Chapitre 21

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Mardi 26 janvier 2016

Faites que je ne tombe pas sur Le Rouge et le Noir de Stendhal. Tout mais pas ça. Parmi tous les textes qu'on a étudiés pour le bac de français, c'est le seul sur lequel j'ai fait l'impasse. De un, parce que l'extrait choisi ne m'inspirait pas et de deux, parce qu'il a fallu faire des choix dans mon rush de révision à une heure du matin.

Je ne dirais pas que je connais tous les autres textes par cœur mais je les ai au moins relus une fois la nuit dernière. Ça ne garantit en rien ma réussite à cet oral blanc mais c'est déjà mieux que rien.

J'aurais pu partir un peu plus tard de chez moi mais le stress m'a poussé à prendre deux bus avant celui que j'aurais pris habituellement. Résultat : je suis devant la salle avec une avance de quarante-cinq minutes. Il ne me reste plus qu'à m'armer de patience.

Je pourrais m'embarquer dans une dernière session de révision mais je doute que mon esprit embué par le stress y soit très réceptif. A part tout emmêler, je ne crois pas que ce soit très utile.

Alors, je tente de me distraire comme je peux, en scrollant sur Facebook et Instagram, regardant des vidéos de DIY tous plus inutiles les uns que les autres mais qui ont le mérite d'être divertissants.

Puis, la porte de la salle d'examen s'ouvre et Samuel en sort, l'air triomphant. Il attend que notre prof de français se retire de nouveau dans la salle pour expulser sa joie.

—J'ai tout niqué !

—Félicitations, t'es tombé sur quoi ?

Melancholia, Victor Hugo. J'ai sorti ma meilleure analyse. Sans vouloir me vanter, même la prof était bluffée.

—Trop fort.

—Merci, merci. Tu passes à quelle heure ?

—Onze heures.

Il écarquille les yeux puis regarde sa montre.

—Ah ouais, t'en as encore pour un moment. Bah, bonne chance du coup !

Je le remercie et il se lance dans les escaliers. Et là, je ne sais pas si c'est la fatigue ou le stress mais d'une voix à moitié enrouée, je l'interpelle :

—Sam, attends !

Quand il se retourne et remonte quelques marches, je me dis que je suis super conne et que je n'aurais pas dû le rappeler. Je sais pourquoi je l'ai fait et ce que j'avais derrière la tête mais si c'est une bonne idée d'en parler avec lui, ça j'en suis moins sûre. Alors qu'il est de retour au premier étage, je me laisse porter par mon manque de couilles.

— Non, rien en fait. J'ai cru que je voulais te dire un truc mais en fait, non.

Les lèvres pincées, il se rapproche de moi.

—T'as cru que tu voulais me dire quelque chose ?

Ok, je suis d'accord, c'est la pire justification de l'existence.

—Ouais, lâché-je sans conviction.

C'est bien, enfonce-toi.

—Donc là, tu crois plus que tu veux me dire quelque chose ?

—Bon ok, si. Je voulais te demander un truc.

—Ah ! Je suis tout ouïe.

Dans son élan d'enthousiasme, Samuel s'assoit sur la dernière marche des escaliers et m'invite à le rejoindre en tapant la pierre de sa main.

—Je peux deviner de quoi tu voulais me parler ? demande-t-il alors que je me laisse tomber sur les escaliers.

—C'est si prévisible que ça ?

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