Nos cœurs sous la cendre

Chapitre 2 - Elly

Janvier 2025

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Je ne sais plus trop comment j'ai atterri ici. Une fois de plus, je me suis laissée porter par mon besoin incontrôlable de noyer mon esprit sous les effluves de drogue. C'en est devenu vital pour oublier mes journées, mon quotidienne et ma vie tout entière.

Je regarde autour de moi, tout est flou. J'ai la sensation que mon corps flotte dans la pièce qu'on occupe avec mes potes de défonce. Je viens de prendre un truc bien chargé. De l'ecstasy peut-être ? Je ne sais plus. Mon corps n'arrive pas à réagir et à se déplacer normalement. Je suis anesthésiée. J'ai l'impression d'entendre quelqu'un hurler, mais je ne suis plus sûr de rien à ce moment-là. Une épaisse fumée noire vient m'envelopper. Elle se répand autour de moi. Encore un débile qui a certainement voulu faire joujou avec un fumigène. Ce genre de chose m'inquiète rapidement quand je suis complètement stone.

La fumée me prend à la gorge. L'angoisse se fraie un chemin dans mon corps et la bile commence à remonter dans ma bouche. Je ne vois plus rien. J'agonise. J'ai peur. Je suis terrorisée.

Qu'est-ce qu'ils ont foutu bordel ?

Je me réveille en sursaut. Mon t-shirt me colle à la peau. Je sens les gouttes de sueurs perler sur mon torse. Encore un cauchemar. Depuis la nuit de l'incendie, je ne dors pas tranquille. J'ai tellement eu peur ce soir-là que je n'ai presque pas touché un seul rail de coke depuis. Je dis bien "presque". On ne guérit pas d'une addiction en un claquement de doigts. En contrepartie, je continue de prendre de l'ecstasy ou du LSD. J'ai peur de ne plus être maître de moi-même si je suis sous l'emprise d'une quelconque drogue et que de nouvelles flammes décident de m'étouffer. Alors, je préfère rester à distance de toutes ces merdes. Je ne consomme plus que deux ou trois pilules le soir en rentrant du travail. Je sens que mon corps n'est pas d'accord avec ce nouveau rythme. Mes mains tremblent sans cesse, ma gorge est sèche et de la bile remonte souvent dans ma bouche. Mon corps est en plein sevrage. Je ne tiendrai pas ce rythme très longtemps.

Il y a des incidents dans la vie qui te remettent les idées en place. J'ai failli finir en merguez grillée, à deux doigts d'être brûlée vive. Peut-être qu'il serait tant pour moi de reprendre ma vie en main ? Je n'ai pas été béni par les dieux. Mon arrivée sur terre a très mal commencé. Dès ma naissance, j'ai été poursuivi par la malchance. Peut-être que l'on m'a jeté une malédiction ? Mais je peux peut-être contourner ce mauvais sort, et essayer de changer mon futur. Je veux changer mon destin !

Mon réveil sonne, il est 6h00. Le retour à la réalité est brutal, adieu les belles paroles et les jolies utopies. Dans une heure, je dois faire l'ouverture de la supérette dans laquelle je travaille. Je n'ai aucun diplôme, aucune source de revenus pour payer des potentielles études en plus d'un loyer parisien. C'est donc ça ma vie, j'essaye de me maintenir à flot avant de percuter un iceberg et de finir au fond de l'océan comme le Titanic. Je ne suis pas Rose. Personne ne viendra me sauver avec un petit radeau au milieu d'une eau glaciale. J'ai toujours navigué seule et je ferai naufrage seule, sans personne pour y changer quoi que ce soit.

J'essaye de bouger ma carcasse de mon lit. J'ai des courbatures partout, et le manque de sommeil n'arrange rien à mon humeur de chien. Je reste assise quelques instants au bord de mon matelas. Mon regard reste fixé sur le vide qui s'étale devant moi. Je suis l'heureuse locataire d'une ancienne chambre de bonne. C'est un palace d'à peine 9 mètre carré, dépourvu de ses propres sanitaires, et situé sous les combles d'un immeuble insalubre de Paris. Je suis une vraie chanceuse, j'ai un évier dans le coin ouest de mon appartement. Au moins, j'ai un toit au-dessus de la tête... Je suis littéralement sous les toits. Généralement, j'essaye de me rappeler d'où je viens, et je relativise. Mais il y a des journées comme celle-ci, où c'est beaucoup plus compliqué de rester positif. Je ne suis pas sous l'effet apaisant de la cocaïne pour m'aider à supporter ma condition. Ma vie de Parisienne est loin de faire rêver. Emily in Paris, va te faire foutre !