LETTRE XV

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CHOI SOOBIN A HUENING KAI, BOÎTE AUX LETTRES BLEUE D'ASTERIA


Me savoir comme une source de courage me comble d'une joie rare. Je ne suis pourtant responsable de rien. Je me contente de répondre à tes lettres et de figer quelques instants de mes journées sur du papier. Je ne suis pas la source de ton courage. Il n'est pas aussi soudain que tu peux le penser. Je suis même persuadé que tu étais courageux avant de m'envoyer la moindre lettre. Maleko se présentait comme une figure menaçante de ton existence, mais je n'ai jamais eu la sensation que tu en avais peur. Tu me le décris comme une désagréable épine dans le pied dont tu ne parviens pas à te débarrasser. Tu ne cherches plus à t'en débarrasser, car tu t'es habitué à sa douleur constante. Je ne suis pas certain de faire mieux que toi dans ta situation. Je ne suis même pas assez courageux pour exprimer mes émotions à voix haute.

Cela fait plusieurs semaines que je ne cesse de penser à de petites choses insignifiantes. Les battements irréguliers de mon cœur dictent le flux d'informations passant par mon cerveau. J'en viens même à perdre ma concentration en cours et je ne parviens même pas à faire de figures avec mes stylos pour occuper mes mains lors des pauses. Mes joues prennent une couleur carmine et ma gorge s'assèche lorsque je me retrouve seul. Quelque chose ne quitte jamais mes pensées. Quelque chose m'empêche de me concentrer sur ces films que j'apprécie tant. Tout me paraît fade en comparaison de cette chose qui appelle constamment mon cerveau. Je suis bien mystérieux depuis quelque temps. Mais j'ai peur d'écrire quelle est cette chose qui occupe tant mes pensées. Figer les lettres sur le papier la rendrait réelle et ça me terrifie.

Il le faut pourtant. Je ne peux pas rester l'éternel silencieux. L'écrire chassera peut-être cette obsession de mon esprit. Je pourrais même retrouver mon appréciation du septième art. Mais je ne suis pas quelqu'un de courageux. Je ne l'ai jamais été. Je me cache derrière une carapace qui me donne des allures plus braves que je ne le suis réellement. J'ai peur. J'ai peur que si je parle de cette chose sur laquelle mon attention se focalise, elle disparaisse à tout jamais. Je le refuse.

Ma mère est une femme merveilleuse et elle me donnait toujours ce conseil lorsque j'étais enfant. Il faut arracher le pansement d'un coup sec sans avoir peur de la douleur. Devrais-je faire ça ? Ma lettre prouve bien que je n'en suis pas capable tout de suite. Et je brode autour du sujet. Que ferait ma mère à ma place ? Que ferais-tu à ma place ? Vous arracheriez certainement ce pansement. Vous partagez ce même courage. C'est à mon tour de me laisser contaminer par votre bravoure.

Je ne sais pas si je suis prêt.

Mais je ne peux pas me taire plus longtemps. Je suis prêt. Je peux aussi me montrer courageux.

Je crois que je suis amoureux de toi, Huening Kai.

J'ai arraché le pansement. La plaie s'est remise à saigner. Je n'ai rien fait pour la laisser cicatriser. Je me suis caché derrière une fausse concentration, mais cela n'a rien fait. Je suis effrayé à la simple idée que tu me ries au nez. Alors que je sais que tu ne le feras pas. Ce n'est pas ton genre. Tu n'es pas du genre à te moquer des sentiments de quelqu'un. Ça n'est pas toi. Mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur. C'est idiot.

Je devine déjà ta question. Comment ?

Comment ai-je pu tomber amoureux de toi ? Comment puis-je en être sûr ?

Je n'en ai pas la moindre idée. Ce constat me prend de court et je ne me sens pas capable de l'expliquer. Tout ça est uniquement de ta faute. Tu es arrivé dans ma vie comme un boulet de canon et tu as commencé à occuper une place permanente dans mon esprit. Je n'ai rien demandé de tout ça. Je me surprends à penser à toi dans tes situations où je devrais me focaliser sur tout autre chose. Mon esprit se tourne vers toi alors que je devrai me concentrer sur mes examens. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Cette chose qui occupe constamment mes pensées, c'est toi. Et ça m'agace Huening Kai. Tu n'imagines même pas à quel point.

Parce que je m'attache à une personne que je ne pourrais jamais rencontrer.

Parce que je m'attache à la personnalité que je perçois dans tes lettres et que j'aime la personne que je découvre à travers tes mots.

Parce que je sais que je vais finir par avoir le cœur brisé.

C'est inévitable.

Et pourtant.

Pourtant.

Je me retrouve à t'avouer des sentiments. Je n'ai pas voulu tout ça, mais je ne regrette pas une seule seconde. Je ne pourrais pas te dire quand je m'en suis rendu compte. Je ne pourrais pas te dire quand le potentiel tueur en série a été remplacé par la personne à laquelle je pense tout le temps. C'est un peu idiot. Je ne te demande pas de me rendre mes sentiments. Je pense que je voulais juste t'avouer tout ça pour me débarrasser de ce secret. J'ai arraché le pansement. Je me sens plus léger maintenant.

Ne te perds pas trop dans la vision de mon spectre. Je suis heureux de t'accompagner dans tes journées. Je suis heureux d'amplifier cette force qui est déjà la tienne. Tu es courageux. Ne l'oublie pas. Tu es incroyablement courageux.

Prends soin de toi. Et ne culpabilise pas si tu ne partages pas mes sentiments. Ce n'est pas grave.

Je te demanderai juste de continuer de m'envoyer des lettres. Ne me laisse pas sans nouvelle de ta part. Ne me brise pas le cœur tout de suite.


Boîte aux lettres bleue de Séoul

6 juin


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alors ? on passe enfin aux choses sérieuses avec cette lettre. j'espère que ce n'est pas trop soudain et que vous avez apprécié votre lecture.

on se retrouve bientôt pour la suite !

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