Jour 17

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La prière du Souffle

« Parmi les choses qui t'ont été révélées :

1 - Suis le Durable consistant, et ne suis pas l'éphémère inconsistant ;

2 - enroule-toi dans le Nuage,

3 - et dans le retrait, le calme et la sécurité, laisse-toi aller ;

4 - détend tes membres, afin que s'évapore l'égo, par tous les pores de ta peau ;

5 - puis, renais, le visage radieux. »

Siège du Groupe Œcuménique du Souffle (Londres, Angleterre)

Au dernier étage d'un immeuble londonien du South Bank Center, sur la rive sud de la Tamise, se tenait en huis-clos la réunion des représentants européens du Souffle, groupe œcuménique qui se prétendait détenteur de la vraie religion révélée, et de son Livre fondateur éponyme, le Souffle. Hommes et femmes mélangés, assis sur des tabourets placés en conférence devant un grand écran, avaient revêtus la cape beige de leur ordre religieux. Il y avait là des dissidents des religions révélées, et des membres actifs qui répandaient la bonne parole depuis leurs comptes, sur les réseaux.

Les images de la découverte du trésor de Nemrod avaient fait chez eux grande impression - surtout les mystérieux extraits de parchemin, que le réseau Suevan appelait les « Feuillets d'Abraham ». Pour ces membres, il s'agissait de toute évidence d'une confirmation de leur propre Livre. Ces parchemins recouverts d'une écriture primitive étaient sans aucun doute la version originelle du Souffle.

Ce groupe œcuménique à la renommée balbutiante, avait vu l'occasion de donner un coup d'accélérateur à son mouvement. Les membres les plus influents avaient fait jouer leurs relations pour essayer d'obtenir la version complète des écrits. Mais ils s'étaient heurtés à la même opacité que rencontraient tous ceux qui voulaient en savoir davantage sur ce trésor : il était à l'étude auprès des hautes autorités qui l'avaient découvert - hautes autorités dont on avait bien du mal à savoir de qui il s'agissait. En fait, ce trésor restait un mystère, dont beaucoup de gens commençaient à penser, dans le grand public, qu'il s'agissait d'une plaisanterie de mauvais goût inventée pour les détourner de leurs problèmes économiques.

Ce soir-là, la réunion commençait par la récitation collective des cinq versets de la prière du Souffle, puis par la lecture de certains passages qui s'affichaient à l'écran. Le texte, sous différentes formes langagières, exhortations, paraboles, récits, répétait le même message sur le but de l'existence : répondre de ses actes et de ses allégations.

Au commencement était le Souffle, qui a soufflé sur la masse compacte originelle en la dispersant en des milliards de poussières, constituant notre univers et tout ce qu'il contient, astres, étoiles, planètes. Sur la Terre, le Souffle a fait surgir l'eau, donnant vie à la végétation, aux animaux et à toute chose vivante. Le Souffle a insufflé la vie, et la parole, aux hommes, et un texte fondateur sous forme de Loi : la Loi de la morale humaine.

Les versets de la Loi de la morale humaine étaient récités un par un, à chaque réunion.

Ils stipulent que les hommes ont à répondre de leurs actes et de leurs allégations. Tel est le but de l'existence humaine.

Ce soir-là, étaient récités les versets sur les actes de gaspillage, signe d'un manque de reconnaissance envers les bienfaits apportés par le Souffle. Répondre de ses actes, c'est répondre du gaspillage, qu'il s'agisse de perdre son temps ou son énergie en les gaspillant dans des activités non morales, ou de gaspiller de la nourriture, des biens ou des ressources naturelles en les employant également de façon non morale. Quant aux allégations dont l'homme aura à répondre par l'usage qu'il aurait fait de ses capacités de parole et de réflexion, le sujet du soir était la conjecture, autrement dit le fait d'affirmer des choses sans aucune preuve, en cédant à la facilité de discours. Parler pour ne rien dire, ou pour se rendre plus savant que l'on est, au lieu d'avouer que l'on ne sait pas. Par orgueil, on préfère se rendre intéressant en émettant des conjectures sur des choses qu'on ignore, au lieu de reconnaitre simplement qu'on les ignore. Encore, et toujours, par orgueil.

Mission NemrodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant