LETTRE XIII

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CHOI SOOBIN A HUENING KAI, BOÎTE AUX LETTRES BLEUE D'ASTERIA


Ne t'avise plus jamais de t'excuser pour me partager tes peines. Elles n'ajoutent aucun poids sur mes épaules et tu peux me partager tes angoisses autant que tu le désires. Je suis ton ami après tout. Je reste une oreille attentive à tes problèmes (ou un œil attentif dans notre cas). Puis je n'exclus pas de partir en crise de colère dans une lettre après un examen particulièrement frustrant. Cela pourrait arriver plus tôt que tu ne l'imagines. J'enchaîne les projets et ils ne me satisfont jamais. Loin de là. Alors je risque de m'énerver sur un professeur qui n'a rien demandé. C'est toujours mieux d'écrire mes frustrations dans une lettre que de me poser devant son bureau pour l'insulter. Personne ne mérite des insultes de toute façon et ils ont déjà un métier assez compliqué pour ne pas avoir à supporter un jeune adulte capricieux en plus.

Je m'égare encore une fois. Sache que je ne suis pas du tout embêté par tes dernières lettres. Tu as le droit de me partager tes inquiétudes et tes angoisses. Je n'avais pas l'impression qu'un poids pesait sur tes épaules. Je me doutais que tu avais des obligations familiales qui t'enchaînaient à ton immense maison. J'étais à plusieurs années lumières de me dire que tu allais hériter d'un empire de l'énergie.

J'essaie de me glisser dans tes chaussures depuis quelques jours. J'ai l'espoir de comprendre un peu plus ta situation. Mon imagination a cessé de fonctionner lorsque j'ai ouvert mes yeux sur une chambre plus grande que mon appartement. J'ai soulevé les paupières dans un songe éveillé. Le voile d'un lit à baldaquin ondulait au-dessus de ma tête et une odeur de propre régnait dans la pièce. Mes muscles lourds de sommeil sont parcourus de spasmes et je me réveille dans un sursaut. Une chambre se dessine alors sous mes prunelles. Mon corps se trouve sur un immense lit et des jardins luxuriants apparaissent derrière la fenêtre. Puis il y a ce bureau. Juste à côté de la fenêtre, il permet à la personne qui s'assoie derrière d'observer la nature contrôlée. Est-ce ta chambre ? Tu ne me l'as jamais décrite. Mon cerveau ne parvient pas à se l'imaginer autrement.

J'essaie de me lever, mais chacun de mes mouvements est restreint. Quelque chose tinte sous les couettes et empêche mes jambes de bouger. Je soulève l'édredon avec cette appréhension digne des pires cauchemars. C'est à cet instant que je les découvre. Des chaînes me maintiennent clouée au lit. Elles sont lourdes et froides autour de mes chevilles. Je ne peux pas bouger d'un iota. Puis une main osseuse glisse sur le métal et un rire mauvais résonne dans la pièce. Mes yeux écarquillés suivent le bras pour découvrir une ombre effrayante que je devine appartenir à Maleko. Son visage n'a pas de trait. Le trou béant qui lui sert de bouche s'ouvre et il me murmure d'une voix d'outre-tombe :

« Jamais tu n'auras Huening Kai. »

Je me réveille après ces mots. Je regarde trop de films d'horreur avant de me coucher et ils ne m'aident pas à étreindre Morphée dans ses bras. Je suis agité par ces rêves où la silhouette de ton bourreau menace notre amitié.

Mon imagination me perdra un jour. J'espère que ton tuteur est moins terrifiant que le monstre humanoïde et sans visage que je rencontre dans ce cauchemar. J'espère qu'il ressemble plus à un être humain et que ses yeux stricts ne sont pas les trous béants qui m'observent dans mes songes terrifiants. Je comprends un peu ta peur, mais il n'a pas assez de pouvoir pour m'empêcher d'envoyer des lettres à mon tueur en série préféré. Tu es mon ami, Huening Kai. Et même s'il cherche à réduire nos contacts, tu resteras mon ami. Il ne se débarrassera pas de moi ainsi.

Ne te précipite pas pour me répondre. Attends que Maleko ne te suive plus comme une ombre. Ne prends pas de risque insensé.

L'histoire de ta famille s'avère aussi belle que triste. L'astéridrite ne ressemble à aucun minéral que je connais. Les étoiles terrestres devaient offrir un paysage somptueux. Il est profondément triste qu'elles disparaissent. Tu n'es cependant pas le responsable des actions de ta famille. Tu peux toujours changer les choses même si tu penses le contraire. Tu n'as pas à être la personne que tes parents et Maleko veulent tant voir assise sur le trône de votre entreprise. Tu as encore le temps pour devenir celui que tu rêves d'être. Il n'est pas trop tard. Tu as toute ta vie pour cela. C'est plus facile à dire qu'à faire. J'en ai bien conscience. Ça me paraît facile pour moi. Je ne suis pas dans tes chaussures et je ne le serai jamais. Ce sont de beaux mots qui se veulent rassurants.

Je pense que je veux juste dire que tu es un être humain et que tu conserves une forme de libre arbitre. Tu regrettes des actions dont tu n'as jamais été responsable. Ça fait de toi quelqu'un de plus altruiste que toutes les personnes de pouvoir que tu m'as décrit pour le moment.

Je vais sûrement sonner mièvre et un peu terrifiant. Mais j'aimerais bien me retrouver dans ton monde, ne serait-ce que pour quelques heures. J'aimerais t'offrir une épaule sur laquelle pleurer tes angoisses et passer mes bras autour des tiennes. Tu pourrais vider ton sac et hurler ta frustration sans ne recevoir aucun jugement en retour. Je serai juste présent pour t'épauler et t'écouter. Peut-être trouverais-je quelques blagues à peine drôles pour alléger l'atmosphère. Dans mes rêves les plus beaux, Maleko disparaît quelques heures et je te serre contre moi pour te donner de la force. Mes mots sonnent étranges. C'est à mon tour d'avoir l'air complètement dingue.

Cela reste un rêve impossible à réaliser. Nous ne pouvons pas voyager à travers les mondes qui nous séparent. Si cette possibilité merveilleuse existait, je t'offrirais de t'enfuir pour me rejoindre sur les bancs de l'université. Ça ne marche pas ainsi. Alors je me contente de garder ma folle envie de sentir ton corps entre mes bras dans un coin de mon esprit et j'essaie de t'offrir tout mon soutien.

N'aie jamais peur de me partager tes craintes et tes peines. Je reste un œil attentif. Et n'oublie surtout pas de prendre soin de toi.

Écris-moi seulement quand l'ombre menaçante de Maleko ne sera plus dans ton dos.


Boîte aux lettres bleue de Séoul

3 mai


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l'histoire avance. l'histoire avance. j'espère qu'elle vous plaît.

on se retrouve bientôt !

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