Remember me

45.

Andrew

Je ne la quitte pas des yeux, je pense qu'elle s'attendait à ce que je m'éclipse mais il était hors de question que je loupe ses réponses offertes sur un plateau d'argent.
En plus, ce n'est pas avec la dedicace qu'elle m'a fait que je risquais de prendre les voiles.

« A Andrew, l'unique Sully, le vrai, pour toujours... Rom »

Simple, mais avec tant de sous entendus, elle dit tellement de chose avec si peu de mots... oui pour toujours Rom, et je vais te le prouver!
Je lève la main alors qu'elle me fixe, je la vois déglutir, espérer que le micro ne vienne pas jusqu'à moi. Loupé jolie brune, tu ne pourras pas te défiler!

- Bonjour...

- Bonjour...

Elle soupire, je ne me suis pas présenté, je ne suis pas inconscient non plus, toutes ces folles furieuses me seraient tombées dessus!

- J'ai beaucoup aimé ce roman, je l'ai lu deux fois. La première fois, on aurait pu croire que Sully était un véritable connard...

Elle sourit en haussant un sourcil alors qu'Elena se marre à côté d'elle, imitée par le reste de la foule.

- vous me demandez si Sully est vraiment un connard ?

Touché....

- Non, Je vous l'ai dit Je l'ai relu, et j'ai bien compris que c'est juste un pauvre gars aveugle, incapable d'ouvrir les yeux.

Elena rit de plus bel en disant entre deux rires.

- il est fort, très fort, faut le reconnaître!

Romy la fusille du regard, se retenant de sourire.

- Et donc, quelle est la question?

- J'y viens, je l'ai relu mais il y a quelque chose que je ne comprends pas, deux choses à vrai dire. La première est la chronologie, le livre est sorti la semaine dernière, si on met le temps d'écriture, de relecture et de publication, vu que nous sommes début juillet et que votre dernier chapitre se déroule en juin... votre éditrice est magicienne?

Elena ne se retient plus de rire, alors que Rom reste stoïque, son regard me défie. Je mets le doigt sur le secret de son livre, la dernière partie ne s'est pas déroulée, du moins pas encore. Elle l'a écrite comme elle espérait qu'elle se termine. Elle finit par lâcher imperturbable

- C'est la meilleure... les 3/4 du manuscrit était en impression attendant que je le termine, une fois fait, ça a été rapide en effet.

Joli mensonge, tu t'en sors bien, une vraie professionnelle! Elle ajoute, sans se démonter pour clôturer le sujet.

- Et la deuxième chose?

- Ah oui! Pourquoi est ce que vous présentez ça comme une faiblesse d'aller vers Sully si c'est ce dont Rom a envie? Ce n'est pas une faiblesse, au contraire, c'est une chance de pouvoir faire ce que l'on souhaite avec qui on le souhaite non?

Je crois lire un « Je te déteste » au fond de ses prunelles. Elle s'éclaircit la voix. J'affiche un large sourire de satisfaction.

- Parce que , contrairement à Rom, ça a toujours été plus facile pour lui, il n'avait qu'à demander pour obtenir. Elle a toujours fait ce qu'il voulait .

- C'est votre interprétation, vous lui avez demandé si c'était si facile pour lui? Je ne suis pas certain que tout plaquer pour partir à l'autre bout du pays dans l'espoir d'oublier celle qu'il ne pensait jamais avoir, était facile. Ni même la savoir fiancée à un autre. Il n'a pas eu tout ce qu'il voulait, puisque la seule chose qu'il voulait c'était elle...

Elle déglutit alors que du brouahah se fait entendre dans l'assemblée. J'entends des «  mais c'est qui lui? » ou encore des « il a compris tout ça dans ce roman?! ».
Il faut que je m'arrête où ils vont finir par capter qui je suis...

- et encore une fois il a fini par l'avoir...

- ou est le mal si c'est qu'ils veulent tous les deux? Elle ne le fait pas à contre coeur, si?

- Pardon?!

J'ai touché où ça fait mal, je vois dans son regard que je l'ai vexée en remettant en doute ses sentiments, je devrais arrêter ou je vais réellement finir par la perdre à ce jeu là. J'ajoute rapidement.

- Sans remettre en doute les sentiments de Rom, je pense que personne ici ne pourrait se permettre d'en douter.

Elle soupire, le silence se fait.  Je la supplie du regard. Réponds moi Rom!

- Je l'ai déjà dit, l'amour est fragile face à la peur. Rom aura toujours ce sentiment de donner plus qu'elle ne recevra jamais, elle aura toujours peur d'être brisée.

Je déglutis, ses mots de l'autre nuit me reviennent comme un boomerang « parce que  je t'aimerai toujours plus que tu ne m'aimeras jamais! »
Je soupire à mon tour, la fixant avec tristesse. Triste qu'elle pense réellement ça... je reprends tout bas, sans la quitter des yeux.

- Mais elle l'a quand même choisi à la fin du livre...

Le silence se fait, on reste en suspens à se fixer. Elle ne sait quoi répondre à ça sans dévoiler que la fin n'est pas autobiographique est tiré de son imagination. Sentant un malaise le gérant du centre commercial intervient, mettant fin à notre échange. Les autres participants n'ont pas d'autres questions, la séance est donc terminée. Rom se leve et disparaît rapidement de mon champ de vision. Trop de gens nous séparent je ne réussis pas à rejoindre le devant de la foule à temps. Mais je sais que ce n'est que partie remise, notre échange est inachevé. Je sais que ce qu'elle n'a osé me répondre pour ne pas se trahir aux yeux de tous, est « l'espoir ».
Malgré ses réticences, sa virulence et son chagrin, elle a gardé l'espoir d'un « nous » et je me raccroche à ça, nourrissant mon propre espoir de la retrouver. Je quitte le centre commercial, l'esprit ailleurs, resté près de ma belle, là où il est le mieux.