Chapitre 28

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Jeudi 8 septembre 2016

Rétrospectivement, la rentrée de terminale aura été mon début d'année le plus mémorable de tout le lycée. C'est la première fois que je me sens autant à ma place.

Les classes sont les mêmes que l'année dernière, c'est à dire pas de Valentine. Mais cette année, je ne suis pas complètement déboussolée. J'ai Rose avec moi. Et Samuel aussi.

La voilà la différence fondamentale : j'ai un groupe d'amis sur lequel je peux compter.

Tous les midis, je les retrouve à la cantine et à chaque fois, je suis impressionnée devant le naturel de nos interactions. Particulièrement devant mon naturel.

Les groupes n'ont jamais été mon milieu de prédilection. A partir du moment où il y a plus de deux personnes dans l'équation, j'ai toujours tendance à me sentir de trop. Comme si tout le monde avait sa place, sauf moi. Comme si j'étais la seule pièce rapportée.

Mais avec Mattéo, Valentine, Rose, Lise et Samuel ce n'est pas le cas.

Tout coule de source. Je parle sans réfléchir quinze fois à mes mots et je ne sur-analyse pas les réactions des autres.

Autour de nos sourires francs et de nos regards pétillants, une harmonie se crée. Tout est solide, palpable, réel. Pas une seule ombre au tableau. Même Valentine et Samuel discutent comme si de rien n'était. J'avoue que je m'attendais plutôt à ce que Valentine le fusille du regard à chaque repas et se retienne de lui cracher dessus mais il n'en est rien. Ils s'échangent des blagues comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde.

Quand j'ai fait la remarque à Valentine l'autre jour, elle m'a répondu sur un air nonchalant que finalement, il n'était pas si con que ça et que l'image qu'elle avait de lui depuis la troisième était peut-être un peu biaisée.

En tous cas, ça me fait plaisir de les voir comme ça. De nous voir tous comme ça.

Et plus les jours passent, plus je prends conscience que mes difficultés d'intégration dans les groupes n'étaient liées qu'à une seule chose : je n'étais pas entourée des bonnes personnes.

Aujourd'hui, j'ai mon premier cours de spécialité mathématiques. J'ai hâte pour deux raisons. La première : Mattéo sera là lui aussi. La deuxième : Mattéo sera là.

C'est le seul cours que l'on partage tous les deux alors forcément, c'est un évènement. Et la hâte qui m'accompagne aujourd'hui n'est pas seule, elle est couplée par une pointe de stress.

Mine de rien, ça fait plus d'un an qu'on n'est plus dans la même classe. Autrement dit, j'ai perdu l'habitude de l'envisager dans le même espace que moi en contexte de cours. D'autant plus qu'il y a une différence majeure depuis la dernière fois qu'on a partagé un cours ensemble : on est en couple.

Mon cœur bat un peu plus rapidement que la normale, mes mains sont un peu plus moites que d'habitude mais étonnement, mon esprit est relativement calme. Je sais pourquoi. On en a discuté avec Mattéo. On a envisagé tous les scénarios possibles, on a navigué à travers mes questionnements et mes doutes. Et ça a suffi pour m'apaiser.

Parler, ça fonctionne. Ça allège les situations difficiles. Ça ne les règle pas toujours mais ça les rend plus faciles à surmonter.

Je me le répète tous les jours pour ne pas retomber dans mes anciens travers. Les habitudes reviennent vite. Les mécanismes qui me poussaient à ne rien partager sont toujours bien ancrés et mes premiers réflexes s'y raccrochent toujours. Mais je suis déterminée à les affaiblir. J'ai vu ce que ça pouvait apporter de s'ouvrir davantage.

L'Art d'errerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant