Renaissance.

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Au réveil, Kamilia est seule. Elle n'a pas senti de bisou, de câlin, et constate qu'il n'y a aucun message lui permettant de savoir où est son bien-aimé. Serait-il en colère après elle ? Car après tout, si Leïla lui avouait la vérité sur l'épisode de la veille mais aussi sur tout le reste, sa réaction ne serait que négative.
Tentant de ne pas trop y penser, la jeune femme descend et se retrouve avec son meilleur ami et la petite amie de ce dernier, tous deux contents de la retrouver. Les discussions fusent en même temps que les croissants et les jus d'orange disparaissent.
— Dis, Amy, tu sais où est Levi ? Demande Kamilia calmement.
— Oh, il ne t'a pas réveillé dans la nuit ? Il est venu me voir vers deux heures du matin, me disant qu'il avait une urgence à régler, explique la petite brune.
— Oh, et il sera en déplacement combien de temps ? Demande Jean, curieux.
— Il ne le l'a pas dit mais ça ne devrait pas être trop long. 
— C'est à dire ? Redemande Kamilia.
— Quand il part en express comme ça, ça peut varier. Il peut revenir dans deux jours tout comme il peut revenir dans un mois.
Le cœur de la jeune femme se resserre en se rendant compte qu'elle ne reverra pas son cher et tendre avant un long moment. Elle regrette presque son attitude de la veille, se demandant si l'absence de communication à son départ n'est pas dû à cela.
— Kam, ça va ? Demande Amy, constatant que son amie est pâle.
— Hein ? Oui, ça va désolé, répond-elle en continuant à manger.
Le temps passe et l'heure est venue pour Kamilia et Jean de repartir chez eux. N'ayant aucune affaire dans cette autre demeure des Ackerman, ils s'en vont comme ils sont arrivés : les mains vides.
— Merci pour la voiture Amy. Tu diras merci à Levi également; dit Jean en embrassant langoureusement cette dernière.
— Bye Amy. Comme t'es toute seule, tiens moi au courant au moindre soucis, s'inquiète Kamilia.
Enfin, la voiture démarre et ils peuvent rentrer chez eux. Dans la voiture, l'atmosphère est étrange. Kamilia se sent mal. Elle ment sans arrêt à son meilleur ami et elle s'en veut. Mais à ce moment précis, quelque chose d'autre préoccupe son esprit.
— Jean, parfois tu ne te dis pas qu'on aurait jamais dû ? Questionne la demoiselle, le regard dans le vide.
— Oui et non. Quelque part, on l'a fait pour la bonne cause malgré ce qui a fini par arriver. Mais ce qui est fait est fait, alors autant aller de l'avant, réplique le jeune homme pour rassurer son amie.
— Et si ça se savait ? Si Levi ou Amy l'apprennent ? Ça ne te fait pas plus peur que ça ? S'inquiète Kamilia.
Une petite seconde de silence règne après que Kamilia ait posé la question. Jean soupire longuement avant de sourire et de continuer.
— Kam, quoi qu'il en soit, on a payé notre dette à la société. Et s'il s'avère que Levi ou Amy l'apprennent, et ben tant pis, soit ils nous accepteront tels que nous sommes, soit ils ne l'acceptent pas et cela voudra dire qu'ils ne sont pas faits pour nous.
Le problème, c'est que Kamilia ne veut pas accepter cette réalité. Elle ment. Elle ment depuis longtemps. Et malheureusement pour elle, sa conscience est encore submergée par d'immenses regrets.
— Kam, je ne veux pas te faire peur, mais j'ai l'impression que Levi et Amy ont aussi un lourd passé.
Encore une fois, la jeunette ne sait pas quoi répondre. La seule chose auquel elle pense, c'est "que ferait Kamilia si elle n'était pas en train de mentir ?". Alors encore une fois, elle tente de rester neutre.
— Qu'est ce que tu veux dire par là ? Questionne-t-elle l'air innocente.
— J'sais pas trop. J'aime Amy, vraiment, mais je m'attend à découvrir quelque chose les concernant. Alors je reste sur mes gardes. 
— Tu as raison. C'est ce qu'on doit faire.
Jean trouve immédiatement le comportement de Kamilia étrange, mais il ne la laisse pas le voir. Comme elle, il reste neutre face à l'attitude suspecte de la seule personne au monde à qui il fait totalement confiance.
En arr1ivant chez eux, tout est si paisible. Le calme avant la tempête, probablement, et aussitôt dit, aussitôt fait : la pluie se met soudainement à tomber violemment. L'orage suit le rythme, menant nos deux jeunes à des occupations bien flemmardes : le repos.

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Cela fait maintenant plus de dix jours que Levi n'a pas donné de nouvelles. Jean, lui, va régulièrement voir Amy, mais du côté de Levi, rien. À cause de cela, le soir, Kamilia fait des cauchemars. Elle rêve que Levi découvre ce qu'elle a dit à Leila. Elle rêve qu'il se fasse tuer lors de son déplacement. Elle rêve de plein de choses négatives, tellement qu'elle n'en dort plus.
C'est vendredi. La semaine a été longue et stressante, alors les tracas de Kamilia ne font qu'augmenter. Dans son insomnie, en pleine nuit, elle entend le plancher craquer. Instantanément, elle se lève et se positionne derrière la porte, un couteau à la main. Les lumières de l'extérieur permettent à la jeune femme d'entrevoir une silhouette dans le salon.
Cela devient une habitude.
Elle prend son portable, baisse la luminosité et, tout en gardant un œil sur le salon, elle envoie deux messages. L'un à Jean, l'autre à Levi. Quelques pas se font entendre, quelques secondes défilent et dans la minute, elle sent son portable vibrer dans sa main.
"Je c G entendu jsuis derrière ma porte"
Pas de ponctuation. Pas de mot complet. Pas de phrase cohérente. C'est une question de vie ou de mort. La question que Kamilia se pose, c'est comment expliquer à Jean qu'elle a des armes de défense cachées un peu partout, mais la question qu'elle devrait se poser, c'est comment Jean a-t-il pu se mettre à penser comme elle dans un tel moment ?
Chacun se trouve derrière sa porte respective, attendant le moindre mouvement pour sauter sur l'intrus. Tous deux dans la même maison, dans la même position de défense. Seul un couloir les sépare. La tension est à son comble et là, une porte s'ouvre. L'occupant qui se cachait derrière saute à la gorge de l'intrus, le neutralisant et mettant son couteau sous sa gorge.
— Putain Jean ! Ça va ? 
— Ouais, répond-il difficilement en tenant l'individu.
Cette fois, Kamilia n'hésite pas et retire la cagoule de ce dernier immédiatement.
— Ok, je ne connais pas ta tête. T'es qui ? 
— Personne, répond l'inconnu.
Kamilia s'accroupit, pose lentement la pointe de son couteau sur la cuisse du jeune homme et commence à appuyer peu à peu.
— Tu sais, on a déménagé pour être en paix alors si tu veux, tu vas piller les autres maison et tu nous fous la paix, d'accord ? Demande Kamilia d'un ton calme.
— Pfff. Sinon quoi ? Se moque l'homme.
— Sinon je te plante, reprend-elle d'un air plus calme que jamais.
— Ha ha ha ! Très marrant ! Vas-y, t'as pas les couilles de le f- Ah ! Crie-t-il soudainement en sentant sa chaire se faire transpercer.
— Alors on recommence, t'es qui ? Questionne à nouveau la jeune femme.
— Personne, je suis perso- Ah ! Hurle-t-il à nouveau.
Jean reste sans voix face à la façon dont laquelle Kamilia gère la situation. Il ne doute pas d'elle, non, mais il ne la reconnaît pas. Elle semble différente et c'est en la voyant remuer son couteau dans la cuisse de cet inconnu qu'il se rend compte de son changement.
— Je... Je suis... Je suis juste un voleur... Je... Aaah ! »
— Menteur, ricane Kamilia en plantant l'autre cuisse. Si t'es un voleur, comment ça se fait que tu n'as pas pris l'argent qui se trouve dans la première pièce où tu es entré ? Ni aucun objet de valeur, soit dit en passant. 
— Je.. Je sais paAaAah ! 
— Mauvaise réponse, reprend-elle.
— Plus vite tu nous le dit, plus vite on te fous la paix, continue Jean.
— J'ai juste été envoyé pour vous faire passer un message, c'est tout ! Je vous le jure ! Avoue finalement l'intru.
— Un message ? S'étonne la jeune femme.
— Oui ! Je suis Alex ! Je viens de la part de Kael Ackerman ! Il leur dit enfin.
— Ka- Kael ? Bégaie la demoiselle, sachant à quel point c'est un individu dangereux.
— Il m'a envoyé pour vous dire que vous devriez surveiller vos arrières, surtout lorsque monsieur Levi Ackerman n'est pas sur le territoire, explique Alex.
— Très bien Alex, alors rappelle Kael, dis-lui que tout va bien, et va-t-en. Compris ? Menace Kamilia.
Tentant comme il peut de marcher, le jeune Alex se dirige vers la sortie aussi vite qu'il puisse le faire. Une voiture se gare devant leur portail, voiture qui semble récupérer le jeune homme et alors que nos deux meilleurs amis croient que cette voiture compte s'en aller, une rafale de coup de feu se fait entendre.
— Jean ! À terre ! S'écrie Kamilia.
