22. Victor

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Ashya

La gueule de bois avait un meilleur effet que celui-ci. Ma tête n'est pas la seule à souffrir, ni mon estomac. Ce matin, j'avais envie de vomir mes entrailles tandis qu'à présent, j'ai la sensation que mes organes se propagent hors de mon corps accompagné d'une flaque de sang autour de moi. J'essaie de bouger, mais mes membres sont lourds et douloureux. Mon poignet droit me lance d'effroyables pics de douleur. La main que j'utilise pour peindre est déficiente...

— Petit cœur ?

Cette voix... Je pensais m'être trompée la première fois lorsque mon prénom est sorti de sa bouche. Je n'ai plus croisé Victor depuis des années. Depuis qu'il est parti faire le tour du monde. Je l'ai revu à Noël dernier, comme chaque année. Notre relation ne s'est pas détériorée. Ça me réchauffe le cœur de recevoir ses messages pour m'avertir du pays dans lequel il se rend, joint de photos.

— Mon cœur n'est plus aussi petit, réponds-je difficilement.

Quand on s'est rencontré, mon cœur était défaillant par le décès de maman. Par chance, j'ai réussi à l'endurcir, en partie grâce à lui. Il m'a soutenu dans l'ombre de nos vies. Il m'a sauvé et il est en train de recommencer. J'ai tendance à croire qu'il le fait constamment avec les autres. Mais qui le fait pour lui ?

J'essaie d'aligner trois mots, Victor m'en empêche afin que je garde mes forces. D'après lui, les ambulances qu'il a appelées quelques minutes plus tôt ne vont pas tarder à faire leur entrée. Je n'attends que ça. La douleur des coins d'escaliers est encore ancrée dans mon dos, mes jambes, mes bras et dans la poitrine. Ce qui me blesse par-dessus tout est la trahison de Lucas. Le fait qu'il me trompe est minime à côté. Avec du recul, j'aurais pu le pardonner en prétextant dire que nous n'étions pas faits pour être ensemble. Ouais, je suis trop pur pour lui. En revanche, me laisser volontairement tomber dans les escaliers n'est pas pardonnable. Il a eu mes rires et mes pleurs, mais la seule chose qu'il n'aura pas est mon pardon.

— Kyle... Je dois l'appeler.

Il est le seul que je ne vais pas déranger. Amadeo est avec sa fille. Quant à Lucrezia, elle est avec des patients. Je ne peux pas les déranger alors qu'ils vivent leur vie tandis que moi, je suis au sol en train de souffrir le martyre. Kyle est un grand garçon pour venir de lui-même sans avertir Amadeo et Lucrezia. Il gardera le secret parce que je vais l'obliger.

Je ne veux inquiéter personne d'autres. Ils vont m'en vouloir, ça ne fait aucun doute. Je suis prête à assumer cette responsabilité. Ma meilleure amie m'a assez vu dans de mauvaises postures pour lui infliger ça une nouvelle fois, Amadeo de même. Je ne dis pas que Kyle n'a pas été assez traumatisé par ma personne. Loin de là. Ce dont j'ai besoin est d'une personne à mes côtés pour me soutenir quand je ferai ma déposition. Encore.

Je soulève difficilement mon bassin pour sortir mon téléphone de la poche arrière de mon jean qui me colle à la peau. Je fixe l'écran craquelé et le déverrouille. Après ça, je dois sérieusement penser à acheter un nouveau portable. Mes yeux tombent dans les pupilles bleu-vert de mon ami. Je n'ai pas besoin de le supplier qu'il cherche le prénom de mon ami dans les contacts du téléphone.

Pendant ce temps, je m'attarde sur son visage bronzé. Je ne dois pas fermer les yeux. Si je les ferme, je ne sais pas si je vais avoir la force de les rouvrir. Je ne peux pas faire ça à ma famille. Encore moins à Lucrezia et Amadeo. Ils seraient anéantis. Je suis la source de bonheur de l'un et la bouée de sauvetage de l'autre. Je ne peux pas les abandonner.

Victor à un nouveau piercing en plus de celui à l'arcade et de celui au coin de son nez. Il a un labret au centre de sa lèvre inférieure. Un de plus ou de moins ne fait pas la différence. Quant à ses cheveux, ils sont platine. Il a choisi la bonne décision. Ses cheveux autrefois noirs lui donnaient un air froid et inaccessible. Puis il y a ses tatouages. Il n'a pas l'air d'en avoir des nouveaux. Un dragon tourne autour de son avant-bras, la tête recouverte par la manche du t-shirt. Je me souviens qu'il avait une raie dans le dos. Le dernier se situe sur le torse. C'est un dicton italien.

Another love - TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant