Chapitre 25

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Jeudi 31 mars 2016

On ne m'avait pas prévenue que le lendemain d'un premier baiser serait aussi inconfortable. Naïvement, je croyais que le plus dur serait tout le processus qui le précède. Les tentatives de rapprochements, les discussions ambiguës, l'étape des aveux. Mais non.

Avant le baiser, j'ai peut-être ramé avec Mattéo mais ce matin, je rame avec moi-même. Et laissez-moi vous dire que c'est encore pire.

J'aurais pu lui demander. Encore une fois, la solution aurait été de parler. Mais maintenant, c'est trop tard. Et si je lui envoie un message, la probabilité qu'il le voit est très minime, celle qu'il puisse me répondre avec son forfait moisi, encore plus. Oui, parce que j'ai appris récemment que Mattéo avait bel et bien un forfait limité. L'excuse que Valentine avait eu tant de mal à croire l'année dernière était vraie. Apparemment, ses parents sont très stricts sur ce point. S'il obtient son bac, ils envisageront d'augmenter son forfait mais avant ça, il va devoir faire avec, et moi aussi du coup...

Je suis prête à sortir mes rames cassées et mon gilet de sauvetage troué. Enfin... Prête est un bien grand mot. Je n'ai pas le choix. Je ne peux pas sécher les cours jusqu'à la fin de la semaine juste parce que je ne sais pas quoi faire quand je verrai Mattéo. Ni ma mère, ni le CPE du lycée ne validerait cette excuse.

Alors, à quelques mètres des grilles du lycée, j'improvise une réunion de crise avec Rose et Valentine. En trente secondes top chrono, je leur déballe ce qu'il s'est passé la veille avec Mattéo. Rose se met à sautiller comme une sauterelle et me prend dans les bras. Valentine, elle, passe d'abord par un état de semi-choc avant de se joindre à nous pour un câlin collectif.

—J'en reviens pas que tu nous aies même pas envoyé un message hier ! commente Valentine.

Je me contente de sourire. Parce que le fait est que je n'y avais même pas pensé une seule seconde. Hier, mon cerveau pensait à tout sauf à le raconter à mes copines.

Je n'ai pas besoin de leur partager ça pour me réjouir de ce qui m'arrive. Une partie de moi aurait presque préféré tout garder pour moi, comme un petit jardin secret. Parce que les émotions qui entrent en jeu sont énormes et les partager, c'est étrange. J'ai l'impression que j'en donne plus qu'il ne le faut.

C'est bizarre parce que ce sont mes amies. Mais quelque part, je me sentais bien avec l'idée que moi seule était au courant de ce qui s'était passé hier. Là, c'est comme si le moment leur appartenait d'une certaine façon.

Et je ne suis pas sûre d'aimer ça. Heureusement que je ne suis pas rentrée dans les détails et que le plus important m'appartient toujours.

—Du coup, c'est quoi le problème ? Demande Rose. Vous êtes ensemble, non ?

Je jette un coup d'œil à mon téléphone pour vérifier l'heure.

—On peut s'asseoir là-bas cinq secondes ? dis-je en pointant un banc en retrait du chemin.

Sans perdre de temps, mes amies acquiescent et se dirigent vers le banc. Une fois installée, je souffle avant de me lancer.

—Le problème, c'est qu'on a pas parlé après le bisou. Je pense qu'on est en couple, mais il...

—Vous êtes en couple, me coupe Valentine. Y'a pas de débat là-dessus. Le gars est piqué à un point qui m'impressionne.

Sa remarque me fait rougir instantanément.

—Ouais, mais on se l'est pas dit, tu vois. Tu sais que moi si on me dit pas un truc mot pour mot, j'ai du mal. Et puis en dehors de tout ça, je sais pas ce que je dois faire quand je le vois. Je lui dis « coucou » ? Je lui tape la bise comme s'il s'était rien passé ?

L'Art d'errerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant