20. Comme au bon vieux temps

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Ashya

Alessa, la serveuse du café, lance un regard dans notre direction. Je la salue de la main, le sourire gravé sur les lèvres. Elle me rend mon sourire et sert quelques clients avant de venir nous voir.

Lucrezia la connaît peu. À vrai dire, nous n'avons pas fait beaucoup de soirées avec elle. Alessa était plus préoccupée par sa grossesse plutôt que par nos jeux d'alcool qui tournaient mal. On pouvait finir en sous-vêtement comme finir au poste de police pour avoir défendu notre amie contre un homme mal intentionné. Entre nous, je préfère mille fois atterrir au centre de police plutôt que de savoir ma meilleure amie en danger.

Les raisons qui me font détester les hommes sont celles-ci : ils sont très souvent mal intentionnés et sont imprévisibles. Sans oublier qu'ils pensent avec leur sexe.

— Tu as l'air différente.

Je scrute Lucrezia qui porte un top mettant en valeur sa poitrine. Ses lèvres maquillées s'entrouvrent alors qu'elle plonge un morceau de cookie dans sa bouche. Mes poumons se vident plus rapidement qu'ils n'aspirent de l'air. J'avais oublié à quel point nous étions fusionnels. Comme de vraies jumelles. Lu' sait me déchiffrer et je sais le faire avec elle. C'est comme ça qu'elle a su qu'il y avait un problème.

Amadeo. Voilà mon problème. Enfin, il n'en est pas réellement un. C'est moi qui le juge tel quel. Depuis deux jours, je fais tout pour l'éviter. Je sors plus souvent avec Lucrezia dès qu'un trou se libère dans son emploi du temps. Rester seule dans une pièce avec Amadeo me broie les tripes. J'appréhende cette discussion que nous allons avoir. Il va me demander ce qu'on est et je vais répondre que je l'ignore.

— Comment ça ? essayé-je d'ignorer la pression dans mon ventre.

Lucrezia aime tout savoir à mon sujet, surtout au niveau des relations que j'ai. Je suis pareille avec elle alors je ne peux pas la blâmer. C'est juste que cette fois-ci, en parler est plus difficile. Ma gorge est ficelée. Peut-être parce que l'homme qui noie mon cerveau est Amadeo. Avec lui, tout est différent.

Quand j'étais avec Lucas, je n'avais aucun problème à parler de lui à ma meilleure amie. Je pense que je n'avais pas peur de son jugement parce qu'au fond, je devais savoir qui il était vraiment. Le déni à embrumer mon cerveau pendant de longs mois. Lu' disait constamment ce qu'elle pensait de lui et jamais je ne l'ai repris. Elle avait raison.

Par chance, Alessa vient à notre table. Elle dépose nos lattes avec des petits biscuits offerts. Quand je travaillais ici, je me souviens qu'on le faisait souvent. À chaque commande de boisson chaude, nous offrons des biscuits. La clientèle en était ravie. Depuis, les avis sur Internet ont fait exploser les ventes et l'arrivée des clients. Et me voilà quatre mois plus tard dans ce même café étant cliente.

— Toujours fourré ensemble, dit-elle comme une affirmation plutôt qu'une question.

On hoche la tête à l'unisson.

Mes anciens collègues se rappellent de Lucrezia. Elle venait souvent me chercher le midi pour manger ensemble et parfois le soir pour rentrer chez elle. Sauf quand je rentrais chez moi - enfin chez Lucas.

— Ton fils et ton mari vont bien ? demandé-je.

— À merveille !

Alessa s'assoit dix minutes avec nous. Elle nous montre des photos adorables de son fils. Certaines sont plus amusantes, dotées de grimaces. D'autres sont des photos de famille. Je ne pensais jamais ressentir cette sensation dans ma cage thoracique, celle qui me donne envie de fonder une famille. Je n'y avais jamais pensé auparavant. Du moins pas avec Lucas. Je ne voulais pas fonder de famille avant d'avoir réussi professionnellement.

Another love - TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant