Chapitre 26

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Quand j'arrive à la maison, maman est assise sur le canapé. Des documents sont éparpillés sur le sol. Elle ne s'est pas douchée depuis la fin de sa garde et je suis sûre qu'elle n'a rien avalé non plus. La voir ainsi devient de plus en plus difficile. Elle est dans le déni, cherchant à tout prix un moyen de me sauver. Je la comprends, j'aimerais qu'il existe une solution, mais il n'y en a pas. Alors je voudrais juste qu'elle arrête, qu'elle soit présente. J'ai l'impression qu'elle me laisse tomber.

— Maman, soupiré-je agacée.

— Je cherche, Max, me gronde-t-elle. On va trouver un truc. Quelque chose.

Elle a le nez dans des documents, surlignant des passages qui doivent lui sembler importants. Du jaune pare les feuilles mélangées.

— Maman, arrête ça ! m'énervé-je.

Je lui arrache le document qu'elle tient dans les mains. Sa tête se relève enfin, me laissant voir les cernes, sous ses lunettes qui lui tombent sur le bout du nez. Ses cheveux eux, sont désordonnés. Un monticule de tasses à café trône sur la table basse.

— Comment peux-tu rester là sans rien faire, Maxime ? me reproche-t-elle.

— Ça, là, dis-je en secouant les feuilles que je tiens en main. Tout ça ne changera absolument rien. Tu préfères mettre le nez dans des recherches. Tu préfères perdre ton temps à ça plutôt qu'être là, pour moi. Tu ne m'aides pas du tout, maman.

Je lui jette les documents à la figure et sors de chez moi. Me voilà partagée entre la colère et la peine, une peine profonde. Je lui en veux tellement.

Je m'apprête à remonter la rue quand la voiture de Julia se gare devant chez moi. Ma meilleure amie en sort, furieuse et fait claquer sa portière.

— Toi, me dit-elle en me pointant du doigt. Tu m'évites, tu refuses les invitations. Tu ne viens même plus en cours. Et là, j'apprends par Pauline. Par Pauline, bordel de merde. J'apprends que tu arrêtes la danse à cause de ta jambe. Je l'apprends par elle, Max, pas par toi. Par elle ! Alors écoute, je suis vraiment désolée pour toi et pour tout ça. Mais ce n'est qu'une jambe et si tu crois que te couper du monde changera quelque chose, tu te trompes ! hurle-t-elle.

Elle fait les cent pas durant sa tirade. Je la connais et je sais très bien qu'elle ne va pas s'arrêter là.

— Tu veux mon avis ? Tu n'es qu'une égoïste qui tourne le dos aux autres parce qu'elle n'a pas eu ce qu'elle voulait. Mais c'est la vie, Max. C'est comme ça. On ne fait pas toujours ce qu'on veut.

Elle s'arrête devant moi, mains sur les hanches. Son regard effraierait les plus courageux.

— Tu n'as rien à répondre ? me dit-elle, agacée.

— C'est pas le jour ! Je suis fatiguée, Julia ! m'énervé-je.

— Ce n'est qu'une jambe, Maxime.

— Non ! Ce n'est pas que ça non ! Je meurs, Julia. Je meurs, d'accord ? Ce n'est pas qu'un rêve qui part en fumée, mais ma vie entière. Je ne te l'ai pas dit, parce que tu es toujours optimiste et que j'en ai marre que tout le monde attende de moi que je tienne le coup, que je ne me laisse pas abattre, sauf que je n'y arrive pas.

Je craque, totalement. Je verbalise ce qui m'oppresse.

— Sourire ? Pourquoi ? Je meurs ! Comment je peux sourire ? Comment je peux faire comme si tout allait bien ? Comment je... Maman passe ses journées à chercher un traitement, Lucas me harcèle pour que j'en informe tout le monde, mais j'y arrive pas. Il n'y a aucun espoir pour moi et je n'y arrive pas. Je n'y arrive pas. Je... Je n'arrive pas à faire comme si. J'essaie, je te jure, j'essaie, Ju. Mais...

Plutôt mourirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant