Chapitre 12

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Mardi 11 septembre 2015

Mattéo : Hey ! Comment ça va ?

Mattéo : Tu penses qu'on pourrait se voir un jour pour parler ?

J'ai reçu ce message à 17h34 à peine après être rentrée chez moi. Il est 22h12 et je n'y ai toujours pas répondu. Je ne sais pas vraiment ce qui me retient. Par contre, je sais que plus j'attends et plus ma détermination a de chance de s'effondrer.

Au fond, je ne risque rien à lui parler. Au pire, on officialise le fait qu'on ne s'adressera plus jamais la parole. En somme, ça ne changerait pas beaucoup de notre situation actuelle.

Je me rends compte que j'appréhende autant de lui parler que de redevenir une parfaite inconnue pour lui. Je crois que je l'aime bien. Peut-être un peu trop. Quelque part, j'ai peur qu'il me rejette. Parce que pour le moment, si l'on ne se parle plus, c'est de ma faute. Je préfère me dire que j'ai tout gâché que de devoir faire face à son rejet et à sa décision de ne plus me parler.

Je m'allonge sur mon lit, pose mon portable sur mon ventre et me met à fixer le plafond. C'est toujours là que se trouvent les meilleures idées. J'ai une théorie selon laquelle les plafonds seraient des extensions plus lucides de notre esprit, un peu comme un endroit magique qui supprimerait le brouillard qui obscurcit nos pensées. Évidemment, ça ne marche que si l'on y croit et, en l'occurrence, j'y crois dur comme fer.

Bon, pour l'instant, ça ne fonctionne pas des masses... Mais je ne perds pas espoir et continue à transpercer le plafond du regard. Faites que tous les champs magnétiques soient de mon côté.

Voilà, on y est ! La connexion est en place. Je trie quelques informations inutiles, parce que le plafond a beau être un outil révolutionnaire, il faut quand même y mettre du sien.

Après un temps que je qualifierais de raisonnable, je tombe enfin sur ce que je cherchais : une illumination.

Pendant des semaines, je me suis blâmée pour avoir tout gâché. J'ai rejoué en boucle tout ce que j'avais fait mais jamais une seule fois, je ne me suis mise à la place de Mattéo.

Voilà mon illumination : il faut que je me mette à sa place.

Au début, j'ai un peu de mal à me glisser dans sa peau mais quand j'y arrive, des images d'apocalypse me tombent dessus et je ferme immédiatement les yeux.

Ok. Je vais lui répondre.

Mon Dieu. C'est vraiment ce que ça fait de communiquer avec moi ? Mais quelle catastrophe. A sa place, je serais tellement énervée. Pourquoi je ne m'en suis pas rendue compte avant ?

Je me redresse et ouvre la conversation avec Mattéo. Avant de taper une réponse, je remonte le fil des messages et mes yeux s'écarquillent.

Je savais que je n'avais pas fait d'efforts mais voir défiler nos deux mois d'échanges me place devant le reflet de moi-même. J'ai été de mauvaise foi. Mattéo a essayé de reconstruire un espace propice à la communication, il a vraiment et sincèrement essayé. Même après s'être pris des vents plus puissants qu'une tempête, il a continué d'essayer. Et à chaque fois, je l'ai repoussé.

Je me souviens lui avoir reproché de continuer à m'envoyer des messages juste pour se donner bonne figure mais en fait, j'essayais surtout de justifier mes réponses médiocres et ma mauvaise volonté. Punaise.

Comment je fais maintenant ? Est-ce qu'il faut que je m'excuse ? Ou est-ce que je dois laisser les excuses pour quand on se parlera en face à face ? Est-ce que j'arriverai à m'excuser ? A lui expliquer mon comportement énigmatique ?

L'Art d'errerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant