La disparition (2/2)

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Dans les bureaux d'Interpol, section de lutte contre la cybercriminalité

La lutte contre la cybercriminalité occupait un niveau complet d'Interpol : le sous-sol, qui offrait aux transmissions le lieu le plus sécurisé. Ryan et ses deux acolytes ne l'avaient encore jamais visité. Ils quittèrent le cinquième étage et sa vue dégagée sur le Rhône et les arbres du Parc de la Tête d'or, arrosés par la lumière matinale de cette belle matinée ensoleillée, pour plonger dans les ténèbres des entrailles du bâtiment. L'officier qui les guidait disposait de tous les accès requis, jusqu'à la porte devant laquelle il s'effaça pour les laisser entrer.

Ils étaient attendus par le chef de la section cybercriminalité, le cadre officier allemand Franz Kruger qui dépendaient directement du secrétaire général d'Interpol. De taille moyenne, un peu rondelet, son costume vert à épaulettes à étoiles dorées tranchait avec celui de sa voisine, qui l'accompagnait, la major française Anne Belle en charge de la protection aux atteintes au patrimoine culturel, fine et svelte en tailleur bleu marine à étoiles argentées. Debout dans une sorte de petite entrée en demi-lune, ils les saluèrent, puis leur indiquèrent le couloir, devant eux.

Ils traversèrent alors une série de salles vitrées, de chaque côté du couloir, dans lesquelles des agents travaillaient devant leurs écrans. Toutes les salles de gauche portaient sur leur vitre un logo noir en forme de cercle, où serpentait un S blanc, un logo connu de tous, celui de la communauté Suevan. Ils entrèrent dans l'une de ces salles. L'écran sur le mur projetait l'image de l'ordinateur où travaillait une jeune femme en uniforme bleu foncé.

Lucas poussa une exclamation.

- Oui, c'est bien votre mail, confirma Kruger, en parlant du mail de Lucas mais en s'adressant à Ryan, comme si seul le plus gradé des trois arrivants avait son attention. Nous avons été piratés sur notre intranet. Mais le réseau sécurisé, ici, récupère tout. Il nous a alerté car il contient les mots-clés qui nous font réagir, en ce moment : Suevan, humtivers, Feuillets d'Abraham.

- Ces « feuillets » ne sont pour l'instant que des écrits dans une langue ancienne non identifiée, précisa la major Belle d'une voix neutre. Rien ne valide l'appellation « feuillets d'Abraham ». Et leur disparition ne va pas arranger les choses.

En effet, l'appellation « feuillets d'Abraham » s'était répandue à la vitesse de l'éclair au lendemain de la découverte du trésor, sous l'impulsion semblait-il du réseau Suevan, sur le darknet. Cette découverte arrangeait bien ses affaires, du moins, à ce qu'il (ou elle) en disait, dans ses communiqués ultraconfidentiels relayés par sa communauté de fans, dans le monde. Ces feuillets viendraient selon lui (ou elle) valider ses théories sur l'origine de l'humanité, selon son interprétation de l'humtivers.

- Quel est le lien avec Eiva ? interrogea Ryan.

En effet, l'écran, sur le mur, ne projetait rien qui puisse laisser penser à tout ce qui venait d'être dit, ni trésor, ni écrits anciens, ni rien en lien avec une prétendue théorie fumeuse : on ne voyait qu'une banale fiche d'inscription avec la photo d'identité d'une jeune femme qui ressemblait vaguement à une Eiva à cheveux courts.

La major Belle poussa un soupir.

- Vous avez raison, reprenons depuis le début, cela ne nous fera pas de mal et nous aidera peut-être à mieux comprendre ce qui nous échappe.

Elle expliqua que le fameux mail transférait le message que Lucas avait reçu de Princeton, en réponse à son enquête. Ce mail transmettait la fiche d'Eiva (la projection sur l'écran), dans son souhait de s'inscrire aux séminaires sur l'humtivers du Professeur Richard (en regardant bien, on voyait effectivement la case « humtivers » cochée dans les cours choisis). Sa demande d'inscription avait été refusée, mais la jeune fille s'était débrouillée pour rester dans les locaux de l'université en réussissant à se faire embaucher aux archives, grâce à ses connaissances impressionnantes en langues anciennes.

- Et c'est là où les choses deviennent intéressantes, poursuivit le major Belle, en ne s'adressant également qu'à Ryan, dans ses réflexes de gradée respectueuse de la hiérarchie.

Sur sa fiche d'inscription, Eiva se dit d'origine syrienne, et l'araméen serait sa langue maternelle. Or, son passeport, tout comme l'avis de recherche en la possession des services d'Interpol la disent lybienne, de langue maternelle arabe. Et la photo de la fiche d'inscription ne correspondait pas tout-à-fait à la photo de l'avis de recherche, ni à celle du passeport.

- Ce ne serait pas la même fille ? s'exclama Ryan, surpris.

- Et ce n'est pas tout : l'une des collègues de l'Eiva de Princeton (dont nous ne savons plus à ce jour s'il s'agit de la « vraie » Eiva) l'aurait surprise en train de converser sur le net avec un membre de la communauté Suevan, reconnaissable à son grand S en majuscule blanche sur fond noir, en forme de cercle, que vous avez vu en passant sur les vitres.

Ryan connaissait bien ce logo. Lucas et Linde aussi, qui s'étaient mis en retrait, comme si le peu d'intérêt que leur témoignaient les deux gradés les poussaient dans l'ombre. On avait du mal à voir leurs réactions à ce que le major allait ensuite leur expliquer et qu'ils appelleraient plus tard, tout simplement : « l'appel ».

Mission NemrodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant