Entre les vagues [L.S]

Chapitre six

1982 – Louis

Quelques jours passèrent. La soirée piscine de Louis avait, comme toujours, été une réussite. Son prénom était dans toutes les bouches du bahut et même les jeunes touristes, qui n'avaient pas forcément été invités, en parlaient. Tout le monde voulait se rendre à la prochaine soirée qu'il organiserait. Contrairement à d'habitude, Louis accueillait difficilement ces éloges. Il s'en fichait pas mal si les gens avaient apprécié, en fait, tout ce qui l'importait, c'était Harry.

Harry qui avait vu ce magazine... dans sa chambre.

Il commençait à se faire tard. Louis était installé sur ses draps défaits aux motifs fusée, son walkman en main et les écouteurs dans les oreilles. Il regardait danser les ombres des persiennes qui reflétaient sur son mur, le divisant en plusieurs bandes sombres. La lumière du soleil couchant donnait à sa chambre une ambiance paisible. Louis se laissait bercer par la douce mélodie de Il est libre Max d'Hervé Cristiani, tentant avec une certaine difficulté de faire taire cette angoisse perpétuelle.

Il est libre Max, il est libre Max
Y'en a même qui disent qu'ils l'ont vu voler

Louis aimerait pouvoir être ce Max et s'envoler loin de tous ces ennuis.

Il essayait de se rassurer comme il pouvait ; il se disait que peut-être, Harry n'avait pas remarqué le sujet du magazine. Que peut-être ses draps avaient pu cacher une partie de la couverture. Mais il se rappelait bien du regard d'Harry lorsqu'il avait relevé la tête vers lui. Louis avait vu son regard changé, il savait qu'il avait compris.

Et puis, la seule réaction de Louis, se fut de partir en courant, de se sauver. Un comportement de coupable quoi. Alors il ne pouvait pas espérer qu'Harry n'ait pas compris, à part s'il était vraiment très bête.

Louis se tournait la scène en boucle depuis trois jours, encore et encore. Son regard le hantait chaque nuit à tel point qu'il commençait à en faire des cauchemars. Il ne savait pas vraiment ce qu'il avait vu dans ses yeux. Il ne savait pas si c'était du jugement, du mépris ou bien de l'empathie et de la bienveillance à son égard. Ou peut-être était-ce encore... cette autre chose.

Et depuis trois jours, l'angoisse avait pris possession de son corps. Il ressentait cette petite boule désagréable, au creux de son ventre, qui ne le quittait plus. Il craignait qu'Harry en parle, qu'il déballe tout au premier venu et que tout Arcachon finisse par être au courant qu'il était homosexuel... ou plutôt, que c'était une "pédale". Il savait que sa famille le renierait pour ça, il en était certain. Sa mère le pousserait à réprimer ses désirs, et son père, lui, le chasserait probablement de chez eux. Il ne savait pas ce qui était le pire des deux ; devoir changer pour être dans le moule ou bien se faire bannir comme un malpropre.

Soudain, la porte de sa chambre s'ouvrit dans un vacarme assourdissant. Louis releva la tête en direction de celle-ci tout en retirant l'un de ses écouteurs.