Chapitre 28

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Je me retourne. Mes membres se raidissent et je peine à retrouver mon souffle. Il est là, devant moi, appuyé contre sa voiture, tête baissée. Mon cœur cogne, il voudrait sortir pour le rejoindre. Je l'enjoins de se calmer, de rester discret, mais il ne m'écoute pas. Je lui ai demandé trop souvent de la mettre en sourdine, alors aujourd'hui, il se rebelle.

— Alors, tu comptais me le dire quand ? répète-t-il en levant sa tête dans ma direction.

Sa question me laisse sans voix. Seth cherche mon regard, mais je n'arrive pas à soutenir le sien. Je le fuis. Sylvie a dû lui dire, en conclus-je. Je ne relève pas la tête et observe avec attention sa tenue. Il est en costume de marié. Je le trouve vraiment beau, mais je ne peux m'empêcher de souffrir à cette vision.

— Pourquoi tu as fait ça, Max ?

J'entends la supplique dans sa question, mais la peine aussi. Malgré la pluie qui s'abat fortement sur nous, j'entends distinctement les trémolos de sa voix. Mon regard se tourne vers la porte, seule échappatoire.

— Tu veux qu'on rentre ? me demande-t-il soucieux.

— Ma mère est à l'intérieur, réponds-je simplement. Ce n'est pas une bonne idée.

Je n'ai pas envie qu'il la voie, pas dans cet état-là.

— Entrons dans la voiture, me propose-t-il.

— Je...

— Non, entrons dans la voiture, m'ordonne-t-il cette fois.

Il ne m'attend pas et ouvre déjà sa portière. Seth s'y engouffre et mon regard voyage de la maison à la voiture, hésitant. Il y a deux mois, j'aurais voulu lui avouer tout ce que j'avais sur le cœur. Mais aujourd'hui, alors qu'il est là, je manque de courage. Qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire ? Je dois me confronter à ce moment. Je décide de lui donner ce qu'il attend de moi. Mes béquilles me conduisent jusqu'au côté passager. J'ouvre la portière et m'assois en les posant entre mes jambes. Elles me font honte. Mes doigts sont gelés, mes cheveux et mes vêtements trempés. Je referme la porte et l'habitacle se plonge dans un silence, seulement rompu par les trombes d'eau qui s'échouent sur la tôle de la voiture.

— Alors ? Tu comptais me le dire un jour ?

Il ne me regarde pas. Son regard est fixé vers l'extérieur.

— Oui, lui avoué-je. Je suis venue, il y a deux mois, mais...

Je l'entends inspirer nerveusement lorsqu'il comprend que c'est le jour où il n'a pas pu -voulu ?- me recevoir.

— Je n'ai pas insisté, je me suis dit que c'était peut-être mieux ainsi. D'ailleurs, elle n'aurait jamais dû t'en parler. Elle me l'avait promis.

— Elle ? me demande-t-il étonné.

Sa tête pivote vers moi et nous nous faisons maintenant face. Il n'a pas beaucoup changé, ses traits sont juste un peu plus tirés que d'ordinaire, alors que moi, j'ai maigri. Ma peau est devenue rêche, par manque d'entretien. J'ai honte qu'il me voie ainsi, après tout ce temps. Je détourne la tête et dirige mon regard vers l'extérieur.

— Qui « elle » ? répète-t-il.

— Sylvie, soufflé-je.

— Parce qu'elle savait ? me demande-t-il amer.

— Oui, avoué-je.

— Alors je suis le seul à avoir été écarté ?

Cette fois, son ton est énervé, presque rageur. Je comprends sa colère et je m'en veux de lui donner l'impression que lui ne comptait pas.

Plutôt mourirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant