09/1783
Dans le chemin sinueux de notre vie, adviendrait un jour où nous nous retrouverions devant une ligne tracée dans la terre. Le choix de la franchir nous serait propre, mais par-dessus tout déterminant pour l'avenir. Et si nous le faisons, nous devrions abandonner une part de nous-même et avancer, en sachant que nous ne redeviendrions plus jamais la personne que nous étions auparavant. Une lueur brillerait sur notre visage, tandis que notre ombre s'agrandirait de la déception d'autrui qui aimait la victime de ce changement, mais haïssait sa nouvelle forme.
C'était la raison pour laquelle aller de l'avant signifiait avant tout parsemer le chemin parcouru par des fragments de notre être passé.
Et il ne serait que plus tardé pour Kyle de se retrouver face à cette ligne.
Cet après-midi-là, la voix des famessiens se faisait encore entendre depuis leur île isolée. Leurs pas faisaient trembler la Rue principale tandis que les armes des Légionnaires rugissaient. De la fumée s'élevait vers le ciel bleu d'été. Les marginaux pensaient que la clarté de ce dernier était un bon présage. Que l'imposante poudreuse noire recouvrirait le vaste ciel, comme ils comptaient plonger Dives dans l'obscurité si cette cité n'offrait pas à sa jumelle ce qu'elle convoitait. Les usines avaient cessé de fonctionner tandis que les agriculteurs du Pré s'étaient rendus dans les rues rejoindre leurs frères et leurs sœurs dans la quête de liberté.
Là-bas, Kyle et ses coéquipiers avaient vu la discorde à son apogée. De la colère dans leur regard ; de la rancœur dans leurs gestes. Ils s'étaient ouverts à un tout autre monde dans lequel la tranquillité de Dives ne semblait être qu'une idée abjecte à Fames. Ces habitants ne voulaient pas la paix. Ou du moins, ils ne voulaient plus du silence sous lequel ils avaient été soumis toutes ces années. Et, pour cela, ils étaient prêts à tout pour faire entendre leur voix. Quel profond malaise les dix nouvelles recrues de la cent-quatrième brigade avaient ressenti quand leurs aînés emmenaient des famessiens à l'arrière d'un fourgon — après tout, ils connaissaient leur funeste fatalité. Mais la plupart d'entre eux ne s'étaient pas laissé abattre et avaient rapporté leur attention sur les émeutes. Ces derniers s'arrêtaient au milieu du Pont Léonarth, sous la Grande Arche. Des barrières les empêchaient d'aller plus loin. Mais, cela ne les arrêtait pas pour autant. Des débris, de la nourriture, des déchets, et même des bombes artisanales... tout ce qui pouvait être lancé était reçu par les soldats.
Mais leur tour de garde était fini pour aujourd'hui. Alors la cent-quatrième brigade monta à bord de leur véhicule et regagna la frontière. La tête reposée contre la paroi du fourgon, Kyle apercevait la ligne d'horizon bleuté qui séparait mer et ciel défiler à travers la fenêtre ainsi que des taches blanches voler. Ce tableau était si paisible. Il oublia un instant les horreurs qui se produisaient derrière lui. Et puis, aucun de ses camarades ne prononça un mot du trajet, alors il choisit de se perdre dans ses pensées les dix prochaines minutes dans ses pensées. La seule chose qui le maintenait accroché à la réalité était les chuchotements entre Luther et Jasper. Tous les deux étaient devenus bien plus proches depuis les Nominations, cela n'avait pas échappé à Kyle. À Stanley non plus, mais celui-ci préférait rester silencieux à son côté.
Une fois arrivés à destination, tous les dix accompagnés de leur supérieur descendirent du véhicule.
— Jouer les gardiens du peuple est assez éprouvant, soupira John Hoover, en étirant ses bras vers le ciel.
— Ils me font un peu peur, moi, avoua Sacha.
— Allez les gars ! les encouragea Helena. On fait notre job, un point, c'est tout. On a une solde à la fin du mois, je vous rappelle.
Josh Walker s'avança vers eux.
— Ouais, une solde pas très généreuse pour tous les risques que nous entreprenons.
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PILLAR | T1
Science FictionDans un monde sombre, un pays dont le peuple était divisé en deux y subsistait. L'un s'appelait Dives. Aussi cupides qu'hypocrites, ils sont les favoris du président Varnahm. Le second s'appelait Fames. Misère et mort les guettaient jusqu'à ce que l...