ANGELAry avait eu raison. C'est pour ça que j'aimais l'avoir comme amie. Elle était belle, intelligente, souvent froide, mais intelligente. Je me souviens qu'au début de notre amitié, on était un peu comme feu et glace. On se disputait beaucoup, entre ses crises de nerfs, ses moments de moins bien et les moments où elle me ramenait à l'ordre, c'était souvent électrique entre nous. Mais on avait su évoluer. Surtout elle en fait. Elle avait changé, mais pas son intelligence, et au-delà de parler d'intelligence, on parlait beaucoup plus de vivacité d'esprit. Elle avait été ingénieuse de penser à cette histoire d'alarme incendie.
- Je vais rentrer, coupais-je
Elle me fixa, avec des yeux sombres :
- Non. Toi, tu restes ici, et c'est moi qui m'occupe de les faire sortir, d'accord ?
Avant même que je ne réponde, elle reprit :
- La porte derrière nous, dit-elle en la pointant du doigt, elle est ouverte
Cette fameuse porte qui était le signe de notre liberté à tous et à toutes. Je voyais déjà tout le monde passer par celle-là. Encore mieux, je me voyais déjà y passer. La vie devant moi, mes rêves pleins la tête, comme j'avais toujours eu l'habitude de faire. J'allais continuer de rêver, j'allais continuer d'être dans les nuages, malgré ce drame. Et pour cela, il fallait que je retrouve mon copain avant.
- Je te les envoie et toi, tu les mènes à la sortie d'accord ?
Je pris le temps de réfléchir.
- Elle est bien ouverte la porte ?
- Elle l'est tout le temps
Je regardais rapidement autour de moi.
- On fait comme ça ?
Sa voix était pressante, et elle avait raison, Noah... l'assaillant le plus surprenant s'était calmé, mais pour combien de temps ?
- Je vais rentrer Ary. Tu as une mère médecin, tu t'y connais mieux en science que moi, penses aux blessés... tu as vécu dans les hôpitaux, tu as été baigné dans le monde médical, pas moi. Moi, je ne servirai à rien. S'il y a un problème, tu sauras gérer. On a besoin de toi dehors, pas dedans !
Elle soupira. On n'avait pas le temps. Je n'attendais pas sa réponse et rentrais. Plus je m'enfonçais dans l'antre du loup, et plus je voyais la lumière du jour disparaître derrière moi... J'espérais ressortir vivante. Pour revoir un jour tout ce que ce monde avait à m'offrir depuis le début. Je voulais continuer à vivre des moments de tristesse pour avoir la joie de me relever. Je rampais au sol, évitant précautionneusement le sang autour. C'était celui de Beth.
Ma pauvre pensais-je.
J'espérais réellement qu'elle trouve de quoi nous aider, qu'on s'en sorte de toute cette tragédie. Les tirs reprirent, je n'entendais pas ce qui se passait devant, mais c'était suffisamment terrifiant pour que je veuille faire demi-tour. Je me tournais vers ma meilleure amie qui avait les larmes aux yeux.- À Dieu....
Je ne savais pas pourquoi mais c'est ce que je ressentais. Je mémorisais son regard une dernière fois. Et j'espérais qu'après ça, je puisse la retrouver. Je descendais la première marche avec confiance et peur en même temps. Il y avait des traces de pas, des gouttes de sang qui, plus je descendais, devenaient des flaques avec des douilles de balles. Je les fixais tout ne souhaitant pour rien au monde en avoir une dans mon corps.
Le noir de la pièce avec les lumières des projecteurs à l'avant n'avaient rien de rassurant en plus de cela. Je levai la tête en continuant de longer les rangées de sièges vides, priant pour vite arriver au premier élève. Je voulais y arriver, leurs vies dépendaient de moi. Je ne pouvais pas porter des vies de jeunes comme moi. Je ne voulais pas faire de victimes ou avoir la sensation que tout allait être de ma faute si je n'y arrivais pas.
Cependant, j'étais un peu hypocrite. Et c'était comme ça que les humains étaient au quotidien, donc je me pardonnais. Avant de tous vouloir les sauver, je voulais sauver ceux que j'aimais. J'avais peur. Peur de ne pas le retrouver. Peur de l'avoir perdu.
Après avoir descendu quelques marches supplémentaires, je tombais sur des élèves qui, à la différence des autres, étaient assis à même le sol. Certains pleuraient pour ne pas dire tous. Je jetai un dernier regard vers la scène sans chercher Noah des yeux, puis approchais une fille rousse aux yeux cernés à cause des larmes.
Je parlais à voix basse, presque de manière inaudible et leur parlais à eux tous :- Je ne peux rien expliquer, mais la porte de l'auditorium est ouverte !
Ils se regardèrent en silence.
- S'il vous plaît, on n'a pas le temps
Une fille doubla la rousse et se mit à remonter les escaliers :
- En silence, je vous en prie
J'avais envie de pleurer. Je savais que s'ils n'étaient pas discrets, ils risquaient de tous se tuer, ma meilleure amie et moi y compris.
Si nous étions dans l'un de ces livres très mal écrits, j'aurais tout donné pour ne pas être une héroïne risquant sa vie pour d'autres. C'était égoïste, mais ce rôle était éprouvant...
Ils passèrent tour à tour devant moi, même les plus perplexes d'entre eux. Je m'attaquais alors à la rangée en face :- Suivez-les pour sortir
Le message était le même, plus court, mais le même pourtant je complétais :
- La porte est ouverte en haut
Une fille en poussa une autre pour sortir. J'étais déconcertée. C'était donc ça ? Ils se poussaient pour vivre ? Ils préféraient tuer que d'être tués ? Je n'étais plus face à des être-humains. C'étaient tous des sauvages, traumatisé par tout ça. Je descendais encore :
- Montez, la porte est ouverte
Finalement le mot fini par se passer de rangées à rangées tout seul, sans la nécessité d'une intervention de ma part. Je poursuivais dans mon avancée à la recherche d'une personne bien précise. Il se passait en même temps un drôle de spectacle devant nous tous. Noah et... et cette cruche qui avait renversé ce café sur ma robe. Un élève me bouscula pour passer. Peu à peu une queue se dessinait vers la sortie. Que faisait cette fille avec Noah ? Et ce mec ? Je ne comprenais plus rien. Elle avait l'air en colère, le regard noir et lui, le garçon donnait l'image d'une personne ne possédant même plus son corps.
- Alors ?! QUI EST-CE QUE JE TUE EN PREMIER PUTAIN
Je sursautai. Il était fou. Ils étaient fous. Qu'est-ce qu'il se passait ici depuis tout ce temps ? Tout à coup ma colère envers la fille se dissipa. Comment est-ce qu'elle avait fait pour se retrouver dans un pétrin pareil ? En même temps ça nous arrangeait. Il était distrait. C'était parfait pour les faire sortir.
Je me cachais entre deux sièges vides cette fois-ci et faisais signe aux gens de monter. J'agitai mes mains : une pour leur faire signe de se taire et une autre pour les encourager à avancer. Si Noah était distrait, il fallait en profiter. Des filles toujours en larmes progressaient tout de même, alors je tentais quelques sourires d'encouragement et suppliais l'univers pour que Bethany ait réussi à faire ce qu'elle avait à faire malgré ses blessures.- La porte de sortie est ouverte, je leur chuchotais
Un garçon m'ignora, je continuai alors à répéter la nouvelle, la voix tremblante et cette fois-ci quelques-uns se mirent à me répondre, heureux de voir tout ça se finir.
Je sortais de ma cachette en serrant les poings afin de m'armer de courage, me mordant les joues au sang. Je voulais pouvoir supporter l'horreur des corps qui se faisaient plus présents. Certains étaient morts les yeux ouverts. Ils me donnaient l'impression d'être fixée, d'être jugée. Jugée de n'avoir voulu venir ici que pour mon copain.
- La porte est ouverte, je chuchotai de nouveau
Ma main trempa alors immédiatement dans un liquide visqueux qui me fit presque glisser. Du sang... encore. J'avais pourtant essayé d'éviter au mieux.
- Non...
Un sanglot m'échappa, je couvrais ma bouche dans mon aisselle. Je me mis à pleurer imaginant le sang d'une potentielle victime, d'une potentielle camarade de classe ou d'un potentiel ami. Je ne voulais plus être là. Je continuais de pleurer en silence en sentant les gens bouger autour de moi, m'ignorant.
- Angel ?
Cette voix m'était familière. Le garçon de la rangée sous moi me fixait. Je le reconnu immédiatement.
Il était vivant putain...
Je réalisai cela, toujours aussi mal d'avoir eu une main dans le sang de quelqu'un.
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Targets [ DRAME ]
ActionImaginez.... Imaginez 3 secondes, pas plus, pas moins. Le son perçant d'une balle. Le son perçant de la vie que vous perdez. Le son perçant de la mort qui s'invite dans votre lycée. Dans ce lieu qui vous rappelle les amours, les amitiés, les prof...