Chapitre 30 - Rien qu'une histoire de famille

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GHOST

Je n'entendais plus rien d'autre qu'un bourdonnement infernal dans mes oreilles, et la pièce tournait dans tous les sens autour de moi. Tout bougeait, sauf elle. Je m'essuyai furieusement les lèvres, essayant de camoufler le sang qui en coulait. Mais son regard, son regard était plus tranchant qu'une lame. Il me poignardait de toute part, et mon corps entier se retrouvait meurtri. Jamais ces dernières années je n'avais ressenti la moindre honte, j'acceptai la personne que j'étais. Jamais je n'avais eu la moindre remise en question, j'éliminai toutes les menaces. C'est tout. Je remplissais simplement ma fonction, c'est ainsi que j'avais été fait. Il n'y avait pas de notion de bien ou de mal, je faisais simplement ce que j'avais à faire.

Mais depuis qu'elle était apparue, j'en venais à douter de chacun de mes actes. J'étais devenu terriblement maladroit, je ne faisais plus attention à rien, c'est comme si toutes les choses pour lesquelles j'étais bon m'échappaient. Je ne savais plus ce que j'avais à faire, ni comment je devais le faire. Comment une seule personne peut-elle remettre en question des années d'existence ? Je n'étais que le fruit d'un trouble engendré par des années de souffrance. Et moi-même, j'étais la souffrance incarnée. La douleur s'était transformée en une véritable personne, sans empathie.

Mais alors que Derek me contemplait comme si j'étais la huitième merveille du monde, Pearl continuait à me regarder avec un dégoût qui aurait pu me faire vomir moi-même. Je me dégoûtais. Mais d'une certaine façon, je ne regrettai rien. Je faisais tout ça pour elle, parce que sa vie comptait pour moi. Pourquoi elle est-ce qu'elle ne le comprenait pas ?

- Une conversation s'impose, tous les trois. Exigea Derek, brisant le silence.

Il n'y eut pas la moindre protestation de notre part, et pendant que les trois hommes se vidaient de leur sang, nous nous dirigeâmes vers son bureau. Elle s'asseyait à l'opposé de moi, et mon cœur se serra dans ma poitrine. Est-ce qu'elle aussi allait avoir peur de moi, maintenant ? Allait-elle me rejeter, maintenant ? Maintenant qu'elle savait quel genre d'homme j'étais, il n'y avait plus aucun espoir. Elle avait encaissé beaucoup de choses depuis un an, et je doutais qu'elle puisse continuer d'accepter les coups sans craquer à un moment donné. C'était mon domaine à moi, d'encaisser.

- Bien. Pearl, je te laisse exprimer ton ressenti face à ce que je te disais il y a quelques minutes.

- Je n'ai rien à dire, souffla-t-elle sèchement.

- Aurais-tu peur de blesser la faucheuse ? Allons, tu as vu ce qu'il est capable de faire. Ce n'est pas toi qui risques de le blesser.

- Tu as laissé trois de tes hommes se faire trucider pour me prouver que tu disais la vérité, t'es satisfait ? Vous êtes tous des psychopathes. Hurla-t-elle, en tapant sur la table.

- Rectification, je suis un homme qui sait ce qu'il veut. Et il y a des dommages collatéraux dans toutes les guerres, tu comprendras.

Je commençai à bouillonner, et je sentais la chaise sur laquelle j'étais assis craquelé sous mon poids. Je la serrai si fort que j'aurai pu la briser avec seulement une main. Ce petit accès de colère n'échappa pas à notre hôte, et un nouveau sourire se dessina sur son visage marqué.

- Du calme, garde tes forces. Lança-t-il, alors que je me concentrai autant que possible pour ne pas la lui écraser sur le crâne.

- Arrête de te foutre de ma gueule, et demande moi ce que tu as à me demander. Je déteste qu'on se joue de moi, je ne suis pas une putain de marionnette. Crachai-je.

- Il ne m'a fallu qu'une seule personne pour te faire sortir de tes gonds, et je ne te connais que très peu. Que crois-tu que je pourrais te faire faire si je poussai le jeu un peu plus loin ?

Système LimbiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant