CHAPITRE XVII : LA FILLE DE LA VEUVE

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Marcus reprit conscience, il savait qu’il était de retour mais sa gorge brulait. Tout son corps faisait mal. En respirant il faisait un grand effort pour y arriver. Combien de temps était-il resté ainsi ? il n’en savait rien. Ouvrir les yeux fut un autre défi alors il abandonna de lutter. Allongé nulle part, il ressentait la brise caresser son visage. Les rayons solaires grattant parfois son visage qu’il se força à se retourner. Il resta là, quelques minutes, puis une dizaine des minutes. Se demandant s’il était réellement en vie. S’il n’était pas déjà dans l’au-delà. La vision qu’il avait de l’au-delà était différente. Tout le monde retrouverait sa meilleure apparence et sa santé pour l’éternité. Les Eldeens ne croyaient en rien sauf à la famille. Aux défunts qui allaient dans un endroit meilleur. Mais jamais à un être suprême qui gratifie les bons et punis les méchants. Il rigola en son fort intérieur quand en bougeant son bras il senti la terre. La caressa. Confirma qu’il n’était pas mort.
Des pas se rapprochèrent et Marcus se rappela de la dernière image qu’il avait perçue du monde. Lui, éjecté du navire de la veuve par un grand souffle de vent puis retombant dans la mer. C’est cette horrible femme qui l’avait envoyé dans les profondeurs de la mer. Que faisait-il sur le sol ? il remit ses inquiétudes a plus tard. Essayant de se retourner, il n’aperçut que la pointe des chaussures de la personne qui venait vers lui. Des sandales en cuir et des ongles teints en noirs. Cela ne rassura que très peu Marcus. Les pieds s’arrêtèrent à un mètre de lui. Comme si la personne prenait une pause avant de s’adresser à Marcus
-Vous êtes enfin réveillé. Nous n’y croyions plus. Lança la voix, douce et pâteuse à la fois.
Cela rassura Marcus que son interlocuteur soit une femme. Du moins, mais laquelle ?
-Humm ! fut à peine Marcus. Il eut mal à la joue et y dirigeant péniblement la main remarqua que cette dernière était enflée. Il respira. Rassembla toutes ses forces et essaya de se mettre debout. A peine fut-il qu’il manqua de tomber mais la fille, prévoyante, se précipita pour le soutenir. Elle passa ses mains autour du buste de Marcus. Ce contact, si unique lui fut oublier tout doute qu’il eut douté d’elle. Elle sentait l’amande et des longs cheveux tombant dans son dos en cascade. Marcus resta ainsi avant de se reprendre en main. Il posa ses mains sur sa tête
-Combien de temps suis-je resté ainsi ? ou sommes ? et ou sont les autres ?
La jeune femme ne dit rien et se releva. Dans sa main elle tenait un petit sac rempli d’herbes et un petit bol en bois. Elle l’étala près de Marcus et se mit en tailleur. Elle plaça les herbées dans le bol et commença à les écraser grâce à un petit Pillon qui tenait à peine dans ses doigts
-Tu as été inconscients deux jours durant. Je t’avais repêché près de la rive. Tu baignais dans le sable a moitié mort. C’est vrai que la chute t’aurait tué mais bon voilà.
Elle ne détourna pas les yeux de sa tâche. Marcus resta calme pendant un moment. La fatigue pesait sur lui et il se rallongea de nouveau.
-Etes-vous une autochtone de l’ile ? Demanda Marcus en plissant légèrement son œil gauche. Chaque mot qu’il prononçait faisait très mal à sa joue enflée
Pour y répondre elle secoua la tête et se tourna enfin vers Marcus qui la découvrit d’un œil.
Elle avait un teint mêlant le malaise au noire. Des lèvres pulpeuses avec des pommettes douces. Quand elle se pencha vers Marcus, il ne s’empêcha point de découvrir la voluptuosité de sa poitrine cachée derrière une tunique. Elle portait un collier fait des perles et des coquillages ainsi que les bracelets dont étaient couverts ses manches. Un mystère pour Marcus. Elle appliqua le mélange d’herbes sur sa joue sanguinolentes et la pressa fort. Ce qui arracha un caprice à Marcus. Cette douleur là s’apaisa aussitôt et il lui fut reconnaissant. Maintenant buvez le reste. Elle continuait à presser le mélange dans sa main et la posa sur les lèvres de Marcus. Il secoua la tête mais la fille posa sa main sur son nez avec brutalité et pressa les narines. Marcus failli s’étouffer et compris très vite que même dans sa meilleure forme il n’aurait pu se dégager de son emprise. Il ouvrit la bouche et avala les quelques gouttes issues de la main de la fille. Il grimaça tellement c’était amer. Ce qui fut sourire la jeune femme dont il ignorait le nom. Elle se dégagea enfin et remballa ses affaires en silence. Marcus senti comme si tout son corps était parcouru par un liquide froid et réparateur et en a peine quelques battements des cils il se senti remis
-me…merci beaucoup
Elle lui fut son plus grand sourire et se releva
-Si tu te sens mieux, on peut aller voir tes camarades, je suis sûr qu’ils s’inquiéteront moins.
Camarades ? Les gens de l’équipage de Barhak ? étaient-ils en vie ? et que c’était-il passé ? Marcus avait été dans les brouillards durant deux jours et le souvenir dont il se souvenait ne l’aidait point
-Je…je ne peux pas encore marcher comme avant. Votre traitement fonctionne certes mais j’aurai encore besoin d’un peu de repos.
Elle se releva et marcha vers la plage que Marcus apercevait désormais de loin. Elle avait pourtant l’’air au premier abord désert. Ni un oiseau, ni personne. La fille se retourna enfin comprenant son doute intérieur
-Je vais leur dire que vous avez repris des forces. Ils viendront te voir.
-Je…je t’en remercie…euh, comment vous appelez vous ?
- Peri !
Elle disparut après en direction de la plage.
Marcus se réhabitua à son corps. Il soulevait son bras pour le surprendre dans les airs et tester sa résistance. Il resta là. Quelques minutes encore puis des pas se rapprochèrent de lui. Il n’était pas angoissé cette fois puisqu’il savait qui allait venir. Le capitaine Barhak et les autres ? il avait hâte de les écouter. D’écouter le périple qui avait suivi son naufrage et comment la marine et le bâtiment de la veuve les avais lâchés. Surpris, il tourna la tête vers eux et ne vit que deux silhouettes dont il reconnut l’une d’entre elles. C’était Barbon. Il avait une allure fière. Un sabre attaché a sa hanche. Il sourit à Marcus et Marcus fut pareil. Il senti son cœur se réchauffait. Derrière Barbon, une jeune femme marchait tout aussi sereine. Marcus ne le reconnu pas de premier abord mais avait une ressemblance troublante avec le second Narhak. Même son accoutrement était semblable. A la différence de sa poitrine qui était plus grande. Sans la moustache et ses cheveux laissés libres au vent. Ils décelèrent la confusion dans les yeux de Marcus. Barbon se rapprocha et tapa énergiquement l’épaule de Marcus. Il grimaça. Il avait encore mal mais souri quand même
-Tu te sens mieux ? fut Barbon en s’assaillant près de lui
-Mieux qu’à mon réveil. Merci et vous ?
Il hocha la tête pour les deux et Marcus se tourna vers Narhak. Visiblement il avait compris que la vérité n’allait pas tarder à arriver. Il n’était pas près de l’entendre mais visiblement c’était inévitable
-Marcus, fut la voix de Narhak, c’est moi. Le second Narhak. Je suis sûr que tu l’as déjà remarqué mais bon. Je tenais à le dire moi-même.
Elle remonta ses mains et tourna doucement sur elle-même. Honteuse presque mais gardait la tête haute. Marcus resta bouche-bée. Il s’en doutait à un moment mais la chance était infime. Il ne dit rien mais Barbon le secoua pour qu’il redescende sur terre
-Ecoute petit. Si elle s’était déguisée en garçon tout ce temps c’était dans le seul et unique but de se proteger. Tu connais les ponts des bâtiments chez les pirates. Tu sais de quoi peuvent être capables ces gens s’ils découvraient une femme a bord. Il marqua une pause avant de poursuivre, Nous venons d’une même land son père et moi et la raison qui le poussa à quitter son village paisible était la forte présence des pirates qui volaient et pillaient régulièrement ces territoires aux yeux impuissants de la marine. Narhak avait même perdu sa mère.
Marcus toussa. Il doutait même que ce soit son véritablement prénom. Face à quoi Barbon eut un rire et Narhak aussi
-Je m’appelle en fait Eve. Je te dois des explications c’est vrai mais il y a plus important. Je tenais d’abord que tu saches ce que je suis.
Marcus se dit au fond de lui que les deux s’en seraient bien passé de lui dire quoi que ce soit. S’ils n’avaient pas besoin de lui ils l’auraient laissé pour mort. Pourquoi sont-ils toujours là ?
-Plus important ? que voulez-vous dire par là ?
Eve se sentit enjouée que Marcus n’eut pas été trop attardé sur ce qu’elle était. Elle sourit presque et posa ses deux mains sur ses cuisses avec les deux jambes pliées
-Je vais laisser ça a mon oncle pour qu’il te raconte en détail ce qui s’était passé.
Barbon fut une mine lasse. Il n’aimait pas les longs récits et bailla. Marcus resta calme et vit Peri qui se joignait à eux sans mot dire. Eve la regarda et lui fit un sourire.
-Bon, fut le capitaine, voici ce qui s’est passé. Tu vas m’écouter jusqu’au bout et après tu prendras une décision
Te rappelles tu de comment tu es tombé à l’eau n’est-ce pas ?
Sans peine, le souvenir afflua dans son cerveau. Le coup de vent, le visage de la femme qui l’eut propulsé à la mer et sa noyade. C’était bien plus douloureux que ce qu’il ressentait à l’instant
-Oui ! je ne m’en rappelle que très bien.
-Voila ! après que tu sois tombé à l’eau. Nous t’avions tous vu. Tu venais de faire un grand pas dans l’avancé de notre plan puisque à cet instant le navire de la veuve perdait le cap. Nous avions jeté l’ancre pour virer à gauche et revenir au point de départ. Il pleuvait toujours et le navire de la veuve allait tout droit vers la chute. Tu ne le savais pas peut être mais j’avais dirigé notre navire vers cette ile parce que je savais ce qui s’y trouvait ; des piques sur un large espace. Assez pour perturber un navire pirate, chose faite nous n’avions pas eu du mal à nous en sortir tandis que la veuve galerait à redresser le gouvernail. Elle était tombée la première mais aussitôt nous fumes aussi percuté par un bâtiment de la marine. Cela ne faisait pas partie de nos calculs. La marine, je compris plus tard n’avait aucune envie d’essuyer des pertes. Nous sommes tombés aussi sous la falaise et c’est alors que je ne sais par quel sort le navire de la veuve n’a eu aucun dégât alors que nous autres sautions par-dessus le bord pour ne pas nous enfoncer avec le bateau du capitaine. Certains périrent de deux côtes. En essayant de nous retraiter vers la foret, la veuve engagea le combat de nouveau. Le capitaine Barhak décida de lui tenir tête seule et m’ordonna de prendre soin des survivants. Narhak, enfin Eva était blessée au bras et boitait légèrement. Je l’éloignais de ce raffut. Pendant que nous fuyons, nous étions loin de nous douter que la marine interviendra plus tard pour encercler le capitaine Barbon et partir avec. Surement parce qu’il avait le journal, ton journal, le journal d’Algheer. Ce n’est qu’en allant plus loin dans la jungle avec Eve accrochée a mon épaule. Nous longions la rivière lorsque nous sommes tombés sur la fille, elle trainait un corps hors de l’eau et nous sûmes que c’était le tien. Elle fut tout son possible pour te réanimer. Tout cela nous parut étrange qu’une étrangère s’acharne autant sur le sol d’un homme à l’agonie. C’était avant de découvrir qu’elle fut partie de l’équipage de la veuve et si elle avait pris le risque de fuir c’était dans le seul et unique but de te rencontrer. Pour je ne sais quelle raison.
Il finit son récit sur un ton grave. Las d’avoir autant parlé. Un silence d’ange régna pendant une minute. Marcus se sentit flatté et effrayé à la fois par la perspective qu’il avait attendu. Pourquoi la fille aurait pris le risque de laisser son équipage pour lui ? rien que pour sa petite personne ? et si c’était un piège ? à moins que lui-même ne possède assez d’importance pour que quelqu’un le suive ?
-Je ne sais pas moi mais j’ai un petit creux. Barbon se leva et se débarbouilla les vêtements, je vais nous chercher quelque chose à manger. Un petit lapin sauvage ou un truc gras. Ça dépendra de ce que je trouverai et nous en reparlerons à mon retour
Marcus acquiesça de la tête. Il respirait et se sentait un peu léger. Plus léger qu’il ne fut au début du voyage. « Ça commence à prendre du sens »se dit-il
-Je vais aller fouiller dans l’épave du navire de Père, fut Eve un peu contrariée et elle partit sans rien dire après
-Il faut bien que quelqu’un cherche du bois, des brindilles. Je m’en sens capable.
D’un hochement de tête, Barbon accepta et s’en alla
-Je…je vais venir avec toi.
Lorsque Marcus hocha la tête pour lui signifier son approbation, Eve qui marchait déjà vers la plage s’arrêta un moment. Elle claqua ensuite la langue pour signifier sa désapprobation avant de disparaitre. Une certaine animosité planait entre Eve et Peri et dès le début Marcus le perçue. Quant aux secrets, il finit par comprendre que chacun devait en avoir. Accorder l’entière confiance serait donc une terrible erreur surtout dans ce monde

RÊVERIE : UNE NOUVELLE ÈRE DE LA PIRATERIE (TOME I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant