Romanov's Demon

Chapitre 3

ANYA

Différentes émotions se mélangent dans ma tête. Je suis perdue entre ma frustration d'avoir été éconduite par mon père sans avoir le temps de plaider ma cause et le trouble que m'a causé la présence de Raz.

Grigori Rasputin. Sa réputation le précède. L'homme de main de mon père et son exécuteur. Connu pour avoir été le confident de ma mère et se servant de son influence pour monter en grade auprès de mon père et au sein du réseau. Les rumeurs vont bon train sur son compte et il est reconnu dans toute la Russie comme un homme craint mais fascinant. Certains ont peur de lui alors que les plus téméraires sont intrigués par l'aura mystique qu'il dégage. On le traite de fou, de psychopathe, et de sadique. Il est connu pour multiplier les conquêtes, hommes et femmes confondus. Il s'adonnerai à des plaisirs plus vicieux les uns que les autres. Se délectant du sang de ses victimes avant de les baiser une fois mortes. On le prend pour l'enfant du diable. Personne ne sait d'où il vient ni qui il est réellement. Certains le pensent même immortel. Oui, toute ma vie j'ai entendu des histoires sur lui. Sur ce condensé de luxure et de vices montés sur un mètre quatre vingt dix de muscle. Le démon des Romanov comme on l'appelle. L'ange déchu venu des enfers pour venger notre famille.

Je n'avais pas vu cet homme depuis mon départ pour Moscou et pourtant il n'a jamais quitté mes pensées. Evidemment, j'ai fait croire à mon père et à Raz que je n'avais aucun souvenir de lui. Il ne manquerait plus que je trahisse mon attirance pour le bras droit de mon père. S'il venait à savoir que cet homme hante mes pensées depuis mes onze ans, il me renverrait à Moscou sur le champ et je pourrais dire adieu à mes ambitions. Je crois bien qu'il est le seul que ma mémoire ait gardé intacte. Tous mes souvenirs de lui sont soigneusement rangés dans une boîte mentale que je rouvre tous les soirs pour l'admirer, comme un trésor.

J'étais consciente que Raz travaillait toujours pour mon père et que j'aurais fini par le croiser mais pas cette nuit, pas comme ça.

Je me souviens du jour où mon père est rentré à la maison accompagné de ce jeune garçon qui devait avoir à peine vingt ans. Il a passé le pas de la porte et mon cœur a explosé. A l'époque, je ne comprenais pas encore ce que ce garçon provoquait en moi. Je savais juste qu'en sa présence j'étais mal à l'aise, je rougissais et je transpirais dès qu'il posait vaguement les yeux sur moi. Je guettais à la fenêtre sa venue et dès qu'il apparaissait sur le seuil de l'entrée je courais dans les escaliers en gloussant comme une demeurée. Ce n'est que plus tard, vers mes quinze ans et que je goûtais au plaisir de la masturbation pour la première fois que je réalisais l'importance que cet homme avait pour moi. C'est son visage qui hante chacune de mes nuits, ce corps auquel je rêve alors que je me donne du plaisir. Son être entier est imprimé dans mon cœur depuis ce premier jour.

– Alexandra, je te présente Grigori. Le jeune avait besoin d'un toit et d'un boulot. J'ai pu le voir à l'œuvre, ce petit est prometteur. Fais lui visiter la maison et trouve lui une chambre.

Ma mère a acquiescé alors que je me cachais derrière elle. Il ne m'a pas souri, il s'est contenté de lever le menton d'un air fier et hautain.

Il avait le nez cassé et un hématome bleu cerné son œil gauche. Ses cheveux d'un noir corbeau étaient emmêlés et lui tombaient sur la nuque. Je me rappelle son bras entièrement tatoué d'un mélange de rose, de croix et d'autres dessins qui dépasse de sa manche relevé. Bon sang, avec le temps il est devenu encore plus sexy, plus mûr, plus sombre. Et mon attirance pour lui à l'époque innocente et puérile s'est tout de suite transformée en un fantasme malsain que je suis désespérée d'assouvir.

Croiser à nouveau son regard m'a rappelé tout ce qui m'attirait chez lui, un mélange d'interdit et de ténèbre qui m'ont toujours semblé familier. Il dégage cette noirceur que j'ai toujours voulu goûter mais que je me suis refusée. Trop de choses me séparaient de lui, que ce soit mon âge, ma condition ou mon nom. Grigori Rasputin était un fruit défendu. Toutefois, je ne suis plus une enfant aujourd'hui. Je suis une femme et lui un homme. Que ce soit pour mon rôle dans l'entreprise ou pour Raz je suis bien décidé à prendre ce que je veux et personne ne pourra se mettre en travers de mon chemin.