Chapitre 26 : Un week-end comme les autres

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Plus le temps fila, plus je m'habituai à cette ville. Ce week-end, après avoir travaillé toute la semaine sur l'expulsion de Teiko, je passai la plupart de mon temps à la rue commerçante. Et quand je ne travaillai pas au Maid café, je shinai dans les magasins.

"Bienvenue ! Puis-je prendre votre commande ?"

Je devins de plus en plus professionnelle au boulot. Entre un accueil chaleureux, une posture mignonne, une connaissance de la carte et une rapidité de service... Mes salaires augmentèrent de plus en plus. D'ailleurs, c'était en travaillant au café que j'appris que les pourboires étaient très mal vus. Mes collègues réagissaient très mal quand des touristes voulaient leur en donner. J'avais honte de les avoir acceptés les premières fois.

Mais bon. Grâce à ce métier, j'obtins assez d'argent pour me faire plaisir dans les magasins. Ou tout simplement acheter de quoi guider Ryoba. Et cette fausse carte d'identité me fut très utile également. Comme pour acheter des mangas érotiques, dont j'ai étonnamment pris goût.

Je quittai mon service à la fermeture du café, près de minuit. Le ciel ne pouvait pas être plus étoilé et la rue était très éclairée par les lumières. Certains magasins étaient fermés, mais d'autres comme la boutique de manga et le stand de ramen étaient encore ouverts à cette heure.

Je n'avais pas croisé Ryoba ce jour-là. J'imaginais qu'elle devait être dans sa chambre, à enfin réfléchir sur son approche envers Jokichi. Depuis le temps qu'elle était amoureuse de lui, il serait temps qu'elle fasse le premier pas.

Mais quand on pense à ma situation, ça fait également un an que je suis amoureuse de Yasuo sans lui avoir dit, je ne devrais pas lui faire la morale.

Je décidai donc de rentrer chez moi. Vu l'heure tardive, je n'avais pas envie d'attendre le bus qui arrivait dans une trentaine de minutes. Je décidai donc de rentrer chez moi à pied, toute seule. Mon appartement loué n'était pas très loin, de toute façon.

Je marchai donc dans une rue calme, éclairée par des lampadaires, mon sac sur mon épaule. C'était l'un de ces nombreux quartiers résidentiels, avec des maisons à tous les coins de rue et une route assez étroite.

Mais quelque chose perturba assez vite ce calme.

Alors que je me perdais dans mes pensées, à marcher mécaniquement, une scène attira soudainement mon attention. Au loin, je vis quelqu'un traverser la route en courant.

C'était une fille, de mon âge je dirais, qui avait un visage très paniqué. Elle avait de courts cheveux bordeaux et des yeux vairons roses et gris. Sa tenue était d'un style plus rétro avec une robe à col bleu, des collants blancs et des bottes marrons. Ce style était dépassé de presque vingt ans.

En temps normal, je me ficherais de la raison pour laquelle cette fille fuyait quelque chose, mais la façon dont elle me regarda quand nos regards se croisèrent était très étrange.

D'un coup, la fille courut vers moi. Elle perlait de sueur et sa respiration était très rapide.

"Aide-moi s'il te plaît !" prononça-t-elle d'un fort chuchotement. "On essaie de me retrouver et-"

-Itohouë !

-Où te caches tu ?!

Des cris masculins soudains coupèrent les explications de la fille. Cette dernière devint encore plus pâle avant de courir en direction de la maison à côté de nous pour passer par-dessus les buissons.

Ensuite, en tournant la tête, je pus apercevoir les "harceleurs" de la fille. C'étaient deux jeunes hommes, également de notre âge. Ils regardaient un peu partout avant de m'apercevoir.

Ils s'approchèrent ensuite.

"Bonsoir," fit l'un des deux, "excuse-nous de te déranger, mais aurais-tu vu une fille passer par ici ?"

En temps normal, je me serais méfiée que deux garçons courent après une fille seule. Mais ils n'avaient rien de détraqué ou malsain. Ils étaient très bien habillés, presque comme pour un rendez-vous, et celui qui me parla était très poli. L'un avait les cheveux et les yeux violets et l'autre les cheveux et les yeux turquoises.

"Une fille...?" demandai-je sceptique.

-Ah non non, corrigea le garçon aux cheveux violets, ce n'est pas ce que tu penses ! On ne lui veut pas de mal !

-Cette fille nous a joué un mauvais tour, ajouta le garçon aux cheveux turquoises, on veut juste qu'elle s'explique.

-Elle est assez petite, les cheveux rouge foncé...

Ils semblaient assez sincères, mais ça restait tout de même bizarre. Mon froncement de sourcils montrait ma méfiance.

Et finalement, je leur répondis en pointant du doigt la rue derrière moi :

"Elle est partie par ici. Elle marmonnait qu'elle allait à la rue commerçante."

Les garçons se regardèrent un instant avant d'acquiescer chacun de la tête.

"Merci encore ! Allez, viens, Haruka !"

-J'arrive. Encore merci !

Et ainsi, les deux jeunes hommes partirent dans la direction que je leur avais indiquée.

...

"Sors de là."

À mes mots, la fille sortit des buissons.

"Piouh !" lâcha-t-elle d'un ton soulagé. "J'ai bien cru qu'ils allaient m'attraper ! Ha ha ! Merci !"

La fille prit soudainement de la confiance. Elle avait un énorme sourire au visage, je pouvais voir presque toutes ses dents.

"De rien." répondis-je en haussant les épaules. "Qu'est-ce que tu leur as fait ?"

-Quoi ? Euh, rien du tout...

-Arrête de mentir, je sais qu'ils disaient la vérité. C'est quoi ce mauvais coup ?

Je remarquai les mimiques de la fille : elle croisait les bras, rétractait les épaules, détournait les yeux. Elle avait totalement l'air coupable.

"Bon, bon." râla-t-elle en baissant les yeux. "Je les ai invités tous les deux à sortir et ils ont découvert la supercherie..."

-Attends, tu les as invités en même temps ?

-Ouais... Dans le même restaurant...

Est-ce que je venais de comprendre que cette fille avait invité deux garçons à sortir le même jour, au même endroit ?

"... Tu es sérieuse...?"

-Ben quoi ? Ils sont tous les deux mignons ! Je n'ai pas pu choisir !

-Mais tu es bizarre, toi !

C'était bien la première fois que je rencontrais quelqu'un qui osait faire un tel cinéma.

"... Attends, mais tu n'es pas la nouvelle élève ? La personne provenant de l'autre école ?" demandait-elle. "Mais si ! Tu es à Akademi !"

-Euh, oui, c'est moi... Toi aussi ? Je ne t'avais jamais vue avant.

-Oh, j'avoue être très discrète. Alors autant me présenter ! Je m'appelle Itohouë Aika ! Enchantée !

-Hum... Enchantée aussi.

C'était bien la première fois que je tombais sur une fille qui avait l'audace d'inviter deux garçons à sortir à la même heure et au même endroit. Mais comment avait elle procédé ? Elle avait alterné entre les deux tables ou avait elle espéré que l'un des deux lui pose un lapin ?

Encore aujourd'hui, au bord de la mort, je me posais la question.

Après cette conversation bizarre, je rentrai chez moi.

Et le lundi, pensant que ça allait être une journée paisible... Il se trouvait que je retrouvai Aika.

Et je m'étais involontairement mit dans les pattes une vrai sangsue.

"Coucou Mori-senpai ! Ma sauveuse !"

{ YS } Le NEW Double Jeu : 1989Où les histoires vivent. Découvrez maintenant