Chapitre 17 : Jusqu'ici, tout va [à peu près] bien

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Les yeux braqués au plafond, je n'arrivais pas à me relaxer. Impossible de retrouver le sommeil, du moins, pas plus d'une dizaine de minutes. Cédant à mon insomnie, je me redressais dans mon lit, le bois couinant sous mon poids. J'enfilais rapidement mes chaussures, espérant qu'un peu d'air frais me rassérénerait.

Depuis l'événement du sanctuaire, Kida ne cessait de m'inquiéter. L'état de sa compagne était stable – si l'absence de réponse consciente pouvait être considéré comme tel – mais celui de la cheffe dépérissait. Plus les jours passaient et plus elle semblait entrer dans un tourbillon de folie lugubre.

Les Anciens mages avaient pris le relais de quelques responsabilités, considérant que la maladie de sa compagne justifiait son comportement déroutant. Je savais qu'il en était tout autre, et que Kida n'avait pas abandonné son idée de rituel.

Plusieurs fois, elle était revenue à la charge pour que je l'aide. Et plusieurs fois, j'avais dû refuser et m'empêcher de céder à la compassion. Je n'étais que trop consciente des risques engendrés par un tel processus impliquant la manipulation du Chemin.

De plus, je me sentais bizarre depuis notre escapade. Mon corps n'était pas invincible comme celui de Kida ou sa compagne, mais je semblais plus sensible aux autres mages. Comme si ma magie de l'âme avait augmenté. C'était possible, car en tant que gardienne avec des contacts fréquents au sanctuaire, nos pouvoirs étaient titillés sans cesse. C'était notre devoir et le Chemin ne choisissait aussi que des mages d'une certaine puissance.

Cette décision m'interrogeait : un autre gardien de l'âme n'aurait pas cédé à la demande de Kida. Alors étais-je réellement le bon choix ? Je n'avais même pas encore connaissance de mon élément avant d'être désignée ! Et si les Anciens mages et le Chemin s'étaient trompés ?

Bras coincés sous mes aisselles, l'air froid me réveilla plus qu'il ne me rassura. Un étrange pressentiment tenaillait mon estomac. La lune brillait clairement dans le ciel sans nuage, éclairant le village d'une douce lumière. Mes pas me menèrent d'eux-mêmes à la maison de Kida. La porte était entrouverte. Étrange, la cheffe prenait garde à ce que sa compagne ne prenne pas froid.

Poussée par mon intuition, j'ouvris le battant, écoutant attentivement le moindre bruit. Une respiration sifflante provenait de l'étage, là où sommeillait la compagne de Kida. L'inquiétude que j'éprouvais pour la cheffe me mena jusqu'à elle, car je doutais sérieusement qu'elle dorme. Elle était aussi cernée que moi.

Je ne distinguais qu'une présence dans la chambre et après avoir entrebâillé la porte, n'aperçus que la compagne de Kida. Où était cette dernière ? Songeant qu'elle avait peut-être eu la même idée que moi, je quittais la maison et parcourus le village à sa recherche.

Mon mauvais pressentiment ne cessait de grandir, et j'envisageais un instant d'appeler les autres gardiens à l'aide. Seulement, ça impliquerait de raconter mes agissements et ceux de Kida, ce qui vaudrait à une exclusion pure et simple du village. Et je n'étais clairement pas prête à vivre ça.

Alors je fouillais les environs, appelant la cheffe de temps en temps, espérant qu'elle surgirait d'un buisson. Des murmures, provenant de la forêt alentour, attirèrent mon attention. Je découvris sur le sol des traces de pas, illustrées par des brindilles cassées et des branches grossièrement écartées. Un groupe, d'une taille assez conséquente, était passé par là.

Tout le village dormait, quelque chose clochait. Je suivis mon instinct, avant de distinguer des voix graves derrière moi. De loin, j'entraperçus des hommes se déplacer vers le village, à l'opposé. Je ne reconnus personne, mais les torches me sautèrent clairement aux yeux. Des mages de feu ? Je rattrapais les étrangers, avant d'entendre une voix familière.

Double JeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant