Chapitre 20 - Blessures internes

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! TRIGGER WARNING ! Ce chapitre contient des scènes choquantes et un langage violent. 

- Pardon ?

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Il était resté prostré devant moi, sans rien dire de plus. Puis, il s'était mis à faire les cent pas. Il marchait, faisait des tours sur lui-même, et se pinçait frénétiquement la peau des mains. C'est comme s'il essayait de se battre lui-même. Il ne faisait plus attention à moi, et pendant que je me relevai doucement, je cherchais des yeux une solution pour atteindre la porte. Il fallait que je sorte très vite d'ici, l'ambiance devenait pesante et Nate commençait à me faire peur.

Une fois sortie, je retrouverai Aiden et l'obligerai à parler. Cet enfoiré m'avait piégé, il voulait simplement me manipuler. Je me dirigeai lentement vers la porte, et me mis à courir de toutes mes forces. La forêt me paraissait bien plus bruyante, et le ciel plus sombre. J'avais perdu la notion du temps, et j'étais incapable de déterminer quelle heure il pouvait être maintenant. 

J'arrivai enfin à la voiture, mais à peine les clés en main, une force extrême s'écrasa sur mon épaule, me faisant faire volte-face.

- Laisse-moi t'expliquer, je t'en prie, hurlai Nate.

- Lâche mon épaule, tout de suite, hurlais-je sur le même ton.

Il fit quelque pas en arrière, en soutenant mon regard.

- Je ne peux pas t'expliquer une chose pareille ici, trouvons un endroit plus tranquille.

- Je ne te suivrais nulle part.

- Bon... On n'a qu'à monter dans la voiture.

Je le suivis à l'intérieur, l'habitacle semblait être dénué de tout oxygène tant l'ambiance était pesante. Il avait posé ses mains sur le volant, tout en le serrant. Il n'avait pas prononcé un seul mot, et ouvrir la bouche semblait lui demander un effort surhumain. 

- Je ne voulais pas avoir cette conversation avec toi, hurla-t-il en mettant un coup dans le pare-brise.

Quand mon regard se posa sur lui, il prit ma main dans la sienne.

- Je t'en supplie, arrête de me regarder de cette façon. Je ne te ferais jamais de mal. Écoute, je ne sais même pas par quoi commencer... Quand j'étais plus jeune, mon père a eu une période difficile. La concession fonctionnait mal, et nous avions du mal à finir les mois tant la situation était compliquée. Puis ma mère était malade. Il a commencé à boire, se droguer. Quand ma mère allait se coucher, il venait déverser sa frustration sur moi en me frappant. Plus les années passaient, et plus les coups devenaient importants. Mais un jour, c'est sur elle qu'il a levé la main. Sur ma mère. Tu ne peux pas imaginer à quel point je me suis senti en colère. J'ai passé ma vie à mentir en disant que j'étais tombée, que je m'étais fait mal tout seul. Quel enfant maladroit... C'est ce qu'il disait. Ça a commencé par des bleus, puis des égratignures, puis un jour un bras cassé, une jambe, une clavicule. Mais quand il a posé la main sur elle, mon corps entier m'a hurlé de la défendre, comme personne ne l'avait jamais fait pour moi. J'étais déjà très grand, et j'aurai pu lui briser les os à mon tour. Mais je n'ai rien fait, j'étais tétanisé. Puis j'ai rencontré Max, et notre relation m'a poussé dans mes derniers retranchements. C'est là que tout à commencer. Les absences. Ça arrivait parfois quelques minutes, parfois une heure, une journée, plusieurs jours... Je ne savais jamais ce qui se passait durant ce laps de temps. Personne n'a remarqué le changement, sauf Peter. Il m'a donné le contact d'un psychiatre, et grâce à plusieurs séances, on a trouvé le problème. Je souffre d'un trouble dissociatif de l'identité. Je ne sais pas comment te l'expliquer... Ces années d'errance, de souffrance, de douleur... J'ai développé une autre personnalité. J'ai une seule tête, un seul corps, pourtant, on est deux à cohabités là-dedans. On est une même personne, mais avec deux personnalités bien distinctes. Il m'a expliqué que mes traumatismes en étaient à l'origine. L'autre apparaît quand je ne suis plus en mesure d'accepter les coups, quand les situations deviennent trop difficiles. Il est comme un démon déguisé en ange gardien. C'est ce qui me fait beaucoup rire. Apparemment, il serait là pour me protéger. Pourtant, il est tout sauf protecteur. Il est destructeur. Le problème, c'est que je ne sais jamais quand je vais dissocier. Parfois, je le laisse moi-même prendre le relais. Parfois, il surgit de l'ombre sans demander l'autorisation. Et quand c'est lui, il me laisse les souvenirs qu'il accepte que je garde. Malheureusement, il y a des moments où je ne suis absolument pas conscient. Parfois, c'est comme si je me voyais de l'extérieur. C'est mon visage, mon prénom, c'est moi, mais je ne peux pas contrôler mon corps. 

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