Chapitre 15 : Dans les bras du prince Charmant

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Attache le dessous, voilà ! régla Shiro en clipsant la sangle autour de mon abdomen.

Il soupesa mon sac, vérifiant que tout était fermé, avant de dresser un pouce en l'air. Je le remerciais d'un regard, un peu hagarde. Au-dessus de son épaule, je distinguais une seconde le regard perçant de Darius. Il n'accrocha pas le mien, bien au contraire.

Les autres gardiens étaient persuadés qu'on s'était disputés, comme usuellement après chaque entraînement. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de penser à ce qui avait failli se produire. Je frôlais mes lèvres du bout des doigts, consciente que ça ne s'était joué qu'à quelques secondes.

Nyeleti a parlé de deux jours de marche, tu devrais tenir ! m'encouragea Lyra.

En théorie, lui rappelai-je. Sans compter la centaine de pauses en plus que ça va requérir.

Ne pars pas si défaitiste, je suis sûr que tu vas te découvrir un corps d'athlète surprise, me rassura Tobias. Enfin, peut-être pas tant que ça.

Sa blague m'exaspéra gentiment, et je me promis de lui balancer de la neige dans la tronche dès que possible. Shiro, assez expert en matériel de randonnée après plusieurs excursions, s'occupait de mettre nos sacs en place. Parée, Nyeleti se rapprocha de moi. Son regard balaya Darius, puis mon propre visage tourné vers le gardien du vent.

Arrête de le toiser ainsi, c'est super suspect.

J'avais envie de lui répliquer que c'était elle qui me taquinait régulièrement. Mais elle le faisait pour plaisanter et la réalité m'avait rattrapée. L'interdiction de relations entre gardiens avait mis un violent frein à tous mes sentiments naissants.

J'essayais de me raisonner, me rappeler que si ça avait donné quelque chose, probablement ça n'aurait pas été bon. Probablement qu'on se serait disputé tout le temps, qu'on aurait fini plus blessés qu'autre chose. Vaines tentatives qui ne pouvaient convaincre mon cœur meurtri. Merde, il ne s'était même pas passé quelque chose ! Pourquoi avais-je la poitrine si serrée, alors ?

Darius n'avait esquissé aucune avance, m'esquivant au maximum. Regrettait-il de m'avoir déclaré toutes ces choses ? M'étais-je faite des idées ? Après tout, ce n'était que dans mon imagination qu'un futur autre que la réalité s'était formé.

Il s'est passé quelque chose avec Darius ? soupçonna Nyeleti.

Et à raison. Même sans que ça n'ait abouti, elle sentait finement les choses. Je lui adressais un sourire contrit.

On s'est pris le chou, comme d'habitude, répondis-je.

Elle resta sceptique.

Ce n'est pas le moment d'altérer votre relation, on a besoin de se serrer les coudes.

J'acquiesçais vivement.

Ça se tassera.

Et on finira par oublier cet épisode, comme toujours. En avais-je vraiment envie ? Peu importe mes états d'âme, nous devions débuter le périple. Les gardiens avaient effectivement arrangé le temps, soit ; moins de froid, moins de vent, mais un brouillard épais tapissant la montagne. Comme nous ne nous dirigions pas selon notre vision, mais par un « GPS interne » – le même qui reliait les gardiens entre eux – le brouillard n'était pas trop dérangeant.

On avait une idée globale de la localisation du sanctuaire, sauf que la précision devenait ma tâche. Cette nuit, aucun souvenir. Il n'y avait plus qu'à espérer que la mémoire de Lyra revienne au fur et à mesure de la montée. J'avais beau détenir une idée du chemin pour aller au sanctuaire, des siècles s'étaient déroulés depuis et des indices supplémentaires m'étaient nécessaires.

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