Maximilien - avril 2012
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Tous les jours, c'est la même question qui tourne en boucle dans ma tête. Comment ma mère a-t-elle pu en arriver là ? Elle était si belle, si forte, si indépendante. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'une toxicomane qui laisse tomber sa famille. Elle nous abandonne petit à petit au profit de la cocaïne. Prendre conscience de ça, ça fait un mal de chien. On est devenu moins important qu'un peu de poudre blanche.
Mon casque de musique vissé sur les oreilles, je repense à mes meilleurs souvenirs de jeunesse. Jusqu'à mes huit ans, j'étais le plus heureux des gamins. Ma mère me comblait de bonheur. J'étais fou d'elle. Autant qu'on peut l'être de sa mère à cet âge-là. Mais tout ça, c'était avant. Avant que Richard ne débarque et gâche tout. Il a été comme un virus. Il est arrivé d'un coup et à tout décimé sur son passage. Le choc a été dur, brutal, meurtrier.
Ma mère travaillait dans une grande concession automobile. Elle était bien placée et elle gagnait suffisamment pour subvenir à nos besoins à tous les deux. On était que nous, mais tout allait bien. Et puis il est arrivé.
Le plus gros dommage collatéral de cette histoire d'amour toxique entre Richard et ma mère ? C'est la naissance de ma petite sœur, Lilianna. Elle est venue au monde sans que personne ne soit prêt pour ça. Elle a chamboulé nos vies. Pour le meilleur et pour le pire. Ses parents n'étaient pas capables de s'occuper d'un bébé. Deux toxicomanes ignares de la vie, alors imaginez les avec un nourrisson. J'ai dû prendre le rôle de père de substitution. J'élève ma petite sœur à leur place. Je fais de mon mieux.
C'est comme ça que notre lien si particulier s'est tissé. Je donnerai ma vie pour la sienne. Le destin s'est acharné sur Lilianna avant même qu'elle ne soit née. Durant sa grossesse, ma mère n'a pas cessé de se droguer. Elle était stone la plupart du temps. "Maximilien arrête de t'inquiéter, je fais ça pour soulager mes douleurs de grossesse. J'ai l'impression d'être une baleine. Ça me détend. Dis-lui Richard, ça ne représente aucun danger pour le bébé." C'est ce qu'elle me répétait quotidiennement. Heureusement, ma sœur n'a eu aucune séquelle de cette inconscience.
C'est mon petit rayon de soleil, elle me donne le sourire tous les jours. C'est grâce à elle et pour elle que je tiens bon. Une fois que j'aurai obtenu mon bac, on s'en ira de cet enfer. Elle et moi contre le reste du monde. Si on est ensemble et en sécurité, tout ira bien, je le sais.
Je me suis fait une raison, je ne peux plus rien pour ma mère. J'ai essayé de l'arracher aux griffes de mon beau-père, ça n'a pas fonctionné. Il a une telle emprise sur elle que je ne fais pas le poids. Ça me crève le cœur. Je veux nous sauver, ma sœur et moi. Laisser les responsables de cette vie misérable couler sans nous. J'aurais aimé protéger ma mère, lui donner la force nécessaire pour partir et éloigner ce sale type de notre maison. Mais, comme elle me le dit toujours, je ne suis jamais tombé amoureux, je ne peux pas comprendre. Crois-moi maman, quand je vois ce que ça t'a fait, je ne veux pas tomber amoureux. Il y a quelques années, je lui ai donc fait une promesse : je ne tomberais jamais pour quelqu'un.
Qui que ce soit.
Il est 17h35, je viens de descendre du bus scolaire. La boule que j'ai dans le ventre ne cesse de grandir. Je traîne des pieds pour rentrer chez moi. Je n'ai aucune envie d'être là-bas, mais pour Lily, je n'ai pas le choix. Je prie pour que ma mère l'ait encore oublié à l'école. Je me sens mieux quand je sais que ma petite sœur n'est pas seule avec eux. Sa maîtresse est malheureusement habituée. Elle m'attend quotidiennement au portail de l'école avec Lilianna à ses côtés. Elle ne pose jamais de questions, elle n'essaye pas de nous venir en aide. Pourtant, elle sait tout. Personne ne viendra nous sauver.
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Nos cœurs sous la cendre
Roman d'amourJeune sapeur-pompier, Maximilien est un homme qui a été blessé par la vie. La carapace qu'il s'est forgée est désormais infranchissable. Ce qu'il hait le plus ? Les junkies qu'il croise bien trop souvent dans son quotidien de héros. Les femmes ne fo...