Chapitre 3

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Je suis « Le Photographe » jusqu'au café à l'angle et nous prenons place avant qu'il nous commande un Chocolat chaud. Il me regarde avec fierté lorsqu'il le fait et je suppose qu'il prend ça pour de la chevalerie. Je me retiens de lui faire la remarque qu'aucune femme n'aime qu'on décide pour elle et lui adresse un sourire contenu. Après tout, je ne le verrai plus après ça, si ça peut lui faire plaisir.

— Alors, tu t'appelles Maxime ? débute-t-il.

— Max, je préfère. Mais oui, c'est ça. Et avant que vous ne me le demandiez, mes parents pensaient avoir un garçon et ont décidé de garder ce prénom qui, contrairement à ce que les gens pensent, est un prénom mixte.

Ce prénom m'a valu des moqueries à plusieurs reprises. Autrefois, je le détestais, puis j'ai fini par m'y faire et même si je préfère qu'on m'appelle par mon diminutif, Maxime fait partie de moi.

— Très bien. En tout cas, ça te va pas trop mal, lâche-t-il platement.

Je ne lui demande pas si c'est un compliment et l'observe avec attention. Il semble mal à l'aise et raide. Cet homme est vraiment étrange.

— Et vous ? osé-je.

— Tu te doutes que ce n'est pas Le Photographe. Je m'appelle Seth.

J'enregistre son nom alors que le serveur nous apporte nos boissons chaudes. J'attrape la tasse et en bois précipitamment une gorgée lorsque le malaise me gagne. Je ne sais pas ce que je fais là ni pourquoi il semble s'intéresser à moi. Le liquide me brûle la gorge et je retiens la toux qui me gagne. La demi-heure suivante, c'est lui qui dirige la conversation. Nous parlons de choses futiles, comme ma chanson préférée ou encore mon film favori. Il se moque du fait que ce dernier soit Moulin Rouge et je me contente de lui adresser un sourire pincé. Le peu de questions que je lui pose n'obtiennent aucune réponse concrète puisqu'il se contente à chaque fois de détourner la conversation. Comme si sa couleur préférée devait rester secrète. Par moments, il est détendu et à d'autres, il devient aussi froid que la glace. Je n'arrive donc pas à saisir le sens de ce « rendez-vous ».

— Alors, tu es une artiste. Danse, chant... D'autres talents ?

— Je ne chante pas. C'était vraiment exceptionnel, ce soir. Mais oui, je danse.

Et là, je ne peux retenir le sourire qui étire mes lèvres. C'est ce que la danse provoque chez moi. C'est une passion, une drogue, un besoin. Et mon entrée au Conservatoire est l'aboutissement de ce pour quoi je me bats depuis des années.

— D'où t'est venue cette passion ?

Son intérêt me semble réel.

— Avec mes parents, nous regardions beaucoup de classiques américains, surtout des comédies musicales. L'envie de danser m'est tout de suite venue en voyant les danseurs à l'écran. À trois ans, j'avais mes premières ballerines et je n'ai jamais arrêté. J'ai fait quelques compétitions, puis j'ai été approchée par des recruteurs. Je me suis spécialisée dans les danses contemporaines, lui précisé-je. Je pensais que ça ne serait qu'une passion, mais mon père m'a poussée à me lancer sérieusement. Je devais passer les auditions, il y a un an, mais j'ai dû repousser...

À ce souvenir, une boule se loge dans mon ventre. Lorsqu'il a disparu, j'ai eu le sentiment que mon monde s'écroulait. Il était un repère, un soutien infaillible et ne plus voir la fierté dans son regard lorsque je danse est ce qui me manque le plus.

— Pourquoi avoir attendu un an ?

Je me contente de hausser les épaules, je ne suis pas sûre de vouloir partager ça avec lui, surtout que, de son côté, il ne se montre pas vraiment coopératif. Il saisit mon portefeuille sur la table et me le tend sous le nez.

Plutôt mourirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant