En un sursaut, la jeune femme est tirée de son cauchemar. Elle frotte doucement ses paupières comme pour chasser les images qu'elle vient d'observer. Elle sait pertinemment qu'elle ne parviendra pas à se rendormir de sitôt, c'est pourquoi elle décide de se lever. Elle veut aller vérifier quelque chose. Et après tout, prendre l'air n'a jamais tué personne. Du moins, c'est ce qu'elle pense.
— Où est-ce que tu vas ? demande calmement Isaac.
— Réfléchir. J'en ai pas pour longtemps.
Le garçon secoue la tête, décidé à ne laisser personne sortir de cette pièce.
— S'il te plaît, c'est vraiment urgent. Ça pourrait nous sauver.
Il hoche négativement une seconde fois. Déterminée, Gabriella le fixe droit dans les yeux et se penche vers lui.
— Isaac, si tu m'empêches d'aller dans ce couloir, on va sûrement tous mourir. Ne crois pas qu'être de garde te donne le droit de me donner des ordres. On sait tous les deux ce qui se passerait si le tueur arrivait là, maintenant.
Le jeune homme, mi-convaincu mi-stupéfait ne fait plus un geste tandis qu'elle se meut vers la poignée. Elle fait allusion à ce 22 mai 2006. Un jour violent, dont Louis ne s'est jamais souvenu. Sous l'emprise d'une quelconque drogue, ses idées noires avaient refait surface. Ils étaient dans le même appartement : Gabriella, Isaac et Marine. Heureusement pour eux, Archie et Veronica étaient de sortie. Vers onze heures du matin, Louis avait saisi un des couteaux disposés sur sa table de salon. Il avait trouvé une photo de ses amis et une jalousie maladive a pris le dessus. Il savait que trois d'entre eux se trouvaient dans la pièce juste à côté. Il voulait Veronica pour lui seul, et c'était l'occasion d'éliminer cet homme. Celui qui lui avait volé cette sublime femme. Gabriella et Marine ne seraient qu'un dommage collatéral.
Louis était alors sorti tout doucement, les yeux emplis d'une folie meurtrière. Dans sa tête tournaient en boucle deux simples mots. "Pour Veronica". À ce moment-là, il avait croisé le regard de Marine. Elle comprenait très bien ce qui était en train de se passer. Elle connaissait très bien cet air dérangé. Tous les deux partageaient cet air de temps en temps. Mais ça, personne ne le savait. Si quelqu'un venait à l'apprendre, que deviendrait elle ? La petite Marine, vue comme une sainte aux yeux de tous, soi-disant bien trop sensible et fragile pour exercer son métier de taxidermiste. Mais personne ne savait qu'elle est capable de bien pire. Personne ne savait qu'un démon se cachait derrière cette gueule d'ange.
Lorsque Louis avait pénétré la pièce où se tenaient Marine et Isaac, Gabriella était dans la salle de bain. Elle contemplait dans son reflet le léger pli que forment ses paupières lorsqu'elle sourit. Elle se disait qu'en vieillissant, ce ne seraient plus que des rides. Le couteau que serrait Louis était maintenu fermement. Il se déplaçait très lentement vers sa cible, comme un chasseur visant sa proie. Mais Marine l'avait déjà vu. Elle eut à peine le temps de hurler pour avertir son ami que Louis commençait à attaquer. Par chance, la prise de stupéfiants avait également altéré sa dextérité, c'est pourquoi il avait manqué de très peu le dos d'Isaac.
Ce dernier avait alors eu le temps de reculer de quelques pas. Marine avait essayé d'arrêter son ami, mais avait été poussée si fort contre la table en bois qu'elle avait perdu connaissance. Attirée par le vacarme, c'est à ce moment que Gabriella était enfin sortie, uniquement pour assister à une scène terrifiante. Elle voyait deux de ses amis face à face, l'un armé et prêt à se jeter sur l'autre. Isaac était si paniqué qu'il était paralysé. Louis s'était tourné, presque au ralenti, afin de croiser le regard abasourdi de l'italienne. Il s'était mis à marcher vers elle, menaçant de la tuer elle aussi. Elle avait été témoin, elle devait donc mourir aussi.
Isaac, quant à lui, avait laissé son instinct de survie prendre le dessus. Sans réfléchir aux conséquences, il avait préféré se ruer vers la sortie dans l'espoir de fuir. Il n'avait que faire de savoir que son amie la plus proche était en grand danger. Il avait attrapé les clés de l'appartement et s'était précipité vers la porte d'entrée. Il avait glissé l'objet dans la serrure tandis que Louis ne savait plus où donner de la tête. Il avait préféré attaquer de nouveau le jeune homme pour l'empêcher de partir. Gabriella, bien que choquée de la lâcheté de l'architecte, elle avait saisi un vase posé sur la table. Dedans baignaient les fleurs que Veronica avaient reçues de la part de son mari. La jeune femme les avait rapidement saisies puis balancées au sol. Elle avait brandi l'objet dans le ciel avant de l'écraser contre l'arrière du crâne de Louis. Des éclats de céramique avaient alors volé dans toute la pièce tandis que l'assaillant restait inconscient au sol.
Elle avait alors regardé Isaac pendant de longues minutes, aucun des deux ne sachant quoi dire, quoi faire ou quoi penser. Elle était déçue de lui, il était reconnaissant envers elle. Marine reprenait doucement connaissance et avait vite compris ce qu'il s'était passé en voyant Louis étendu par terre. Les trois n'ont jamais parlé de cette histoire au reste du groupe. Leur ami était malade, addict à des substances. Il ne pouvait pas se contrôler. Ils avaient décidé de l'aider. Ils ne comptaient pas non plus lui raconter cette journée à son réveil. Ils avaient convenu que c'était du passé et qu'ils allaient dorénavant agir comme si de rien n'était. Louis ne se souviendrait visiblement pas de ces évènements, ils en étaient persuadés. Alors pourquoi lui rappeler les horreurs qu'il a failli commettre ? Non, ils comptaient l'accompagner dans des démarches, l'emmener en désintox.
De ce jour-là, Gabriella retient une chose. Face à la panique, on ne sait pas comment on va agir. Isaac en est l'exemple même. Lui aurait fui sans se poser de questions, quitte à laisser ses amis périr.
VOUS LISEZ
Cluedo
Misteri / ThrillerNous sommes le 2 juin 2006. Veronica, Isaac, Archie, Marine, Gabriella et Louis décident de se rendre au célèbre manoir du Massacre de 1998. Huit ans après le drame, la bâtisse n'est plus qu'un lieu touristique. Mais lorsque les six amis commencent...