AITHIOPIA [T6]

59. BLUE

Je me sentais anxieux depuis que Lilas m'avait annoncé qu'elle ne voulait pas se marier. Je ne pouvais m'empêcher de me demander si j'avais fait quelque chose de mal ou si elle avait simplement changé d'avis. 

La nuit dernière, j'avais tourné et retourné dans mon lit, essayant de comprendre ce qui s'était passé.

Assis sur le canapé de mon appartement, perdu dans mes pensées, j'entendis la porte s'ouvrir. Je levai la tête et là, je vis Lilas entrer. Mon cœur se mit à battre la chamade. Elle n'avait pas répondu à mes appels ni à mes messages ces derniers jours et j'avais peur de ce qu'elle allait dire.

Lilas s'approcha de moi et s'assit à côté. Elle avait l'air nerveuse, mais déterminée. Nous nous regardâmes en silence pendant quelques instants avant qu'elle ne parle.

- Est-ce que tout va bien, Lilas ? Tu sembles préoccupée, dis-je en la regardant attentivement.

Lilas soupira et hésita un instant avant de répondre :

- Je ne suis pas sûre, Blue. Il y a quelque chose qui me tracasse, quelque chose que je dois te dire.

Je hochai la tête en signe d'encouragement. Elle me regarda droit dans les yeux et sa voix était un peu tremblante.

- Blue, il faut que je te parle. Je dois te dire pourquoi j'ai refusé ta demande en mariage.

J'acquiesçai et lui fis signe de s'asseoir à côté de moi. J'avais l'impression que quelque chose de grave se préparait. Je pouvais sentir la tension dans la pièce augmenter alors qu'elle commençait à parler.

- Je suis désolée, Blue, je ne voulais pas te faire de mal. Mais j'ai une peur, une peur qui me hante depuis si longtemps, et c'est la raison pour laquelle je ne peux pas me marier.

Elle me regarda droit dans les yeux alors qu'elle parlait, et je pus voir la douleur dans son regard.

Je me demandais ce qui pouvait bien la perturber à ce point. Je n'étais pas du genre à insister sur ce genre de choses, mais je voulais vraiment savoir ce qui se passait dans la tête de Lilas. Je décidai donc de pousser un peu plus loin.

- Lilas, je suis vraiment inquiet pour toi. Si tu as un souci, tu peux m'en parler. Je suis là pour toi, tu le sais bien.

Elle baissa les yeux, visiblement mal à l'aise. Après un moment de silence, elle finit par avouer :

- J'ai peur de l'intimité, Blue. C'est une peur que je traîne depuis longtemps.

- L'intimité ? C'est-à-dire ?

- J'ai... tu te souviens comment j'ai réagi quand tu m'as dit je t'aime ? Eh bien... j'ai encore plus peur de... ce qui arrivera après le mariage...

Je fus touché par la confiance qu'elle me témoignait en partageant ses craintes les plus profondes. Je pris sa main et la serrai doucement pour lui faire savoir que j'étais là pour elle.

- Tu as peur de faire l'amour ?

Elle grimaca, je compris que j'avais encore une fois été trop cru, un défaut que j'avais et sur lequel je travaillais. Elle me regarda aussitôt et murmura :

- Tu n'as pas besoin de changer, tu es parfait tel que tu es !

- Je viens quand même de te... gêner, je soupirai.

- Le dire est compliqué pour moi, rien à voir avec toi.

Je fus surpris par ses paroles. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Mais je ne voulais pas la brusquer.

- Je... j'en ai parlé avec mon père Oracle, papa m'a conseillé de le faire...

- Il m'a menacé de me traduire en justice...

- Oui, Aydie m'a dit, soupira-t-elle, désolée, papa est... un tantinet possessif avec moi. Je crois qu'il sait que j'ai peur de tout ça, d'avoir mal, de ne pas... aimer ça... je ne sais même pas ce qui me fait tant peur, je sais juste que j'ai très peur de ça...

Je fus bouleversé. Je ne savais pas que Lilas portait cette peur en elle, et j'étais à la fois triste pour elle et fier d'elle pour avoir trouvé le courage de me le dire.

- Écoute, Lilas, il n'y a pas de précipitation. On peut attendre si tu en as besoin. On n'est pas obligés de partir en lune de miel tout de suite. Et même si on se marie, on n'est pas obligés d'avoir des relations tout de suite. On peut prendre notre temps.

- Tu... ça ne te dérangerait pas ?

- Hmm, je ne veux pas t'épouser que pour ça Lilas, je veux... te voir tous les jours, me réveiller avec toi, même dans un lit où nous n'aurions rien fait et où j'aurais juste profité de ta présence, je lui expliquai. Je veux te voir rire, sourire, manger, vivre, si pour cela, on doit attendre, je suis prêt à attendre...

- Oui mais combien de temps seras-tu patient ?

- Aussi longtemps qu'il le faudra, je lui assurai, et si ça peut te rassurer, on pourra même vivre au palais, entouré de toute la famille...

Je vis un sourire de soulagement se dessiner sur son visage. Je pris ses mains dans les miennes et lui assurai que je serais là pour elle, que nous prendrions tout le temps qu'il faudrait pour surmonter sa peur. 

Nous pourrions prendre des vacances ensemble, explorer le monde ensemble, sans aucune pression pour nous marier ou partir en lune de miel tout de suite.

- Vraiment ? Tu serais prêt à attendre ?

- Bien sûr, Lilas. Je tiens à toi plus que tout au monde. Et je ne veux pas te faire du mal. Encore moins te forcer...

Je vis ses yeux briller de larmes. Je fus soulagé que Lilas ait finalement trouvé le courage de me parler de ses craintes les plus profondes. J'étais inquiet pour elle, mais je savais que je devais être là pour elle, peu importe ce qu'elle traversait.

Je la serrai dans mes bras, sentant la chaleur de son corps contre le mien. Je lui caressai doucement les cheveux et lui murmurai à l'oreille :

- Je t'aime tellement que je pourrais devenir eunuque pour toi...

- Seigneur que non, dit-elle en se redressant pour me regarder et riant. Priver le monde d'un petit ou une petite Blue serait un crime...

- Je préférerais une petite Lilas, je répliquai.

- Les filles de ma lignée sont difficiles, Blue.

- Je prends le risque, je préfère quand même une petite Lilas !

- Bon, disons alors une petite Lilas avec le caractère adorable et loyal de son père...

- Mon caractère énerve les gens, même ma famille.

- Moi, je l'aime bien, m'assura-t-elle avant de m'embrasser. C'est une des choses que j'aime le plus chez toi...

Je ne répondis pas, ému, parce que Lilas était la seule fille en dehors de ma famille à ne pas me trouver bizarre ou sans cœur. Elle complimentait toujours mes qualités et atténuait mes défauts. 

Avec elle, je me sentais normal, et même quand je ne l'étais pas, elle faisait en sorte que je me sente normal. C'était agréable et reposant. Avec elle, tout devenait paisible.

- Repose-moi la question.

Je fus surpris, je la regardai, elle était sérieuse. Je la lâchai doucement et allai rapidement récupérer la bague. Je souris avant de poser un genou à terre, déterminé à respecter les traditions humaines auxquelles Lilas était habituée.

- Ma Lilas, veux-tu faire de moi l'homme le plus heureux au monde et accepter de m'épouser ?

Elle me regarda dans les yeux, les larmes aux coins de ses yeux. Puis elle hocha la tête, un grand sourire sur le visage.

- Oui. Je le veux.