Chapitre 1 : Une voix dans ma tête

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Je ramenais les manches de mon pull sur mes mains, sans cesser de les triturer. Ambre passait la porte du restaurant à son aise, tandis que je gardais les yeux fixés dans son dos. Ses amis plaisantaient allègrement, alors que mon regard analysait rapidement la salle. Peu de clients, une atmosphère chaleureuse, l'odeur alléchante des frites : un endroit calme et serein. Pourtant, je demeurais inquiète.

Ambre m'encouragea d'un sourire et me désigna une chaise. Elle s'installa à la place voisine, tout en bavardant avec le jeune homme à sa gauche. Je me plongeais dans la carte, cachant mon visage du reste du groupe. Ambre était nouvelle à la fac, et m'avait prise sous son aile en m'apercevant recluse dans mon coin. Elle s'était intégrée à une vitesse folle, tout l'opposé de mon cas.

Peut-être que ça irait mieux si tu parlais aux autres étudiants, fit une voix sarcastique dans ma tête.

Je fermais les yeux en ignorant la remarque, pour prêter une oreille à la conversation. Mes lèvres s'étiraient faiblement quand on me regardait, histoire de faire un minimum bonne figure. J'avais accepté l'invitation d'Ambre, consistant simplement à manger avec notre groupe de travail. Nous avions un projet commun à réaliser, et même si ma licence d'arts me passionnait, le travail individuel restait mon domaine de prédilection.

Tel l'ermite dans sa grotte, soupira la voix.

Je retins ma respiration, refusant de répondre devant les autres. Ils me trouvaient déjà assez étrange.

– Qu'est-ce que tu commandes ? me questionna Ambre.

Je lui désignais une salade sur la carte, agrémentée d'un sourire que j'espérais sympathique. Au vu de l'incompréhension dans son regard, ça avait dû ressembler à une grimace. Je conservais une certaine distance avec mes camarades de fac. Après ce qu'il s'était passé au lycée, je préférais rester en retrait.

On choisit nos plats, puis les conversations se poursuivirent avec entrain. Chacun avait un avis tranché sur les sujets, et tentait de l'imposer aux autres. En paraissant convaincue, on me laissa tranquille. Ma salade arriva, et le doux parfum de chèvre chaud me fit saliver.

Sérieux, le burger avait franchement l'air meilleur, grommela la voix.

Je réfrénais un petit sourire et commençais à déguster le fromage. Ça me donnait une véritable raison de ne pas participer au débat.

– On devrait partir sur le Louvre, asséna l'un des garçons.

– C'est tellement original ! ironisa une autre.

Le musée Grévin, ça serait drôle au moins ! intervint la voix.

Je me mordis l'intérieur de la joue, furieuse qu'elle ne cesse de commenter la conversation.

– Tu en penses quoi, Cassiopée ? me questionna Ambre. Quel musée pourrait convenir ?

Sa tentative de m'intégrer dans la discussion était adorable, mais je me contentais de hausser les épaules. Ma respiration se figea à l'instant où les regards se braquèrent sur moi, attendant que je leur fournisse un véritable avis. Les poings serrés sous la table, je détestais cette situation.

– Ce que vous voulez, ça me conviendra.

Les dix paires d'yeux se désintéressèrent, et chacun repartit de son opinion. Je lâchais un soupir, alors qu'Ambre me lançait un reproche discret.

– Fais un effort, grinça-t-elle en me lançant un regard exaspéré.

Je n'eus pas le temps de répondre, car la voix dans ma tête m'interrompit.

Celui-là, il a la gueule de bois du dimanche matin. Qui doit être violente, vu qu'on est mardi soir, ricana-t-elle.

Perplexe, je tournais la tête, avant de distinguer un homme tituber. Arborant un long manteau et un bonnet mal tricoté sur la tête, il se dirigeait à pas lourds vers une table. Je sentais d'ici qu'il ne s'était pas lavé depuis un moment, en plus d'un fort relent d'alcool. Pas question que je me mêle des affaires des autres.

Double JeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant