Chapitre 24

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Mercredi 30 mars 2016

J'ai dit que la solution c'était parler ?

Pourquoi est-ce que je ne m'écoute jamais ?

Après... tout dépend de l'angle sous lequel on regarde les choses. En soi, j'ai parlé, juste pas de la manière dont j'avais prévu de le faire.

J'ai presque du mal à croire les mots qui viennent de sortir de ma bouche. Ça me paraît surréaliste. Pourtant, je les ai bien prononcés, la meilleure preuve étant que Mattéo me regarde avec des yeux de merlan frit depuis trente bonnes secondes.

—T'es sûre de toi ? parvient-il à articuler.

Si je m'étais vue de l'extérieur, j'aurais eu la même réaction. Une fois que j'aurais le recul sur la situation, il faudra que j'entre en connexion avec la cavité de mon cerveau qui a provoqué cette si soudaine décision. Même si je ne suis pas sûre qu'il existe une explication quelque part. Je fonctionne beaucoup à l'instinct (encore une contradiction de ma personne). Et mon instinct me souffle (me crie) que c'est le moment. Maintenant. Tout de suite. Je le sens, c'est tout.

Alors, je hoche la tête et murmure un « sûre » qui finit d'anéantir Mattéo. Il n'a pas cligné des yeux depuis cinq minutes. Je suis à deux doigts de m'approcher pour les lui fermer.

Ah, c'est bon, il vient de le faire. Je reste donc à ma place, de l'autre côté du plan de travail en attendant sa réaction. Après un grattage de tête réglementaire, il souffle :

—Je veux juste pas que tu regrettes. Enfin, je te mets pas la pression du tout. Maintenant, ça me va, mais si c'est dans trois mois ou jamais, c'est ok.

Je souris.

—J'en ai vraiment envie.

—Ok.

Je le sens essayer de lire en moi, entre mes mots. Et ça me touche qu'il prenne autant ses précautions.

—T'en as envie, toi ? demandé-je.

Il rit nerveusement et je jurerais le voir rougir. Il me regarde à peine quand il articule :

—J'ai l'air d'un psychopathe si je te dis que je me suis déjà imaginé la scène des centaines de fois ?

—Et ça ressemblait à ça ?

—Honnêtement, non, plaisante-t-il. Tu t'étais imaginée ça comme ça, toi ?

Je secoue la tête et étouffe un rire en pensant à toutes les mises en scènes imaginaires de mon cerveau. Rien de la situation actuelle ne s'en rapproche. Finalement, ce n'est pas plus mal. Je n'aurais pas de moyen de comparaison, pas de « pourquoi j'ai fait ça ? », pas de « j'aurais dû faire ça plutôt ». J'aurais juste le moment.

Mon premier baiser.

Enfin... Je m'emballe peut-être. Ça se trouve, il ne va rien se passer du tout et on va embrayer sans transition sur la confection des cookies.

Qu'est-ce qui m'a pris de lui dire de but en blanc que j'avais envie de l'embrasser ? Je venais à peine d'arriver chez lui, ça faisait cinq minutes qu'on parlait du bac de français et on allait s'installer dans sa cuisine pour faire des gâteaux. Et moi, qu'est-ce que je trouve de mieux à faire ? Lui dire que je veux l'embrasser. Bah oui, super, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Après, même si je remets toute ma démarche en question (parce qu'il faut l'avouer, elle est plus que discutable), je n'en pense pas moins que c'est le moment. Je l'ai senti dès l'instant où il m'a ouvert sa porte. L'idée s'est écrasée de plein fouet sur moi et plus les secondes passaient, plus elle s'insinuait dans mon esprit. Elle est devenue tellement omniprésente que je n'avais d'autre choix que d'interrompre notre conversation passionnante sur les potentiels sujets au bac de français et de lui avouer que j'avais envie de l'embrasser.

L'Art d'errerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant