Plutôt mourir

Chapitre 33

Seth :

J'avais besoin de sortir, de prendre l'air. Je me retrouve dans ma voiture et soupire. Je ne sais pas si là, tout de suite, j'ai envie de hurler de rage ou de pleurer comme un enfant. Je suis à bout, impuissant. Je la regarde se débattre et je ne peux rien faire, rien de concret. Mais là, ce qu'elle me demande, c'est au-dessus de mes forces. C'est beaucoup trop. Je suis en colère contre le sort, contre le monde et contre elle. Comment peut-elle envisager de m'abandonner ? Comment peut elle ne serait-ce qu'y penser ?

Mes points tapent violemment le volant tandis qu'un cri de détresse sort de ma gorge. C'est un cri de rage, de douleur et d'impuissance. Alors que ça ne m'arrive que rarement, voilà que je m'agrippe au volant, en larmes. Mes épaules se voûtent et se secouent sous l'effet des sanglots. Si elle savait ce qu'elle représente pour moi, elle ne me demanderait jamais ça. Si elle savait...

Je me souviens encore de la première fois où je l'ai vue.

Je suis là depuis au moins une heure et je n'en peux déjà plus. Les danseurs se succèdent, les uns après les autres dans l'espoir d'avoir une place dans cette école. Comme tous les ans, je viens prendre des photos de chacun d'eux. Sylvie me le demande et je lui rends toujours ce service. Après tout, j'aime la photo. Je capte le danseur actuellement sur scène, un coup d'œil vers le jury m'indique qu'il a peu de chance d'être pris. Après tout, les places sont chères. Il quitte la scène aussitôt sa prestation terminée.

Une musique douce démarre. Des sons de guitare électrique, suivis de coups de feu. Je relève la tête, étonné du choix musical, et une danseuse entre, habillée tout de noir, façon gangster des années trente. Je reconnais la chanson Kill for you, un bon choix. Elle commence à danser et là, j'ai l'impression que tout s'arrête autour de moi. Je n'ai pas assez de connaissance en danse pour savoir si ce qu'elle fait est bon ou pas. Toujours est-il que moi, je suis subjugué. Je ne peux pas la lâcher du regard. Son air est déterminé, ses mouvements. À mes yeux, elle danse... Non, elle interprète à la perfection. Elle fait de grands pas, saute, puis se roule au sol. Elle vit chacun de ses gestes et j'ai vraiment l'impression que comme la chanteuse le hurle, elle pourrait tuer par amour.

Je me souviens que je dois prendre des photos et relève l'appareil. Je la fixe de mon objectif et je la mitraille. Je zoome sur son visage et j'aperçois son regard perçant. Il m'envoûte alors qu'elle ne me regarde même pas. Ses cheveux bruns, bouclés, volent, lui donnant l'apparence d'une déesse. Elle est jeune, mais je vois dans ses gestes une détermination qui me fait défaut. Sinon, soyons réalistes, j'aurais envoyé bouler mon paternel.

Elle a l'air d'être dotée d'une force de caractère exceptionnelle. Je pourrais tomber amoureux de cette fille. C'est ça. Je pourrais tomber amoureux d'elle. Elle occupe l'espace et un coup d'œil vers le jury me confirme que je ne suis pas le seul à aimer la prestation. La chanson prend fin. Trop rapidement pour moi. Elle salue l'assemblée, avant de quitter la scène. J'aurais envie de lui courir après, de lui dire que je pourrais l'aimer. Mais je n'en fais rien. Au lieu de ça, je regarde les photos que j'ai prises d'elle. Elle est vraiment belle. Belle à en crever.

Deux mois plus tard, je me trouvais au milieu de la cour. J'étais heureux d'aller là-bas, ça m'offrait une pause dans mon boulot de merde. Alors que je m'apprêtais à prendre l'école en photo, une silhouette s'était retrouvée dans mon champ de vision. Je m'étais figé, je l'avais reconnue. Perdu dans ma contemplation, j'avais enclenché l'appareil et attiré son attention.

— Tu peux sortir de mon champ ? m'étais-je énervé à cause de la panique.

— Pardon, avait répondu la plus jolie voix du monde.

Puis après quelques répliques assassines, elle était partie, ne me laissant qu'un portefeuille comme chance de la revoir. « Si je suis perdu, appelez ma propriétaire. » J'avais souri. Cette fois, c'était certain. Je pouvais résolument tomber amoureux d'une fille comme elle.