Cette rafale, traversant entièrement leur portail, leur mur extérieur et même quelques murs de la maison, s'arrête enfin au bout d'une bonne vingtaine de secondes, laissant la maison dans un état pitoyable. Le bruit de la voiture démarrant à toute vitesse se fait entendre, signe qu'ils sont partis. Le premier réflexe de Kamilia est de rejoindre son ami à l'autre bout du salon. Elle le serre dans ses bras, heureuse qu'il n'ait rien.
— Kam.. Je suis trop content de te voir, marmonne Jean d'un ton étrange.
— Moi aussi ! Moi aussi ! Mais pourquoi tu dis ça ? S'étonne-t-elle.
— Parce que je me sens bizarre, alors j'ai envie de te le dire; répond-il d'un ton enfantin.
— J... Jean...
En prononçant son prénom, Kamilia recule de quelques centimètres et c'est en décollant son corps de celui de son ami qu'elle constate le carnage. Du sang. Partout autour d'eux.
— Mais.. je n'ai pas été touchée.. Oh non, comprend-elle enfin.
En regardant plus bas, elle peut voir couler une grosse quantité de sang du bas ventre de Jean.
— Oh non non non non ! Non ! Putain ! Non ! Crie-t-elle, ne sachant pas quoi faire.
*Bip**Bip*
— Le SAMU à l'appareil, quelle est votre urgence ?
— Madame ! C'est mon ami ! Blessure par balle ! Il se vide de son sang ! Vite ! Envoyez une ambulance ! Madame !
— Madame, j'ai besoin que vous respiriez profondément. Votre adresse. Donnez-moi votre adresse.
— C'est le... Le...
—Madame ! Si votre ami a été touché par balles, vous avez moins de quelques minutes pour le sauver ! Votre adresse, vite !
— 63 boulevard de la Paix... Quartier Plaines dans la ville de Sainte-Marie...
À l'autre bout du fil, elle entend les ordres être donnés alors qu'elle a l'impression que son âme quitte son corps.
— Madame. Je vais vous demander d'exercer une pression sur la blessure de votre ami pour qu'il arrête de se vider de son sang. Vous en êtes capable ?
— Je... Oui, répond faiblement Kamilia.
—Très bien. Appuyez et assurez-vous qu'il respire toujours.
— Il... Il respire toujours.
—Vous vous débrouillez très bien. Les secours seront là dans moins de quatre minutes. En attendant, je reste en ligne avec vous.
Ces quatre minutes furent les plus longues de toute l'existence de Kamilia. Jamais elle n'avait ressenti une telle frayeur. Lorsqu'elle entend la sirène, elle ne lâche rien. C'est seulement lorsque l'un des pompiers prend le relai qu'elle prend son courage à deux mains pour lâcher son ami. Là, tout se passe très vite.
— On doit arrêter l'hémorragie ici. Il ne tiendra pas jusqu'à l'hôpital, annonce le premier.
— Sa pression chute. On est en train de le perdre, dit une autre dame.
— Allez mon grand, tient le coup encore quelques instants, supplie un autre.
— On le perd ! Massage cardiaque ! Crie la dame.
— Jean ! Hurle Kamilia, tenue par un autre pompier. Jean je t'en supplie ne me laisses pas ! Je t'en supplie ! J'ai besoin de toi ! Restes avec moi ! 
— C'est trop tard, affirme le premier homme.
— Défibrillateur. Maintenant. 
— Attention on dégage, maintenant !
Kamilia semble mourir de l'intérieur à chaque mot qu'elle entend de leur bouche. Les coups de défibrillateur fusent alors qu'elle prie pour qu'il revienne. Elle prie pour qu'il revienne et regrette instantanément les mensonges et les cachotteries, même si c'était pour son bien.
— Jean ! T'as pas le droit de me laisser ! Jean !
Ses cris résonnent dans la maisonnette qui était sensée devenir leur rêve. La police arrive à son tour, tentant de la calmer comme ils le peuvent. La réanimation continue. Mais avec de moins en moins d'espoirs.
— Jean ! Ne m'abandonne pas ! Tu es tout ce que j'ai ! Je t'en supplie ! Jean.. Ne me laisses pas.. J'ai besoin de toi.. Jean..
Sa voix se calme. Les cris deviennent peu à peu des murmures. Elle aussi est en train de mourir, mais de l'intérieur.
Le silence règne toujours dans ce quartier calme, éloigné de la ville, où les gens viennent habiter pour trouver la paix. Le silence règne chaque soir, excepté ce soir-là. Là, des sirènes se font entendre. Des bruits de défibrillateur, aussi.
Oui, là, dans ce quartier où tout semble si beau, ces horribles bruits règnent, accompagnant la douleur de Kamilia qui va devoir accepter le sort de son meilleur ami.

Ce soir-là, une partie d'elle s'est envolée.

You&Me ( Tome 1 ) : That's who I amOù les histoires vivent. Découvrez maintenant