi, c'est dans ma relation avec Mattéo. Il n'a pas l'air d'avoir tenu compte de mon « rejet ». Je suis soulagée. Je pensais avoir tout gâché mais finalement, je crois que ça va.

Tous les jours, on arrive à se capter quelques minutes entre deux cours ou bien à la fin de la journée. Aujourd'hui, il a même laissé passer trois bus pour rester discuter avec moi. J'ai demandé à Valentine de me confirmer que je ne me faisais pas des films et elle m'a dit mot pour mot que ça se voyait gros comme un camion qu'il était à fond sur moi.

Ça me rassure mais quelque part, ça me fait un peu peur aussi. C'est la première fois que je vis ce genre de chose. J'ai peur de l'après. Qu'est-ce qu'il se passe si jamais on finit ensemble ? Comment on fait ? Et si je ne savais pas faire ? Peut-être que pour les autres, c'est naturel et qu'ils ne se posent aucune question mais moi, j'ai l'impression que je n'arriverais pas à être une copine.

Mes seules références sont celles que j'ai vu dans les films. Mais dans les films, on ne voit pas tout. Il faudrait que j'ai un exemple de journée type, du début à la fin, savoir comment ça se passe, ce que je dois faire.

Pour moi, l'idée de se mettre en couple avec quelqu'un est comparable à signer un contrat sans avoir lu les conditions générales. C'est imprudent mais tout le monde le fait. Personne ne lit les conditions générales.

Dans ce cas précis, j'aurais rêvé de les lire. Je les aurais parcourues en long et en large, les aurais relues une bonne vingtaine de fois histoire de tout intégrer dans mon esprit.

Sans conditions générales, je n'ai rien pour me préparer. Il y a juste l'inconnu qui patiente devant moi et attend que je lui saute dans les bras. Mais moi, les câlins avec l'inconnu, ce n'est pas mon truc. Alors je suis partagée entre ma curiosité et ma peur et je ne sais pas encore laquelle prendra le dessus sur l'autre.

En attendant de savoir, je m'affale sur mon lit. Mine de rien la journée m'a épuisée. On a beau approcher de la fin de l'année, les profs n'ont pas envie de nous lâcher. J'ai même l'impression qu'ils éprouvent un malin plaisir à nous faire travailler davantage que pendant le reste de l'année.

Perdue dans mes pensées, je sursaute quand mon téléphone vibre. Un rush d'adrénaline parcourt mes veines. Et si c'était Mattéo ?

Le cœur battant, je récupère mon téléphone posé près de mes pieds.

Douche froide.

C'est une notification de météo. Ravie de savoir qu'il fait 15 degrés...

Je soupire, supprime la notification puis verrouille mon téléphone. Je reste assise un moment sur le rebord de mon lit à contempler le mur dans le vide jusqu'à ce que mon cerveau ait la bonne idée de faire un tour des messages que l'on a pu s'échanger avec Mattéo jusqu'à aujourd'hui.

Il n'y en a pas énormément et la plupart sont d'ordre pratique mais c'est un début. Je pourrais peut-être lui envoyer un message, non ? Mais pour lui dire quoi ? « Je viens de penser à toi » ? « Salut, tu fais quoi ? » à l'ancienne ? Non, évidemment que non, c'est naze.

Je commence à penser que Valentine a raison parce que si je répondais plus souvent à ses messages, peut-être que je saurais comment engager une conversation et que je ne serais pas bloquée comme une débile devant mon écran à me demander quoi écrire.

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