LETTRE XVIII

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CHOI SOOBIN A HUENING KAI, BOÎTE AUX LETTRES BLEUE D'ASTERIA



Quelque chose d'amusant s'est produit hier. Ma journée commençait comme absolument toutes mes autres journées. Je me suis battu de longues minutes contre le réveil parce que je n'avais pas l'énergie de quitter mon lit. Il était trop tôt. Je suis resté un peu plus longtemps sous ma couette que je ne le fais habituellement. Puis j'ai fini par avoir le courage d'extraire une main du cocon pour saisir mon téléphone. Il fallait que j'éteigne cet insupportable réveil qui m'empêchait de retrouver les bras de Morphée. C'est à cet instant que je me suis rendu compte que j'avais oublié de supprimer mes alarmes du weekend dernier. J'avais un train à prendre pour me rendre chez mes parents et je refusais de le manquer une nouvelle fois. La simple idée des railleries de mes parents m'arrachait des frissons désagréables et je ne me sentais pas enthousiaste à l'idée de me retrouver victime des œillades désapprobatrices de mon frère. Il n'est pas très drôle. Alors j'avais mis une bonne dizaine de réveils pour ne pas manquer mon train. Une bonne dizaine de réveils que j'avais oublié de supprimer.

C'est ainsi que je me suis retrouvé debout un samedi matin avant six heures. Mes paupières lourdes de fatigue menaçaient de se fermer, mais je savais que je ne pourrais pas me rendormir. Mon cerveau s'occupait à pester contre ma propre bêtise et il m'empêcherait de retrouver mon agréable rêve. Je ne m'en souviens plus. Je sais seulement que tu étais dedans. Je me rappelle juste de ton visage souriant, de la bière entamée dans ta main et de tes joues roses à cause de l'alcool. Cette image semble gravée à jamais dans mon esprit, mais je ne me souviens pas de son contexte. Ce n'est pas très important. De toute façon, je ne parviendrais pas à me rendormir avant le coucher du Soleil.

J'ai commencé à faire toutes ces choses que je déteste faire habituellement. J'ai passé un coup de balai dans chaque recoin de l'unique pièce de mon appartement. J'aurais préféré m'attaquer à la poussière avec un aspirateur, mais je tiens à la sympathie de mes voisins. Je ne suis pas sûre que les réveiller à une heure si matinale un samedi matin les rende particulièrement heureux. Je pense même que certains ne se seraient pas gênés à me menacer. Je n'ai aucune difficulté à imaginer ma voisine empoisonner les cookies qu'elle me donne une fois par mois. Sa vengeance serait légitime. J'aurai aussi envie d'annihiler un voisin qui me réveille si tôt dans un weekend. Je me suis donc contenté du balai et de l'éponge.

Puis sur les coups de dix heures, alors que je m'apprêtais à prendre une pause bien méritée, la sonnerie de mon téléphone a retenti. Le son strident m'a arraché un sursaut et je me suis empressé de répondre. La voix essoufflée de mon patron m'interpelait.

« Soobin ! Est-ce que tu peux venir travailler à la supérette aujourd'hui ? Aecha est tombée malade et je dois l'emmener chez le médecin. »

Sa voix tremblait de panique et je ne me voyais pas refuser. Je l'ai informé que j'arriverai devant le magasin dans un peu moins de quarante minutes et qu'il pouvait compter sur moi. C'est comme ça que je me suis retrouvé derrière la caisse un samedi matin alors que je ne travaille presque jamais le weekend. J'ai eu le droit à des centaines de remerciements avant que Monsieur Park ne disparaisse avec la petite Aecha. Elle avait l'air vraiment exténuée. Ses yeux gonflés s'ouvraient à peine et elle m'a saluée entre deux quintes de toux d'une voix nasillarde qui n'était pas la sienne.

La maladie soudaine de Aecha n'est pas le drôle d'événement dont je te parlais au début de ma lettre. Elle me sert de contexte pour te raconter cette histoire. Il faut seulement retenir que je n'aurais jamais dû me retrouver derrière la caisse un samedi matin. De nombreux clients ponctuels ou réguliers se sont présentés dans la supérette toute la journée. Certains m'adressaient à peine quelques mots et d'autres commençaient à me conter leur semaine. C'est ce que j'aime tant avec mon travail. Les interactions changent en fonction des humains qui nous adressent la parole. Ça me plaît plus que d'organiser les cartons dans la réserve. Quelques heures moins chargées m'ont permis de faire du tri dans les rayons. Jamais je ne me serais montré aussi ordonné un weekend. J'ai plutôt l'habitude de les passer dans mon lit à regarder de nouveaux films ou derrière mon bureau à réviser des cours que je ne suis pas sûr de comprendre.

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