Chapitre 22

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Voilà deux semaines que je vis avec mon secret. Je repousse sans cesse le moment où je devrais l'annoncer. Je n'ai pu en parler à personne, c'est au-dessus de mes forces. Je me dis que, peut-être, si je le garde pour moi, ça ne restera qu'un simple cauchemar... J'ai peur que l'annoncer ne rende tout ça trop réel.

Je persiste à aller en cours comme si de rien n'était, pourtant, danser m'est devenu douloureux. Ma passion s'est transformée en torture. Ce que je prenais pour des crampes de fatigue ou des douleurs de surmenage ne sont désormais que des rappels constants de ma lente agonie. Mais je persiste à ignorer ces alarmes que mon corps envoie. Je continue de faire ce que j'ai à faire. Je vois toujours mes amis et ris avec eux. Je souris, mais j'ai mal. Je ris, mais avec la bouche, pas avec le cœur.

Mon cœur, lui, a arrêté de battre. Il ne danse plus. Il n'est qu'une machine destinée à maintenir mon corps en vie. Il n'y a qu'auprès de Seth qu'il retrouve un soubresaut de vie. Là, il me fait mal, il me serre. Je voudrais le quitter, mais je n'en ai pas la force. Est-ce que ça fait de moi une pauvre égoïste ? Pourtant... Je sais que je ne lui apporterai rien. Aucun futur. Aucun projet. Rien. Si ce n'est du malheur, de la peine et de la douleur.

Je le regarde quand il dort, apaisé. Et je pleure en silence, parce qu'à cause de moi, il souffrira, que je reste ou que je le quitte. Plus les jours passent, plus je réalise que je ne peux pas être égoïste et le laisser ruiner sa vie pour un futur commun bien trop court.

Je suis dans la salle de danse. Je vais bientôt quitter l'école... Je n'ai pas le choix. Je n'ai pas envisagé de les prévenir, j'ai juste décidé de disparaître. Je branche mon téléphone à la chaîne hi-fi et je danse comme si c'était la dernière fois. Danser, danser, danser. Savoir que je ne pourrai plus le faire me brise l'âme. À quel point un cœur peut-il se fissurer ? En combien de morceaux peut-il être scindé ? Je danse encore, jusqu'à l'épuisement. Quand je n'en peux plus, je me dirige vers les vestiaires et me douche. Longuement.

En milieu d'après-midi, en sortant de l'école, je lève la tête et observe le ciel ensoleillé. Combien de saisons me reste-t-il ? Morbide oui, pourtant, dernièrement c'est ce genre de questions qui me vient en tête. Mes pas me dirigent vers le métro quand quelqu'un se pointe devant moi. Ma tête se relève et la bile me monte quand je le reconnais.

— Maxime..., m'interpelle-t-il.

Je l'ignore et le contourne pour poursuivre ma route.

— Mon fils le sait-il ?

Mes pieds n'avancent plus à l'entente de sa question. Je n'arrive à faire aucun mouvement. Ni partir ni me retourner. Comment peut-il savoir ?

— Vous devez être curieuse, mais vous savez quand on est riche, rien ne nous est impossible. On peut enquêter sur les moindres recoins de la vie du moindre petit insecte.

Je retiens un rire amer en l'entendant me comparer à un insecte, mais je ne réponds rien... Je tente juste de rester calme, toujours dos à lui.

— Donc mon fils sait-il ? répète-t-il, amusé.

Je joue l'ignorante et feins de ne pas saisir ce qu'il me demande.

— Savoir quoi ?

— Que vous mourez, voyons. Il vous reste quoi ? Trois ans, cinq ans ? Peut-être plus, mais dans quel état, pas vrai ?

Il s'est visiblement bien renseigné. Je l'imagine jubiler en apprenant la nouvelle. Le malheur des autres l'amuse. Cet homme est immonde, je ne vois pas ce que lui et Seth peuvent avoir en commun.

— Ça doit être difficile de savoir qu'on finira dans un fauteuil roulant sans pouvoir parler ni bouger, n'est-ce pas ? reprend-il.

Je déglutis face au tableau qu'il me dépeint. Je ne suis pas bête, je me suis assez renseignée moi aussi pour savoir ce qui m'attend, mais l'entendre le dire avec autant d'indifférence me donne la nausée.

Plutôt mourirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant