Chapitre 12 - Elly

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Elly - Mars 2025

Je déglutis difficilement. Ma gorge se serre après avoir débité autant de mots d’un seul coup. Je ne sais pas comment j’ai réussi à leur avoué tout ça et d’une traite. Ma bouche est pâteuse, j’ai les lèvres asséchées. J’ai l’impression que je ne peux plus prononcer une seule parole. Je suis complètement vidée. Je me sens honteuse et je n’ose pas regarder les deux personnes qui me font face. Depuis que je leur ai raconté la vérité, pas un seul d’eux n’a pris la parole. Lily est assise à côté de moi, je vois son pied tressauter. Mes aveux ont l’air de l’avoir stressé. Maximilien reste debout, face à nous, en silence. Son corps ne bouge pas d’un millimètre, son souffle s’est coupé, comme si il avait arrêté de respirer. Leurs réactions m'angoissent. Une vague de panique commence à m’envahir. J'avais besoin de livrer mon cauchemar à quelqu’un, mais j’ai peut-être choisi les mauvaises personnes. J’ai encore fait le mauvais choix. Encore. 

- Dites quelque chose, s’il vous plaît…

Ma voix pleine de sanglots déchire le silence qui s’était installé dans la pièce. Mon cœur cogne contre ma poitrine. Il est en train de se briser en un million de morceaux. Tout mon être me fait mal. Des bleus commencent à apparaître sur mes bras. Ils me picorent la peau. Ils me blessent un peu plus en laissant de nouvelles marques sur mon corps. Des marques qui ne réussiront jamais vraiment à disparaître. Je les vois, elles s’entendent partout sur moi. Elles gagnent du terrain comme si ma peau leur appartenait. Je voudrais les frotter aussi fort que possible pour qu’elles disparaissent, elles, et les souvenirs qu'elles provoquent. Je n’ose pas imaginer l’état du reste de mon corps. Des flashs de la veille se bousculent dans ma tête. Jacky sur moi, ses doigts plantés dans ma chaire. Ses deux sbires qui me frappent sans répit. Eux, qui me laissent inconsciente sur le sol lugubre et plein de sang de mon appartement. Tous mes muscles se contractent à ses souvenirs. J’ai peur que ça recommence. Je ne veux pas retourner là-bas.

Lilianna se racle la gorge. Elle pose sa main dans mon dos, et reprend le geste qu’elle avait cessé de faire suite à mes aveux. Elle me caresse doucement pour soulager ma peine. Mais ça ne suffit pas. Son contact provoque une décharge de douleur dans ma colonne vertébrale. Max ne bouge toujours pas, j’ai peur qu’il s’étouffe à force de ne pas reprendre son souffle. Je réussis enfin à lever les yeux vers lui. Ses yeux sombres m'électrisent. Je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête, mais son masque de grand dur vient de tomber. Et lui avec. Il ne détache pas son regard de moi. Il m'emprisonne dans ses yeux. Il ne voit plus que moi. Le grand brun s’écroule sur le sol. Et on reste là à se regarder, les yeux dans les yeux. Nos âmes se rencontrent. Elles s’entrechoquent et s'apprivoisent. On ne dit rien. Il n’y a pas besoin de mots. Son âme soutient la mienne. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. Et soudain, je me souviens, je me souviens avoir vu un lui un ange gardien. La drogue à des effets néfastes sur les connexions cognitives. Mon cerveau disjoncte et au lieu de mépriser Max comme avant, il lui donne une figure réconfortante et apaisante. Comme si il allait vouloir me sauver de tout ce merdier… Il me déteste et moi aussi. 

Il y a un bordel sans nom dans ma tête. Tout se mélange. Mes souvenirs et mes traumatismes se combattent. Ils veulent tous m’exploser à la tête en même temps. Je perds pied. Les flammes de l’incendie de décembre essayent de m'engloutir, le rire de Jacky me perce les tympans, les deux acolytes de mon dealer continuent de me frapper. Mes poumons n’arrivent plus à respirer. Je suis en train d’étouffer. Je suffoque. Ma vue se brouille, je ne sais plus où je suis. J’ai mal, je pleure. Je n’en peux plus. Je veux de la cocaïne, de l'ecstasy ou n'importe quoi pour me soulager. Même un joint fera l’affaire, mais j’en ai besoin. Tout mon corps se met à trembler. Ma crise de manque s'affronte contre une crise de panique. Je ne sais pas laquelle des deux est en train de gagner la partie, mais je ne me suis jamais senti aussi mal.

Nos cœurs sous la cendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant