Treize. ✷ Inspecteur Gabriele.

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Personne ne sait quand, personne ne sait . ✷ Personne ne sait plus qui.

Dans l'esprit de Gabriele Zacchi, les moments marquants de son enfance sont toujours racontés sous forme d'interrogatoires. ( Peut-être est-ce un moyen pour elle de cacher cela sous une forme de fiction, comme si les images monochromes qui défilent dans sa tête empêchent alors la vérité de s'être déroulée. ) Installée dans un fauteuil en cuir blanc, celui de l'avion qui la ramène à Milan, là où se trouve sa maison ; ou du moins ce qu'il en restera après les fouilles archéologiques de ses doigts de fée se soient plongés dans un passé enfoui dans le grenier de la Maison Soleil, Gabriele inspire, son ventre gonflant sous son geste imprudent. Si Kristjan jette un coup d'œil à celui-ci, il verra que quelque chose cloche. Non pas sa respiration, mais ce qui l'en empêche.

Son pouce frôle le bas de son ventre et Gabriele arrête de respirer. Il ne doit pas savoir. Pas maintenant. Pas comme ça. Et même si cela ne se voit pas encore physiquement, Gabie ne peut s'empêcher de croire que Kris le découvrirait simplement au toucher. Il a toujours fait attention à ces détails. Malheureusement pour lui, Gabriele est douée dans l'Art de cacher des choses. Certains diront qu'elle passe trop de temps avec Suzana ; qui est actuellement la femme la plus en colère qui est jamais existé, d'autres diront que c'est Papa Zacchi qui a commencé à lui montrer les bases.

( Gabriele, la scène va commencer ! )

Elle ferme ses paupières. La pièce est plongée dans le noir total. ( On entend quelqu'un respirer. ) Puis les lumières s'allument et la caméra se braque sur la face ( cachée ? ) de son père. Devant lui, ses mains sont liés. Ses cheveux collent à son visage anguleux, à cause de la sueur. Il sourit ; mais il ne laisse transparaître aucune joie. Ses lèvres entrouvertes donnent place à un petit sourire satisfait. Il sait pourquoi il est là. Il en est fier.

Et il semblerait que Gabriele n'est pas présente dans la pièce. ( La caméra se tourne vers l'inspecteur. Oh, mais si ! Gabriele est là. C'est elle qui est assise face à son père. )

⸺ Monsieur Zacchi, nous avons été, à l'aide de nos caméras, témoins d'une scène, où devrais-je dire plusieurs, où l'on voit votre fille Gabriele Zacchi et vous-même, si tant est que vous vous rappelez d'elle et de ses yeux sombres, durant différents moments de son enfance tumultueuse. Donc je vous le demande, aujourd'hui, vous savez certainement pourquoi vous êtes ici, n'est-ce pas ? ( Il ne répond pas. Les ongles de Gabriele s'enfonce dans ses paumes moites. On dirait qu'il ne l'a même pas reconnu. C'est marrant. Il oublierait le visage de sa fille ? Oui. )

⸺ [Silence]

⸺ Bien. Puisque c'est ainsi, allons directement au but, n'est-ce pas ?

Écran noir. Une vidéo se lance. C'est Gabriele qui se tient sur les épaules de son père. Ils sourient. Puis l'eau de la piscine devient sombre, c'est le Soleil qui s'éclipse pour laisser la fille de la Lune avoir son moment.

Gabie, t'veux que Papa te lance ?

Oui !

Gabriele fait plouf. Mais Gabriele ne remonte pas. Car Gabriele ne sait pas nager. Papa Zacchi le sait. Car Papa Zacchi n'a pas appris à Gabriele. Les secondes passent lentement et des bulles transparentes montent une à une à la surface de l'eau. Sans Gabie.

Eh, Gabs !

Papa appelle Gabriele. La brune ne décroche pas. ( Cela pourrait tout changer pourtant. ) Puis sans savoir pourquoi, sans savoir comment, les yeux d'obsidienne de Gabriele sont fixés sur Papa Zacchi, avec sa petite bouche grande ouverte, cherchant de l'air, et ses deux poumons brûlants.

✷ Smoke Signals.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant