Romanov's Demon

Chapitre 23

ANYA

Je reste pétrifiée. Totalelement incapable de prononcer le moindre mot. Je me doutais bien que Raz pouvait avoir un passé houleux voir sombre. Les rumeurs allaient bon train concernant son enfance, mais j'étais loin de m'imaginer quelque chose d'aussi sordide.

Je le dévisage et lentement sa vérité se révèle à moi. Comme si on levait un voile et que je pouvais enfin voir derrière les tatouages et les cicatrices. Je vois le petit garçon. Celui qui était encore innocent et qu'on a tracté beaucoup trop tôt vers les enfers.

Je reste muette.

Comment trouver les mots ?

Un "je suis désolée" me semble tellement désuet dans ces circonstances. Je me sens stupide. Je souffre de la mort de ma mère, mais je n'ai jamais connu la pauvreté ni le danger. On m'a toujours protégé, peut-être même un peu trop. Mes traumatismes sont sans doute loin d'égaler les siens et je me demande ce que je serais devenue si j'étais passé par les mêmes monstres que lui. Je serais sans doute transformée en quelque chose de bien pire qu'aujourd'hui. Peut-être même que je n'aurais pas survécu. Je me demande aussi ce que Raz aurait pu être s'il avait grandi avec nous avant que la vie ne l'abîme de manière irréparable. Peut-être serait-il devenu un peu plus comme Dimitri. Peut-être que tout serait un peu plus facile. Mais les choses sont comme elles sont. Nous devons tous les deux continuer à survivre et à surmonter nos cauchemars. Peut être qu'ensemble cela serait plus facile, sans doute moins fatiguant.

Je baisse les yeux sur sa main posée sur la mienne et je regrette aussitôt de m'être énervé contre lui. Sa réaction est tout aussi valide que la mienne et je sais pertinement que je suis dans tous les cas incapable de m'eloigner de lui.

Alors je fais la seule chose qui puisse me permettre de lui faire comprendre que je le comprends, et que je suis là pour lui. Il n'aura plus jamais besoin d'être ce petit garçon.

J'entrelace mes doigts dans les siens et je ne bouge pas. Je lève les yeux vers lui. il se tient droit, aucun muscle de son visage ne bouge mais la rapidité de son poul qui pulse contre ma main trahit sa fragilité.

On reste comme ça un moment, face à face, en silence. Parfois certaines situations se passent de mots et je sais qu'en ce moment précis nous nous disons bien plus de choses que dans n'importe quelle conversation.

Un bruit venant de la cabine du pilote attire notre attention et il retire rapidement sa main de la mienne comme s'il avait peur que quelqu'un puisse nous surprendre. Je me raidis, vexée par ce geste même si j'en comprends la raison. Un trou d'air fait alors trembler l'avion. Déséquilibrée, je suis projetée en avant et me rattrape les deux mains en avant droit sur les cuisses de Raz. La dernière fois que je me suis retrouvée aussi proche de son entrejambe les circonstances étaient bien différentes. Rouge de confusion, je balbutie des excuses avant de me redresser. Il déglutit à son tour sûrement aussi troublé par ce rapprochement que moi et je sais que notre nuit ensemble est toujours aussi fraîche dans sa tête que dans la mienne. Le signe "attachez vos ceintures" se met à clignoter avec un temps de retard. Ça nous aurait évité ce petit moment gênant. La voix du pilote nous arrive à travers les hauts parleurs.

– Veuillez nous excuser pour ce petit désagrément, nous passons une zone de turbulence je vais vous demander de rester assis et d'attacher votre ceinture.

– On avait compris, marmonne Raz en attachant la sienne.

Un petit rire s'échappe malgré moi de ma gorge et je plaque ma main sur ma bouche pour l'empêcher de sortir. Raz me considere en fronçant les sourcils, mais le petit sourire qui se dessine sur ses lèvres rend la situation un peu plus comique.