letterbox romance

LETTRE XVII

CHOI SOOBIN A HUENING KAI, BOÎTE AUX LETTRES BLEUE D'ASTERIA

Ne t'inquiète pas pour mes sentiments. Je n'attendais pas à ce que tu me rendes au centuple ce que je ressens pour toi. Se faire rejeter blesse toujours les égos, mais cela ne sera jamais éternel. On s'en remet toujours. Je ne suis pas une exception. Je vais m'en remettre et je te promets que cela ne changera rien entre nous. Je continuerai à attendre tes lettres avec impatience et je continuerai à t'écrire dès que j'aurai quelque chose à te conter. Rien ne changera, Huening Kai. Ce n'est pas parce que mon égo s'est pris une pichenette que je dois soudainement couper les ponts pour préserver mon cœur émietté. J'aime trop échanger des mots avec toi pour me résoudre à prendre cette terrible décision. C'est à mon tour de sonner comme un égoïste.

Je dois t'avouer que j'ai versé une larme solitaire en découvrant ta réponse. Je n'étais pas particulièrement triste de me prendre un râteau. Je m'attendais à de tels mots pour tout d'avouer. Jamais on ne m'avait mis un râteau. Tu es mon premier. Je crois que j'en suis heureux. Ce sentiment me laisse perplexe. Je ressens un soulagement immense. Tomber amoureux de toi, c'est comme foncer à pleine vitesse vers un mur. On ressent un boost d'adrénaline qui finira par tout détruire dans son sillage. Et ton rejet appuie sur le frein et m'éviter de plonger à pieds joints dans un amour que je sais impossible. Je ne peux que t'en remercier. Tu m'évites des mois, voire des années, de frustration.

Mes rêves s'animent de nos silhouettes. Les étoiles terrestres se dessinent autour de nous alors que nous dansons à un rythme qui n'appartient qu'à nous. Je ne suis pas certain que danser soit le terme le plus propice pour décrire ce que nous faisons. Nous nous balançons sur un rythme inaudible. Je sens ton souffle régulier contre la peau de ma nuque et je prie de toutes mes forces pour que tu ne remarques pas la chair de poule provoquée par ta respiration. Je ne peux pas m'en empêcher. Mon corps réagit sans que je le veuille et je me sens un peu idiot. Les rêves m'enfoncent dans cet amour à sens unique et créent ces situations qui n'existeront jamais en dehors du confort de mon lit. Nous ne nous verrons jamais. Je pense que je devrai te remercier de m'avoir rejeté. Tu m'évites des litres de larmes et de crèmes glacées. Les filles noient leur chagrin dans des quantités astronomiques de glaces dans les comédies romantiques. J'avais toujours trouvé ça idiot. En quoi peuvent-elles panser les cœurs brisés ? Et aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai toujours eu envie de tester ce remède de fiction.

J'ai pu connaître la sensation onctueuse de la crème glacée contre ma langue après avoir vu mon cœur se briser en mille morceaux. Je comprends ces filles de films stéréotypés. Les glaces ont quelque chose de réconfortant que je ne saurais expliquer. Enroulé dans ma couette, j'ai mangé à la cuillère directement dans le pot. Je me suis senti bien. Je ne ressens sûrement pas les mêmes sentiments que ceux des comédies romantiques. C'était surtout une excuse pour tester au moins ce remède pour soigner les cœurs en peine. Yeonjun m'a regardé de façon étrange en entrant dans mon appartement ce jour-là. Il s'est arrêté sur le seuil et a posé un regard interloqué sur mon cocon.

« Il ne faut pas être en couple pour se faire larguer normalement ?

— Qui te dis que je ne le suis pas ?

— Tu l'es ?

— Non. »

Sur ses lèvres brûlait une question qu'il n'a pas eu le courage de poser. Il s'est contenté de hausser les réponses comme si notre échange sonnait parfaitement normal et de se débarrasser de ses chaussures dans ma minuscule entrée. Rien ne le surprend plus de ma part. Je l'ai vu piocher une grande cuillère dans un tiroir de ma cuisine et il m'a rejoint sous ma montagne de couettes. Son arme s'est plongée dans le pot et il m'a subtilisé une quantité astronomique de crème glacée à la vanille.

« Pourquoi tu me voles ?

— Parce que tu m'as fait venir chez toi pour bosser un cours. Et parce que je te retrouve à bouffer de la glace à même le pot comme si tu venais de connaître la rupture du siècle.

— J'avais envie de tester. »

Plus rien ne le surprend venant de moi. Il me connaît depuis trop longtemps pour s'étonner de mes envies. Il doit se douter que je ne lui raconte pas toute la vérité. Je ne peux cependant pas lui avouer tout. Tu es aussi mon secret le mieux gardé, Huening Kai. Je ne souhaite te partager avec personne. Et même si je me sens blessé dans mon égo parce que tu ne me rends pas mes sentiments, je ne l'avouerai jamais à Yeonjun.

Il me prendrait certainement pour un fou. Comment pourrais-je lui expliquer quelque chose comme notre relation si particulière ?

« Alors il y a ce gars qui m'envoie des lettres depuis plusieurs mois. Il vient d'une autre dimension et il se pourrait bien que je sois tombé amoureux de lui. »

Écrire de tels mots me paraît encore insensé alors que nous nous parlons depuis si longtemps que ta possible envie de m'assassiner de façon atroce est devenue un souvenir ancien. Si tu ne t'amusais pas à me le rappeler dans tes lettres, je ne m'en souviendrais sûrement pas. Je te suspecte de te moquer de moi pour ma première impression. Mais je parie que tu aurais ressenti exactement la même chose si tu t'étais retrouvé à ma place ! Et Yeonjun me ferait certainement une réflexion pour appuyer cette première idée. Je n'en ai aucun doute. Alors tu es aussi mon secret. Tu es mon secret le plus précieux et je ne te partagerai pour rien au monde.

Ne t'excuse pas parce que tu ne peux pas me rendre mes sentiments. Je ne peux pas t'en vouloir.

Continue de m'écrire et d'être mon ami. Cela me convient parfaitement.

Boîte aux lettres bleue de Séoul

19 juin

je ne sais pas si j'ai réussi à être intéressante ou drôle avec ce chapitre. je sais juste que j'ai beaucoup aimé l'écrire. alors j'espère qu'il rend bien et qu'il vous a plu.

on se retrouve bientôt pour la suite :)