Face Yourself

LEAVE THE CITY

- Vendredi, 12h14 -

La mère de Nayeon n'avait rien dit en lui ouvrant la porte. Un regard avait suffi pour qu'elle lui indique d'entrer et de faire comme chez elle ; ce n'était que la troisième fois qu'elles se voyaient pourtant.

En déposant ses chaussures sur le palier, HaSeul remarqua des mégots de cigarettes éparpillés un peu partout sur le sol.

Comme depuis qu'elle connaissait son amie, la maison était mal entretenue.

De la terre mal essuyée de chaussures traînait sur le plancher. Les murs suintaient d'humidité. On aurait dit qu'ils pleuraient leurs sorts. Une odeur de tabac froid régnait et en fond sonore, le bruit d'une télévision allumée clamait le vacarme.

La jeune femme n'en pensa rien.

Elle savait que ce coin de la ville ne possédait pas de grandes richesses. Un bloc de béton qui se maintenait à peine à flot. Si madame Im parvenait à payer l'électricité à temps, c'était un miracle. Alors comment lui en vouloir de ne pas être en capacité d'entretenir correctement son lieu de vie ?

En traversant le couloir en direction de la chambre de son amie, HaSeul capta du coin de l'œil la silhouette de monsieur Im complètement avachi sur le canapé pourri du salon. Il ronflait suffisamment fort pour qu'elle comprenne qu'il n'était pas à son premier verre de la journée. Une odeur de plat réchauffé lui démangea le nez et elle détourna aussitôt le regard. Si seulement il se donnait la peine d'aider, de trouver un emploi ou de ralentir sa consommation d'alcool, peut-être que la maison serait dans un meilleur état.

Elle faillit lâcher un rire ironique.

Quels droits pensait-elle posséder ?

Faire la morale ne paraissait pas nécessaire étant donné l'état dans lequel devait se trouver sa mère à l'heure actuelle. Peut-être était-elle aussi avachie sur le canapé telle une épave ?

Se stoppant devant la porte de Nayeon, l'adolescente prit une mince inspiration.

HaSeul n'avait aucun droit de jugement sur le mode de vie de cette famille. La sienne, bien que plus correcte en apparence, était sûrement tout aussi déplaisante et désagrégée que les Im...

La première chose qui marqua l'esprit de la jumelle fut la noirceur dans laquelle était plongée la pièce.

Les rideaux percés à de minces endroits étaient complètement tirés. Les quelques brins de soleil qui filtraient plongeaient en direction du lit de Nayeon. Ils désignaient une fine courbe sur les draps bleus. Elle ne bougeait pas, tétanisée. À côté, sur une table de chevet bancale, un radio-réveil indiquait l'heure dans de maigres néons verts ; midi-vingt.

C'est en s'approchant un peu plus qu'elle la vit.

Jeongyeon était assise sur une chaise de bureau à l'opposé de la chambre. Sa main maintenait sa tête afin qu'elle ne tombe pas sur le côté et ses jambes étaient recouvertes d'un plaid. HaSeul comprit qu'elle avait passé la nuit et le début de la journée à veiller son amie - léthargique - dans son lit. Puis, dans un confort âpre, elle avait sans doute fini par s'endormir maladroitement sur ce siège au bois vieillissant.

La jumelle ne sut pas trop quoi faire. Pouvait-elle la réveiller ? Ne valait-il pas mieux qu'elle la laisse se reposer un peu ? Avec la nuit d'horreur qu'elle venait de vivre, un minimum de sommeil ne devait pas se refuser. Elle songea à leur écrire un petit mot ou à simplement leur envoyer des textos. Le choix n'était pas aisé. Comment le faire sans paraître ingrate et sans coeur ?

La plus grande n'eut pas à réfléchir longtemps car, en voulant aller voir si Nayeon dormait, elle marcha malencontreusement sur ce qui s'apparentait à une bouteille d'eau vide. Le craquement parut assourdissant. D'un sursaut, Jeongyeon se redressa sur sa chaise.