Chapitre 30

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 Samedi 8 octobre 2016

L'indifférence, ça marche super bien. Il a fallu une semaine pour que Tom arrête de parler de Mattéo et moi sur le groupe de classe, et deux de plus pour que les ragots cessent. Trois semaines, c'était long. Très long. Plusieurs fois, j'ai voulu remettre en question ma stratégie. Plusieurs fois, j'ai cru que la pluie était en train de revenir. Et oui, peut-être qu'il pleuviotait de temps en temps mais j'ai réussi à chasser la tempête. Je pense que j'ai tout gagné.

Je suis fière de moi pour ne pas m'être écroulée. Il y a eu des larmes, il y a eu des heures passées dans les bras de Mattéo à me demander comment on allait s'en sortir, il y a eu des réunions de crise avec Valentine et Rose. J'ai souffert, mais à aucun moment, je ne me suis avouée vaincue. Tom n'a pas gagné.

Maintenant, je sais que je suis capable d'affronter tout ça. Heureusement que je n'étais pas seule. J'avais mes amies pour me soutenir et surtout, j'avais Mattéo, dans la même galère que moi. Lui aussi a survécu.

J'ai eu peur que l'année devienne un enfer mais finalement avec toutes ces personnes incroyables à mes côtés, je sais que, dans les grandes lignes, tout ira bien.

Les grandes lignes, ça veut dire tout sauf l'orientation. Parce que ça pour le coup, c'est une vraie tempête. Pire que ce qui s'est passé avec Tom. Ce n'est pas dans le même registre mais sur l'échelle de la catastrophe, l'orientation se place au moins deux ou trois crans au-dessus de Tom.

Parce que si les deux dernières années, j'étais perdue, j'avais au moins la chance de me dire que j'avais le temps. Alors que maintenant, on entre dans la partie critique, celle où il va falloir faire le choix qui va changer ma vie à tout jamais.

Ok, ok. J'ai une légère tendance à la dramatisation, je vous l'accorde. Mais même sans dramatisation, la situation reste délicate. Mon choix ne changera peut-être pas ma vie à tout jamais. Mais ça la changera pour une certaine durée. Et cette certaine durée est assez importante pour que je m'inquiète.

Mes parents n'arrêtent pas de me répéter que j'ai le droit de me tromper et de changer d'orientation si je me rends compte que finalement, ça ne me plaît pas. Et je suis d'accord avec eux, ils ont raison. Mais bizarrement, cette information ne me soulage pas. Ça ne m'apaise pas de savoir que je peux me tromper. C'est bien mais ça ne change pas le fait qu'il faut faire un choix. Et dans l'idéal, j'aimerais que ce soit un bon choix. Le problème, c'est que pour l'instant, aucun de mes potentiels choix ne me paraît assez bon pour que je me fixe dessus.

Ce que je peux dire par contre, c'est que je suis reconnaissante d'avoir des parents qui me soutiennent. Ça n'a pas de prix. Je vois ce que donne l'inverse quand je parle avec Mattéo. Ses parents ne le soutiennent pas du tout et le poussent dans une direction qu'il n'a pas vraiment envie d'explorer. Ils souhaitent à tout prix qu'il s'engage dans quelque chose qu'ils considèrent comme prestigieux, ce qui, selon leur définition, exclut tous les métiers manuels et par extension, la pâtisserie. Pour eux, c'est soit école d'ingénieur, soit médecine, soit rien.

Je sais que c'est dur pour lui et j'essaye de le soutenir mais je ne peux pas vraiment lui donner des conseils. Je n'ai aucune idée de ce que j'aurais fait à sa place. Me connaissant, je n'aurais certainement pas eu le courage ou l'audace de tenir tête à mes parents. A mon avis, j'aurais suivi le chemin qu'ils m'auraient tracé sans rien dire.

Alors si Mattéo fait ce choix, je ne pourrais pas lui en vouloir de ne pas avoir osé défier ses parents. Ce n'est jamais aussi simple qu'il n'y paraît.

Certes, j'aimerais qu'il suive son cœur mais pour ça, il faut que son cerveau l'accepte et soit aligné avec cette décision. Si ses parents créent un barrage dans son cerveau, il n'y a que lui qui peut le défaire. Ce que j'aurais à lui dire ne changerait rien.

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