Chapitre 10

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RAZ

Assis sur l'un des deux fauteuils qui font face au bureau de Nikolai, je fais craquer mes articulations, dans l'espoir de calmer mes nerfs. J'ai l'esprit encore embrouillé et les muscles tendus après ma petite incartade avec Anastasia dans la bibliothèque. Son corps réagit au mien comme le mien avec le sien. C'est magnétique et terriblement dangereux. Pour notre bien commun, il vaut mieux que je réussisse à la tenir à distance. Mais cette petite teigne ne semble pas encline à apaiser les choses. Au contraire, j'ai le sentiment que c'est justement ce qui l'excite. Le jeu, l'interdit, la rivalité. Tant de raisons qui me confortent dans l'idée que cette fille ne peut être qu'un présage de mauvaise augure. Une corneille aux ailes pourpres et aux serres acérées.

Sergei est assis à côté de moi et sa nervosité palpable me tend plus que de raison.

– Tu penses que l'on doit s'inquiéter ? demande-t-il bêtement.

Je m'apprête à lui répondre une phrase tout aussi stupide que sa question mais Nikolai entre dans la pièce et s'en charge directement.

– Ma fille a disparu, évidemment qu'il faut s'inquiéter, gronde t-il en refermant la porte derrière lui.

Il s'installe à son bureau en se massant les tempes. Aucun de nous ne relève les éclats de voix qui viennent d'avoir lieu à l'étage en dessous. Ni le bruit d'une bouteille à plusieurs milliers de roubles qu'on jette par terre. Cette fille a un véritable tempérament de feu et ce n'est clairement pas pour me déplaire. Cette information cependant ne doit jamais arriver aux oreilles de Nikolai. Le pauvre homme à suffisamment de soucis en tête pour que je l'embête avec ma terrible attirance pour la plus jeune de ses filles. Plus vite elle rentrera à Moscou, plus vite je pourrais retrouver le maximum de mes compétences. Elle me parasite l'esprit depuis son arrivée, cette sorcière. Quand Nikolai nous a convoqués, je me suis réjouie à l'idée qu'il puisse me confier une mission qui me fera penser à autre chose qu'à cette chevelure rousse et l'odeur de pêche qui s'en dégage.

– Mettez en pause tout ce que vous étiez en train de faire. Sergei, l'interpelle t-il. Appelle les biélorusses, dit leur que l'on suspend la transaction pour l'instant et ..

– Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, osé-je le couper.

Il tourne la tête vers moi. Si n'importe qui d'autre avait osé l'interrompre il aurait déjà une balle dans le crâne mais il sait que mes interventions, rares soit-elles, sont toujours utile. Je ne suis pas son meilleur élément pour rien. En même temps, il m'a façonné à son image. J'ai été sculpté dans le but de lui succéder. Je suis lui, l'âme en moins.

– Je t'écoute Raz.

– Si nous suspendons nos activités habituelles, ils risquent de se douter que quelque chose cloche. A aucun moment nous ne devrions nous présenter en position de faiblesse. Je pense qu'il vaut mieux agir dans l'ombre et garder les apparences intactes.

Il hoche la tête lentement et approuve sans un mot mon conseil. Je sens Sergei se raidir dans le fauteuil à mes côtés et je jubile intérieurement de le voir ruminer. Il a toujours détesté la position spéciale que m'octroie Nikolai. Et faire valoir ce droit devant ses yeux sans qu'il ne puisse réagir est l'un de mes plaisirs quotidiens.

– Tu as raison. Il faut conserver les apparences pour notre sécurité. Sergei, tu peux partir pour Minsk dès demain matin. Tiens moi au courant.

– Mais ... tente-t-il d'injecter mais Nikolai le fait taire d'un regard.

– Très bien, grince t-il entre ses dents.

Il ne bouge pas pour autant de son fauteuil alors qu'il me semblait claire dans le ton de son patron qu'il pouvait disposer. Quel con.

Romanov's DemonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant