ANYA
Je m'étais fait la promesse de ne plus jamais remettre un pied à St Petersbourg. Plus jamais je ne voulais remettre un pied dans ce manoir. Il renferme trop de souvenirs, trop de cauchemars que j'ai mis tant de temps à oublier. Mais il arrive parfois que certains événements nous poussent à agir contre notre gré. Comme par exemple l'annonce du départ en retraite de mon père et par déduction, l'annonce de son successeur. J'imagine que ces collaborateurs sont tous en train de se battre pour obtenir le trône. Mais quand est il de nous ? Ses filles ? Mes sœurs n'ont jamais eu l'envie ou le courage de se dresser contre notre père. Ou alors peut être qu'elles se complaisent dans le rôle futile qu'il leur attribue. Mais ce n'est pas mon cas. Et même si mon enfance reste un souvenir brumeux que je préfère oublier, je suis prête à mettre de côté mes angoisses pour obtenir gain de cause. En vérité, je n'en ai que faire de diriger l'entreprise familiale. Ce que je veux c'est découvrir la vérité. Et si mon père nous quitte, je sais que personne d'autres à part moi n'aura le cran de fouiller la merde monumentale qui se chache derière les portes de ce manoir. Je sais très bien que mon père ne me laissera jamais acceder au pouvoir que ce soit par misogynie ou par peur, mais je ne lui en laisserai pas le choix, pas cette fois.
Ça s'est toujours passé ainsi de toute façon. Aussi loin que je me souvienne, mon père nous a toujours tenu à l'écart des grandes décisions. Moi, et mes sœurs. Après tout nous ne sommes que des femmes et en Russie, de surcroît dans la famille Romanov, les femmes ne sont que des potiches qu'on marie pour solidifier des alliances. Nous ne sommes jamais au fait de ce qui se passe, et j'en ai raz le bol.
Cette fois-ci c'est la goutte de trop et je ne laisserai pas mon paternel m'exiler à Moscou pour ma soi- disant sécurité alors que tout ce que je désire c'est nous apporter la paix d'esprit. Oui, j'ai un vagin, mais je suis tout aussi capable qu'un homme de faire prospérer une entreprise et nous maintenir en sécurité. Peut-être même mieux. Qu'il le veuille ou non, aujourd'hui, il va m'entendre et il va m'écouter.
Me voilà donc au volant de mon Range Rover quittant la capitale direction St Petersbourg avec la ferme intention de faire valoir mes droits.
Après plus de six heures de route sous la neige j'arrive enfin à la maison.
Le grand portail noir à l'entrée du chemin s'ouvre et notre blazon doré, un R en lettre gothique se sépare en deux quand il s'ouvre. Au pas, j'entre sur la propriété et une boule d'anxiété se loge entre mes poumons. Je n'étais pas revenu depuis des années. Sept ans exactement. Sept années que notre mère est morte et que mon père m'a envoyée à Moscou pour ma sécurité. Ils nous ont tous exilés, jusqu'à notre majorité. La perte de sa femme l'a rendu parano et malgré sa vigilance accru et ses interogatoires interminables, nos questions restent toujours sans reponse.
Mes yeux s'égarent entre les grands cyprès qui longent la route principale. Des flashbacks de mes sœurs et moi en train de jouer à cache-cache et grimper au branches me reviennent en mémoire. Nous étions si heureux et insouciants.
Alors que je me gare devant l'entrée et que le cocher s'apprête à m'ouvrir la portière, je revois très clairement mon père, ma mère alors enceinte de mon petit frère, mes trois grandes sœurs et moi debout devant l'escaliers en train de réaliser les portraits de famille. Nous devions toujours recommencer plusieurs fois car il y avait toujours l'une de nous qui était distraite par l'autre et qui bougeait, ou bien qui fermait les yeux ou se mettait à pleurer parce que l'autre lui avait tiré les cheveux. Mon père sifflait par le nez en tentant de maîtriser sa frustration alors que ma mère de sa voix si douce et pourtant ferme nous demandait de rester calme.
Cette fois-ci en haut de l'escalier il n'y a personne. La nuit est bien avancée et la neige continue de tomber. Les flocons s'écrasent lourdement sur les marches en pierre grise et ils fondent progressivement se transformant en une pâte boueuse. Mes souvenirs d'enfance ne sont plus qu'à l'image de cet escalier : une vieille mélasse marron. Depuis l'accident je n'ai que très peu de souvenirs de ma vie ici. Seulement des brides et des images qui apparaissent comme des flash dans mes rêves.
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Romanov's Demon
RomanceANYA : Je m'appelle Anastasia Romanov et je suis la fille du plus puissant parrain de la mafia russe. Pourtant je n'ai aucun pouvoir parce que je suis une femme. Il est tant que ça change ! A l'annonce du départ en retraite de mon père Nikolai Roma...