Accusation

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Suite à cette violente altercation, Gabriella a été forcée de séparer les deux mariés. Ils sont désormais quatre dans la cuisine, Archie fouillant le tiroir en bois en quête d'une arme. Ses doigts effleurent uniquement le fond avec précipitation, sans rien trouver. 

— Dites-moi que c'est une blague, balbutie-t-il. 

Isaac se penche au-dessus de son épaule et semble aussi choqué que son ami. Le meuble est vide, il n'y a plus un seul couteau dans cette cuisine. Ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'il n'y a plus une seule arme nulle part, il n'y en a jamais eu. Les objets contendants étaient uniquement gardés ici, le tueur le savait. 

— Il doit bien y avoir un pied-de-biche dans ce putain de manoir. On brise la porte et on se barre loin d'ici, s'emporte Gabriella. 

— Non, coupe Isaac.

Son amie fronce les sourcils sans réellement saisir le sens de ses paroles. 

— On ne sait même pas s'il y en a un. Et de toute façon, quelqu'un l'a sûrement caché aussi.

— Ça ne coûte rien d'essayer, essaie Marine. 

Archie ne répond pas, ce qui inquiète les autres. Ils se tournent lentement vers lui et constatent qu'il est complètement perdu dans ses pensées. Sa sœur pose sa main sur son épaule, lui arrachant un violent sursaut. Elle lui demande ce qu'il a. Il sort avec peu d'assurance sa main de sa poche et déplie lentement un doigt en direction de la porte. Ou plus précisément, de l'entrée. Face à la confusion des autres, il quitte la pièce et récupère au beau milieu du bain de sang sec le carnet et les cartes qu'il a retrouvés près du cadavre de Louis. Il les brandit devant lui avec précaution, comme s'il s'agissait de vestiges aussi fragiles qu'un roseau. 

Son visage se tord en une expression presque indéchiffrable. Un mélange d'effroi, de colère et d'affolement. Veronica est la première à saisir ce que son ami vient de ramener. Elle observe avec attention les cartes. Le cheminement de ses pensées l'emmène à une effroyable conclusion. 

Le Colonel Moutarde, le hall, la matraque.

Louis, l'entrée, une arme qu'ils n'ont pas encore trouvée.

Il suffit d'un coup d'œil de chacun dessus pour que la situation s'éclaircisse. Le tueur veut jouer avec eux. Cette partie qu'ils ont commencé, elle devient réelle. En l'espace de quelques minutes, quelqu'un a réussi à tuer un des membres du groupe et rassembler ces maudites cartes sans que personne ne puisse l'en empêcher. 

— Et ça ? Qu'est-ce que c'est ? demande Gabriella en indiquant le carnet marron.

Archie lève enfin les yeux et fixe le brun en face de lui. Dans sa tête, tout semble se bousculer. Et si c'était lui ? Et si c'était Isaac ? Après tout, Louis voulait le tuer, n'est-ce pas ? 

Après de longues minutes au cours desquelles Archie se perdait, les autres découvraient l'ampleur de la folie de Louis. Ses textes transpirant de la démence pure, un basculement vers la psychose. La plus perturbée reste Veronica. Son mari a failli mourir car aucun d'eux n'a été capable de déceler le comportement dérangé de leur ancien ami. 

— C'était toi ? murmure Veronica en un souffle. 

— Quoi ? Non. Bien sûr que non. Je n'aurais jamais fait ça, s'emporte Isaac.

— T'es plutôt défensif pour quelqu'un d'innocent, lance-t-elle avec un ton empli de reproche. 

— Tu rigoles là ? S'il te plaît dis-moi que tu rigoles. Tu m'accuses moi ? Moi ? Ton mari ? 

— Oui, toi, hurle-t-elle à nouveau. 

— Calmez-vous, essaie d'intervenir Marine sans succès.

Les deux amoureux semblent chargés de haine, leurs deux voix s'élevant plus qu'ils ne le croyaient possible. 

— Arrêtez ! s'énerve Archie. 

Le couple se fixe tandis que le blond reprend la parole. 

— On est tous partis tout à l'heure. Vous êtes les seuls qui sont restés ensemble à ce moment-là. Ça peut totalement être quelqu'un d'extérieur. Pourquoi ce serait forcément l'un d'entre nous ? 

Veronica se mord la lèvre. Elle se sent coupable d'avoir si vite accusé celui qu'elle aime. Mais elle oublie un détail important de l'histoire. Une fois en haut, elle n'a pas remarqué que le brun n'était pas avec elle. Où il était réellement, personne ne le sait. Il aurait très bien pu assassiner son ami. En réalité, tout le monde ici avait ce pouvoir car chacun était seul. Évidemment, Isaac ne leur avouera jamais ceci. Il est le suspect idéal, c'est vrai. 

Cette situation est lunaire, non ? Personne n'a l'air d'être profondément bouleversé par les propos atroces de Louis. Au mieux, un simple électrochoc. Il y avait néanmoins la confession d'un meurtre prémédité dans ces pages. Comme s'ils savaient tous au fond d'eux que leur ami était déjà tombé dans la folie. Comme s'ils étaient déjà tous préparés à ses pensées meurtrières. Peut-être sont-ils même ravis de ne plus avoir à gérer l'élément dérangé du groupe. Le seul qui faisait tache de par ses égarements. Un frein pour leur bonheur. Ils ne se l'avoueront jamais, mais ils continueront de le penser. C'est mal, et ils le savent. 

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On n'a pas d'armes, on ne peut pas partir, on va avoir besoin de nourriture et de sommeil à un moment donné, informe Gabriella. 

— On n'a qu'à se cacher dans une des chambres, un de nous surveille le reste du groupe pendant que le reste se repose et demain matin, on essaie de trouver quelque chose. N'importe quoi qui puisse nous aider à sortir, répond Isaac. 

— Je ne sais pas vous, mais je n'arriverai pas à m'endormir. Pas après tout ça, déclare Marine.

— Au bout d'un moment, on n'aura plus vraiment le choix. 

La blonde acquiesce avant de grimper les escaliers. Ils rejoignent tous la même chambre, celle de Veronica et Isaac. Ils ne veulent pas retourner dans celle de Marine. Avoir patienté là-bas y a créé une ambiance malsaine qu'ils souhaitent tous éviter. 

Ils déplient sur le sol des vêtements, une couette, des serviettes. Tout pour faire office de matelas, trop apeurés pour aller chercher ceux des autres lits. Tentant tant bien que mal de s'installer confortablement, ils savent que le sommeil sera lent à venir. Marine commence à les surveiller, parfaitement éveillée à cause de la peur qui maintient son cœur avec fermeté.

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