Il ne savait pas.
Assis sur une chaise en bois simple, il contemplait le paysage qui s'offrait à lui. Dans la nuit noire, les lueurs des lampadaires de Pré-Au-Lard se répercutaient sur le lac, offrant l'illusion d'un spectre qui dansait sur la surface sombre quelques danses oubliées. Le brun leva les yeux vers le ciel et admira les étoiles, découvertes par les nuages. Ces dernières étaient magnifiques et leur lumière brillait, détonnant dans le ciel qui demeurait obstinément noir.
Il ne s'était pas présenté au dîner, préférant passer du temps dans la tour d'astronomie. Il contemplait parfois le ciel pendant de longues heures, laissant son esprit divaguer sans contraintes, un verre de Whisky Pur Feu à la main.
Severus se sentait bien ici, peut-être la vue du ciel lui permettait-elle de se sentir plus proche. Certaines fois, il pensait qu'en tendant le bras il pourrait toucher le ciel et accéder à ses mystères insondables. Pour l'instant son esprit, au contraire du dôme limpide au-dessus de sa tête, était embrumé par les questions et les doutes.
Il ne savait pas pourquoi il avait agi comme cela avec Potter Junior, plus tôt dans la soirée. Il refusait de penser qu'il avait tout simplement apprécié la conversation, comme lui soufflait insidieusement sa conscience.
Peut-être se laissait-il trop envahir par son intérêt pour les potions, alors il quittait sans s'en rendre compte son masque froid et son mépris, qui n'étaient en réalité qu'une façade. Façade qu'il construisait inconsciemment pour protéger ses sentiments et lui-même, se forçant à les enfouir au tréfond de son être.
Il était hors de question qu'il ressente cela une deuxième fois. La douleur était trop profonde, on mettait trop de temps à s'en relever. Les gens prétendent qu'il faut laisser le temps, qu'il arrangera les choses. Pourtant, seuls ceux qui ont autant souffert savent qu'il se contente de voiler la souffrance, la dissimulant insidieusement. Ce n'est qu'une illusion, car même lorsque l'on se considère comme "guéri", une partie de la douleur revient toujours en force, emportant avec elle tous les efforts fournis pour aller mieux et l'espoir de ne plus jamais replonger.
Replonger dans ces souvenirs qui nous hantent, replonger dans les regrets, replonger dans cette douleur qui nous torture l'esprit, dans cet espoir vain. Même s'il savait qu'aujourd'hui son coeur ne battait plus de la même manière, qu'il ne battrait plus jamais comme il avait pu le faire, l'homme ne pouvait pas abaisser ses barrières, celles que son esprit avait mis des années à construire.
« Est-ce cela, le secret d'un bon Occlumens ? »se demanda-t-il ironiquement. Souffrir à s'en arracher le coeur, nourrir une haine à en casser chacune de ses phalanges, à en briser chaque effort du corps pour nous maintenir en vie et enfin atteindre l'inexistence, c'est comme ça qu'il l'appelait.
Cette phase dans laquelle il était bloqué depuis des années et qui durerait probablement jusqu'à sa mort, il s'y était définitivement résolu.
Tout cela refaisait surface ce soir car tout à l'heure, quand il avait eu cet échange avec Harry, quand il avait une fois de plus plongé dans ses yeux verts, il s'était revu lui-même à ses onze ans. Il s'était revu avec la mère du jeune homme, ravivant sans le vouloir tous les souvenirs qui avaient suivi, et cela l'avait submergé.
Non, il n'avait pas exactement ressenti la même chose avec le fils. Le fils était le fils, la mère était la mère. Le jeune Gryffondor n'était pas Lily, Severus le savait, il le ressentait. Quand il était auprès de lui ce n'était pas la même aura, pas la même sensation, et ce n'étaient pas non plus les même sentiments qu'il ressentait auprès de Potter Senior, bien qu'il ait eu beaucoup de difficultés à se l'avouer.
C'était quelque chose de plus attractif, dangereusement attractif, mais aussi doux, durant lequel on avait envie de se laisser porter sans se poser plus de questions. Certainement était-ce l'effet "élu", la sensation ressentie face à la personne destinée à faire de grande choses, face à la personne dont le rôle était de sauver le monde sorcier. Mais tout le monde la ressentait-elle réellement ainsi ?
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Je te revois (snarry) Tome 1
FanfictionLui, un jeune brun qui essaye d'éviter ses problèmes. Lui, un homme pour qui, le premier ne peut pas avoir de problèmes.