Chapitre 14

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Samedi 17 octobre 2015

C'est la deuxième vraie fête à laquelle je participe de toute ma vie. Je pensais que je serais plus à l'aise mais ce n'est pas du tout le cas.

La musique est toujours trop forte et les lumières trop aveuglantes. L'alcool coule toujours à flot et on me regarde toujours aussi bizarrement parce que je ne bois pas. Rien n'a changé.

Je n'ai pas changé non plus. Ma pseudo transformation d'après vacances est vraiment une arnaque. A part ma coupe de cheveux et mes vêtements, rien n'a changé. Je ne suis pas plus comme les autres. Je nage toujours autant à contre-courant.

Je me sens comme un cheveu sur la soupe. J'ai essayé de danser et de me fondre dans la foule mais à part m'épuiser en essayant d'imiter les pas de danse des autres, je n'en ai retiré que de l'ennui. Un ennui profond.

Les fêtes ne m'amusent pas. Je préférerais clairement être chez moi, deux aiguilles de tricot entre les mains. Mais bon, je me vois mal partir maintenant alors que la fête a à peine commencé. Enfin, est-ce que quelqu'un se rendrait compte de mon absence après tout ? Si personne n'est venu me chercher jusqu'à maintenant, c'est vraiment que ma présence importe peu.

Dans un combat mental avec moi-même, je me convaincs de rester encore une heure. Si d'ici là, je m'ennuie toujours et que personne n'a manifesté d'intérêt pour me voir, j'appellerai mon père pour qu'il vienne me chercher.

La musique me tape sur le système alors je décide de me diriger vers le jardin. Quand je repère notre banc, mon cœur s'allège. Ce banc et moi, on a un lien. Non seulement il renferme des souvenirs incroyables mais en plus, il me sert de refuge. C'est mon endroit préféré de cette maison.

L'air frais de cette nuit d'octobre s'enroule autour de mon cou et je frissonne. J'aurais dû récupérer ma veste dans la chambre d'ami. Tant pis, je ferai sans. Je préfère endurer le froid plutôt que cette chaleur épouvantable qui règne dans le salon.

Dehors, je suis seule. J'en profite parce que je sais que ça ne va pas durer. D'ici peu, les fumeurs afflueront sur la terrasse. Pour l'instant, je suis bien. Aucune pression, aucun observateur, aucun bruit. Ça me fait du bien mais ça ne me soulage pas.

Le calme et la solitude peuvent me faire autant de bien qu'ils peuvent me faire du mal. J'aime être seule, j'adore être seule. Je pourrais passer des mois sans aucune interaction sociale sans m'ennuyer la moindre seconde. Mais qui dit solitude dit qu'il n'y a personne pour nous accompagner. Et je sais que je suis super contradictoire parce que je suis sûrement la première à m'enfuir dès qu'un contexte social devient trop étouffant pour moi mais parfois, j'aimerais apprécier la compagnie d'autres personnes et j'aimerais que les gens apprécient ma compagnie.

Je m'énerve parce que ce que je viens d'énoncer ne veut rien dire. Aucune logique, aucun sens. Pour changer...

Ma solitude touche à sa fin lorsque la baie vitrée du salon s'ouvre pour laisser place à Rose. Sans faire attention à ma présence, elle porte une cigarette à sa bouche et l'allume à l'aide d'un briquet. La fumée perce l'obscurité et trace un chemin au-dessus de sa tête. D'où je suis, sans les désagréments de l'odeur, je trouve ça fascinant à observer.

A un moment, son regard se perd dans le fond du jardin. Je crois qu'elle m'aperçoit alors je lui fais signe mais je n'obtiens aucune réaction de sa part. Bon, heureusement que personne ne m'a vue secouer mon bras dans le vide. J'hésite un instant à l'appeler puis je conclus qu'elle a peut-être envie d'être seule.

Je me dis que j'ai bien fait de rester silencieuse quand une bonne dizaine de personnes déboule sur la terrasse. Soudain, je ne suis plus du tout à l'aise. Je ne me sens plus à ma place sur ce banc. Je sais que si on me demande pourquoi je suis toute seule dans le fond du jardin, je ne saurais pas quoi répondre. Je ne sais pas si je dois me lever et m'approcher ou s'il vaut mieux que je me cache ou que je m'éclipse en douce.

L'Art d'errerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant