LETTRE XI

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HUENING KAI A CHOI SOOBIN, BOÎTE AUX LETTRES BLEUE DE SEOUL


Tu es très beau, Choi Soobin.

Ton expression concentrée donne à tes traits une expression presque irréelle. Tes yeux brûlent de cette envie de réussir comme si tu étais en compétition avec ta propre maladresse. La suite de ton conte montre cette défaite cuisante que tu as rencontrée contre tes capacités. J'espère que tu es parvenu à récupérer ton crayon sans que ton visage ne chauffe à cause de l'embarras de récupérer ta propriété. Je n'ai aucune difficulté à imaginer tes traits se transformer de malaise. Les rires de Yeonjun ont sans doute amplifié ta gêne. Je pense que je m'entendrais bien avec ton ami. Il me semble facile à vivre et d'une bonne humeur communicative.

Savoir que tu as imaginé un quotidien dans lequel je parcours les couloirs de ton université et les rues de Séoul à tes côtés me comble de joie. Je ne parviens pas à me défaire de son sourire. J'ai l'impression de compter pour quelqu'un qui ne cherche pas à contrôler mes faits et gestes. J'aimerais tant rejoindre ton univers pour échapper à cette pression qui appuie tant sur mes épaules que je peine à rester debout. Mes jambes tremblent de plus en plus. Elles sont prises de spasmes lorsque je me réveille et je peine à me déplacer dans la maison. Je suis écrasé par le poids de mes propres responsabilités. Mes parents me peignent comme le parfait héritier ; un miroir de leur éducation stricte et sans amour qui ne fera jamais le moindre pas dans une direction qu'ils ne m'ont pas dictée. Je ne peux pas les contredire. Je ne pourrais pas tant que je serai enfermé dans cette prison dorée. Je sais qu'ils ont raison. Une partie de mon esprit s'imagine montrer une révolte pour échapper à ces obligations. Ma créativité est sans limites. La vérité est plus triste, moins encourageante. Je deviendrai une copie conforme de mon père et je prendrai son siège à la tête de l'entreprise. C'est la mission qui m'a été donnée dès que j'ai ouvert les yeux sur ce monde.

Je te parle de mes obligations familiales depuis plusieurs lettres. Je n'ai cependant jamais pris le temps de préciser quelles étaient ces obligations.

L'histoire commence cinq générations avant ma naissance. Les mémoires de ma famille narrent les aventures d'un homme chanceux qui est parvenu à survivre à une guerre dévastatrice. Il s'est glissé dans les réunions des plus puissants grâce à son travail acharné. L'histoire courte est belle. Elle n'est que celle d'un homme chanceux qui a donné des heures et des heures pour atteindre ses objectifs. Elle ne raconte pas sa terrible ascension jusqu'au sommet. Elle se contente de narrer sa découverte d'une mine dans une région encore dévastée par la famine et la guerre.

Beaucoup de personnes ne voyaient que de pierres noires qui se transformaient à la tombée de la nuit. Elles luisaient dans la nuit d'une lumière pure. Elles offraient un paysage magnifique à la région. Mon ancêtre décrit le panorama comme un ciel étoilé se détachant des montagnes dans son journal. Il a passé plusieurs années sur place. Il a étudié les minéraux avec une expertise perdue et il leur a trouvé des propriétés intéressantes. Cent grammes d'astéridrite fournissaient une quantité immense d'énergie. Cette découverte le transforma en scientifique réputé et elle lui a fait gravir les derniers échelons de la société. Il est devenu un homme extrêmement puissant.

Alors qu'il devenait cet homme respecté dans la capitale du pays ; une capitale que l'on renommait d'après sa découverte ; les habitants de la région lui donnèrent le surnom de Voleur d'étoiles. Je les comprends. Les étoiles terrestres ont disparu, une à une, pour fournir les grandes villes en énergie. Toutes les maisons et rues sont éclairées par ces astéridrites. A chaque fois que de nouvelles infrastructures se construisent, ma famille se charge de fournir cette énergie qui survit à des générations. Mais les étoiles terrestres disparaissent de leur environnement et la région perd son atmosphère magique.

Les rennes de l'entreprise se transmettent de génération en génération. Je suis le prochain à hériter de ce monstrueux titre de Voleur d'étoiles. Je ne sais pas où je me place dans le schéma de pouvoir de mon ancêtre. Mon cœur balance entre l'honneur de prendre la suite de mon père dans une entreprise familiale et la honte de continuer le pillage d'un territoire entier. Si je devais me montrer honnête, je ressens tant de culpabilité. J'aimerais tant échapper à ces responsabilités, mais mes mains sont menottées. Même les rires de mes sœurs ne parviennent pas à faire fleurir un sourire sur mon visage lorsqu'on me rappelle que je serai à la tête de l'entreprise un jour. Je ne pense pas en avoir envie. Les étoiles brillent chez les puissants alors qu'elles disparaissent chez les plus pauvres. N'est-ce pas injuste ?

A quoi pourra donc ressembler mon futur ?

Connaîtrais-tu la réponse à cette question qui m'empêche de trouver le sommeil, Choi Soobin ?

J'ai l'impression de me plaindre pour rien. Beaucoup de personnes aimeraient grandir dans une maison comme la mienne ; une maison si grande qu'il est impossible de visiter chaque pièce sans prendre un mois entier. Beaucoup de personnes aimeraient connaître les frivolités d'une vie comme la mienne. Je mange toujours plus que nécessaire. Je dors dans un lit si confortable qu'il pourrait avaler mon corps lorsque je me couche dessus. Je peux suivre des cours d'une qualité incroyable et je les sais enviables même s'ils sont dispensés par Maleko. Alors pourquoi je me sens prisonnier ?

Tout me paraît si idyllique dans ma vie de tous les jours. Mais il me manque cette chose dont les êtres humains rêvent chaque jour. Je ne suis pas dans le besoin, mais je ne suis pas libre. Mes chevilles sont attachées à cette prison luxueuse et mes gardes me tirent vers un siège qui me terrifie. Je ne sais pas quoi faire, Choi Soobin. Je ne sais vraiment pas quoi faire et je rêve de changer d'univers pour partager les couloirs de ton université. Alors continue de me raconter tes histoires. Continue de me faire vivre par procuration ce quotidien qui me paraît si libre en comparaison du bien.

Je t'en supplie.


Boîte aux lettres bleue d'Astéria

25 avril


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je n'aime pas beaucoup ce chapitre mais je le trouve intéressant. c'est un peu paradoxale. j'espère que vous aimez toujours cette histoire. il ne se passe pas beaucoup de choses dans letterbox romance mais c'est un challenge à écrire.

on se retrouve dans deux semaines !

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