Chapitre 9

586 23 4
                                    

Sanemi s'était attendu à tout sauf à ça : le silence. Bien qu'il faisait la plupart des missions qu'on lui attribuait en solitaire et qu'il détestait travailler en équipe, simplement parce qu'il trouvait ses compagnons de voyages trop bavards et collants, ou trop nuls et devant être protégés par lui presque en permanence, - si bien qu'il se demandait s'il ne devait pas en laisser mourir un ou deux en missions pour ne pas les avoir sur le dos au retour - il fut surpris de ne rien voir de la sorte avec cette fille. Elle le suivait en silence, tenant serré dans ses mains le sabre du pourfendeur mort au village. Il avait jeté un regard derrière lui après une heure de marche, se demandant si elle ne l'avait pas laissé continuer seul le chemin pour crever quelque part sur la route, mais non ! Elle le suivait toujours, le regard plus vide que jamais dirigé vers le sol.

La pluie s'était calmée et le vent s'était levé. Il savait qu'il serait préférable pour eux de passer la nuit quelque part, à une maison de glycine, ne serait-ce que pour ne pas avoir à la transporter sur son dos plus tard si elle venait à s'épuiser de fatigue.

Ils firent un petit détour vers la maison de glycine la plus proche, calculant sur le chemin le temps qu'il leur faudrait pour arriver à sa résidence une fois l'aube présente. Ils n'en auraient pas pour bien longtemps, environ une dizaine d'heures de marche. Pour lui, c'était la routine. Qu'en était-il pour elle dont il ne connaissait rien et à qui il n'avait échangé que quelques mots froids et durs comme il savait si bien le faire.

«Au moins, les autres ne pourront pas me reprocher de n'avoir rien fait.» pensait-il.

La dernière fois qu'il n'avait rien fait, il s'était retrouvé avec Kanae sur le dos pendant plusieurs jours, voire semaines s'il se souvenait bien, et Tengen lui lançait de temps à autres des regards remplie de dégoûts. Il s'était bien retenue de commenter lorsque le pilier de la roche lui avait fait une remarque et avait pour la première fois remercié intérieurement Tomioka pour son attitude de poisson mort qui ne commentait jamais rien.

Le portail commençait à se dessiner un peu plus loin au bout de la route, affichant une fleur de glycine sur le portail. Son corbeau, qu'il n'arrivait pas à percevoir dans la nuit, lui indiquait de toute façon le chemin à suivre, bien qu'il n'en restait plus pour beaucoup à parcourir, et la lumière des lanternes à l'entrée se démarquait dans la nuit.

Comme d'habitude, on les accueillait avec tellement de courtoisie que ça en devenait gênant aux premières salutations effectuées.

-Bonsoir à vous, maîtres pourfendeurs, les saluait la vieille dame.

-Bonsoir, se contentait de dire Sanemi, l'air sombre.

-Suivez-moi, vous serez mes hôtes pour la nuit.

Elle les guidait jusqu'à l'intérieur, leur présentant une chambre avec des habits propres pour la nuit. Il lâchait un grognement, sachant très bien qu'ils allaient devoir la partager à deux pour la nuit. Il la laissait se changer en premier, attendant en silence dans le couloir, fixant un point dans le vide. Quand elle avait ouvert la porte, il la retrouvait sur le cadre, tenant dans ses mains ses vêtements sales et le katana.

«Elle aurait pu le laisser près de sa couchette.» pensait-il.

-Savez-vous ce que je dois en faire ? avait-elle demandé.

Sa voix lui paraissait encore plus éteinte et sans vie qu'il ne le pensait à la base, comme si elle venait de perdre toute sa famille, voire tout ce qu'elle possédait. Cette remarque le ramenait plusieurs années en arrière : même après avoir tout perdu, il ne s'était même pas laissé abattre. Il n'avait jamais paru aussi abattu qu'elle, se disant qu'elle exagérait.

Le Souffle de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant